#Santé publique

Soins palliatifs et fin de vie : "Je suis plutôt contre une loi sur l’euthanasie" Dr Christophe Trivalle

A quels patients les soins palliatifs peuvent-ils être utiles ? Que peut-on en attendre ? Faut-il renforcer la loi Léonetti sur la fin de vie ? Ou faut-il une nouvelle loi sur l’euthanasie ? Les réponses et avis du Dr Christophe Trivalle , gériatre à l’Hôpital Paul Brousse (Villejuif, APHP).

Vous pouvez visualiser les 5 autres vidéos issues de cette interview en cliquant ici.



Le Dr Trivalle est notamment l’auteur de "Vieux et malade : la double peine !", paru en 2010, et de l’abrégé Masson "Gérontologie préventive : Eléments de prévention du vieillissement pathologique", paru en 2009. 

Le site du Dr Trivalle : http://gerontoprevention.free.fr
16 mai 2014 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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VIDAL : Y-a-t-il des Unités de Soins Palliatifs dédiées à la gériatrie ?
Dr Christophe Trivalle : Ici à Paul Brousse, il y a une unité de soins palliatifs gériatriques. Ce qu'il s'est passé avec les soins palliatifs c'est qu'au départ, un peu partout dans tous les pays, il y avait les hospices qui étaient de grands secteurs gériatriques où l'on mettait tous les vieux et puis tous les gens dont on ne savait pas quoi faire :  ils ne recevaient pas de soins et restaient là jusqu'à leur mort. Après, dans les années 70, les notions de gériatrie et de soins de longue durée sont apparues.

Les médecins qui ont été nommés responsables de ces secteurs gériatriques ont découvert les hospices : ils ont trouvé que c'était un scandale, puis ils ont découvert aussi qu'il y avait des gens qui mouraient dans des conditions épouvantables et c'est là qu'ils ont commencé à développer, en France en tout cas, les soins palliatifs.
 

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VIDAL : Quels types de patients "gériatriques" peuvent être pris en charge par les Unités de Soins Palliatifs ?
Dr Christophe Trivalle : Quels types de malades vont-elles prendre ? Elles prennent beaucoup de malades qui ont des cancers. Or la plupart des cancers concernent des gens âgés. Cela peut aussi être une insuffisance cardiaque terminale, une insuffisance rénale terminale, une maladie de Parkinson en phase terminale, éventuellement des maladies d'Alzheimer en phase terminale … Il y a beaucoup de maladies qui peuvent relever d'une unité de soins palliatifs. D'un côté il y a l'unité fixe et de l'autre côté il y a les équipes mobiles mais les unités fixes ne peuvent pas prendre tous les malades en fin de vie.
 
L'objectif n'est pas que toutes les personnes qui vont mourir aillent dans une unité de soins palliatifs, c'est impossible et cela n'a pas tellement d'intérêt. Donc forcément, ces Unités prennent des malades compliqués, compliqués sur leur fin de vie :
- Soit c'est compliqué parce qu'il y besoin d'un soutien psychologique important : le malade qui a des angoisses énormes par rapport à la fin de vie ne peut pas être pris en charge dans une Unité classique ou en ville, parce que cela prend trop de temps. Une unité de soins palliatifs a suffisamment de monde pour qu'il y ait presque tout le temps quelqu'un avec cette personne angoissée.
- Cela peut être aussi lorsqu'une famille est très demandeuse et est difficile, entre guillemets, à gérer : les Unités de Soins palliatifs ont davantage de moyens humains pour s'en occuper aussi.
-  Sinon après, cela va être soit des douleurs insurmontables que l'on n'arrive pas à contrôler : l'équipe de soins palliatifs va les gérer.
- Soit des malades qui demandent des soins très très importants, par exemple des escarres.

VIDAL : Votre service de gériatrie a-t-il fréquemment recours aux Unités de Soins palliatifs ?
Dr Christophe Trivalle : On y a très peu recours et à l'inverse, ce qu'il se passe, c'est que des fois, les unités de soins palliatifs ont accepté des malades qui au départ relevaient de leur unité et qui petit à petit vont un petit peu mieux et qui finalement n'en relèvent plus. Ils ont beaucoup de mal par exemple à gérer les malades déments qui déambulent dans les couloirs des unités de soins palliatifs donc là on est en attente, et ils nous demandent de les prendre parce qu'ils ne peuvent pas s'en occuper. Les malades déments déambulants, quand ils sont en fin de vie, ce n'est pas toujours évident et sur les soins palliatifs du sujet âgé, après c'est la même prise en charge que des gens plus jeunes, c'est plus pour  assurer le confort de fin de vie.

VIDAL : Quels sont vos leviers pour assurer ce "confort de fin de vie" ?
Dr Christophe Trivalle : C'est limiter éventuellement les prescriptions médicamenteuses inutiles : s'il y a de la douleur, on peut utiliser les antalgiques jusqu'à la morphine, mais en sachant que chez le sujet âgé évidemment, il faut y aller tout doucement avec des phases de titration et commencer avec de toutes petites doses, que l'on augmente progressivement en fonction de la tolérance et de l'efficacité. On commence vraiment très bas des fois, on commence à 1,25 mg toutes les 6h. S'ils sont encombrés, nous utilisons des médicaments comme la scopolamine. Les soins de bouche, c'est fondamental. Après, il faut savoir arrêter, ou en fonction avec la famille, s'il y a des perfusions, s'il y a des sondes naso-gastriques… Nous on n'a aucune sonde naso-gastrique par exemple, il n'y a qu'une gastrostomie mais des fois en neurologie, ils en mettent assez rapidement. Et qu'est ce qu'on en fait une fois que cela a été posé ?

Donc il y a tout un tas de discussions éthiques entre les équipes : il y a des réunions d'équipes régulièrement, que cela soit en soins palliatifs ou pas, pour décider ce que l'on fait pour ce malade et il faut que tout le monde soit un peu d'accord entre les aides-soignantes, les infirmières, le kiné, le médecin, tout le monde et la famille et le malade.

VIDAL : Que pensez-vous d'une évolution possible de la loi Léonetti sur la fin de vie, l'euthanasie ?
Dr Christophe Trivalle : Je suis plutôt contre une loi sur l'euthanasie : j'avais été auditionné à l'époque de la loi Leonetti, il me semble qu'elle est assez complète et qu'elle répond à toutes les questions. Après on va dire l'affaire Lambert ne répond pas à la loi Leonetti. En réalité elle y répond très bien, la loi Leonetti. Les médecins et l'équipe soignante avaient pris une décision, il suffisait de les laisser faire leur travail. Cela aurait été la même chose si les médecins avaient dit "on va l'euthanasier parce sa femme le demande", par exemple et si tout le monde est d'accord. Même s'il y avait une loi sur l'euthanasie, s'il y a des familles qui disent "je ne suis pas d'accord, ce qu'il a écrit, ses directives anticipées, ne valent rien, il n'était pas bien quand il les a écrites, je vais faires un procès pour que l'on ne le fasse pas", on aurait exactement la même situation donc cela ne répondra pas du tout à ce problème là. C'est un problème familial et juridique où on mêle tout cela à la prise en charge médicale.

VIDAL : Faut-il tout de même renforcer les possibilités d'accès à des soins palliatifs ?
Dr Christophe Trivalle : Je pense qu'effectivement, il faut développer les soins palliatifs, il faut y avoir accès plus facilement. il y a aussi toutes les techniques de sédation aussi qui sont possibles et pratiquement tout est autorisé dans la loi Leonetti, il y a juste l'injection de KCL (chlorure de potassium, qui arrête rapidement le cœur) qui est interdite mais sinon tout y est. Après c'est une question de pratique, de justification, de discussion éthique, de discussion avec les familles et sur la fin de vie. La difficulté c'est la communication : on voit bien que ce sont des histoires plutôt familiales et s'il y a des problèmes de communication, souvent cela se passe mal. L'affaire Humbert aussi, c'est pareil, parce qu'à la limite il y a un geste qui avait été fait à un moment et on l'a réintubé après alors qu'il ne voulait pas. C'est à ce moment là qu'il aurait fallu ne pas le réintuber, ce sont des situations qui sont mal gérées…

La difficulté actuelle se situe plutôt au niveau de la formation des médecins, des soignants justement, à la fin de vie, à l'accompagnement de fin de vie, à la discussion éthique où il y a quand même un manque : il y a beaucoup de médecins qui ne sont pas formés et qui prennent de mauvaises décisions au mauvais moment.

Propos recueillis le 19 mars à l'Hôpital Paul Brousse (Villejuif).

Pour aller plus loin :
LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite "Loi Leonetti", avril 2005
Dix questions autour de l'affaire Vincent Lambert, lemonde.fr, janvier 2014

Sur VIDAL.fr :
Fin de vie, "assistance à mourir" : après l'avis du CCNE, un débat public, puis une loi (juillet 2013)
Décès : Christian de Duve, Prix Nobel de médecine en 1974, a choisi l'euthanasie (mai 2013)
Fin de vie, "assistance à mourir" : les préconisations de l'Ordre des Médecins (février 2013)
Sources

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