
VIDAL : Que pensez-vous du retrait de l'hypertension artérielle sévère de la liste des ALD ?
Dr Eric Perchicot : Pour les cardiologues qui ne sont pas hypertendus, très bien. Pour le patient, c'est plus embêtant : il faut se souvenir que l'hypertension artérielle est la maladie qui tue le plus dans le monde. Alors certes, cela peut être vu comme un facteur de risque, effectivement, parce que ce n'est pas un pic de tension qui va tuer quelqu'un. Mais retirer de l'ALD, c'est donner un très mauvais message aux patients. Eventuellement l'obtention de l'ALD aurait pu être rendue plus sélective, mais une hypertension artérielle sévère ou compliquée aurait mérité de rester en ALD.
VIDAL : Quid des économies réalisées avec ce retrait ?
Dr Eric Perchicot : Pour faire des économies, il y a des d'autres solutions dans le parcours de soins des patients, j'en suis convaincu. Ce type d'économies purement comptable est une maladresse. Une étude avait été faite il y a quelques années par la DGOS qui montrait que 15 à 20 % des lits d'hospitalisation étaient occupés par des gens qui n'avaient rien à y faire. Pourquoi ? Je le vois tous les jours, c'est parce que l'hospitalisation est autant liée à un problème social que médical. C'est-à-dire que l'état de santé de la personne se dégrade un petit peu, et comme l'environnement n'est pas assez adapté, la seule solution que l'on trouve est de l'envoyer à l'hôpital. Demain, dans ce fameux parcours de soins, l'environnement devra être adapté, soit par des aidants, soit par du personnel paramédical connue par le patient, ce qui pourra limiter ces hospitalisations.
VIDAL : D'autres économies, différentes de ce retrait de l'ALD, sont-elles possibles ?
Dr Eric Perchicot : Réorganiser la prise en charge des urgences : beaucoup de gens se présentent aux urgences pour de mauvaises raisons. Alors quand je dis mauvaises raisons, c'est qu'ils n'ont pas trouvé un médecin, ou alors le médecin ne les a pas reçus à l'heure souhaitée, ou bien l'organisation de la permanence des soins a été mal faite, urgences des soins non programmés non prise en compte dans le bassin de vie… Toutes ces choses peuvent se régler pour ne laisser aller aux urgences et à l'hôpital que les patients qui relèvent d'une telle prise en charge, plutôt que de sanctionner les gens : "hypertendus, vous n'êtes pas en ALD, diabétiques, vous êtes en ALD", ce qui est plutôt… maladroit.
Propos du Dr Eric Perchicot recueillis le 5 février 2014 au siège de la CSMF.
* Les liens d'intérêt du Dr Eric Perchicot sont accessibles sur le site dédié du Conseil de l'Ordre des Médecins.
Pour aller plus loin :
- Décret n° 2011-726 du 24 juin 2011 supprimant l'hypertension artérielle sévère de la liste des affections ouvrant droit à la suppression de la participation de l'assuré mentionnée au 3° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, JORF n°0147 du 26 juin 2011 page 10873 texte n° 9
- "Hypertension artérielle sévère : retour dans la liste des ALD !", communiqué co-signé par le CISS, l'Alliance du Coeur et la FNATH, 31 octobre 2012
- "Qu'est-ce qu'une affection de longue durée ?", ameli.fr, Dossier mis à jour le 5 décembre 2012
Sources
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