#Dispositifs médicaux

Prothèse totale de hanche : facteurs associés à une amélioration de la survie prothétique (étude de l'Assurance Maladie)

L'Assurance Maladie a analysé les données de suivi d'environ 100 000 patients de plus de 40 ans ayant bénéficié de la pose d'une prothèse totale de hanche (PTH) entre début 2010 et fin 2011. 

Publiée initialement par l'ANSM, cette étude vient de paraître dans la revue scientifique américaine JAMA SURGERY.

Les résultats montrent que le taux moyen de réintervention sur la prothèse pour en remplacer tout ou partie des composants ("révision prothétique") est de 3,1 % à 33 mois (durée médiane du suivi).

Parmi les facteurs influant sur la "survie prothétique" (délai sans révision chirurgicale), les données montrent que les PTH fixées avec un ciment contenant un antibiotique sont associées à une meilleure "survie prothétique" (délai sans révision chirurgicale). 

Outre les modalités d'ancrage de la PTH, les facteurs influant significativement sur cette durée de survie prothétique sont la matière des surfaces (tête et insert cotyléen) de la PTH, le sexe, l'âge, la prise concomitante de certains médicaments et le nombre d'arthroplasties mensuelles réalisées au sein de l'établissement. 

La poursuite de cette étude de cohorte permettra de recueillir des résultats à plus long terme.
David Paitraud 26 août 2015 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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 Exemple de composition d'une prothèse totale de hanche (© ANSM).

Exemple de composition d'une prothèse totale de hanche (© ANSM).


Une étude rétrospective réalisée à partir des données du SNIIRAM de plus de 100 000 patients
Cette étude est la première étude au sein de la population française visant à évaluer la durée de survie prothétique et à déterminer les facteurs associés aux variations de cette durée. Elle a été réalisée à partir des données issues du SNIIRAM (système national d'information inter-régimes de l'Assurance Maladie). Ces données rétrospectives ont permis d'identifier les poses et/ou les remplacements des PTH pris en charge par l'Assurance Maladie.

La cohorte a inclus 100 191 individus ayant bénéficié d'une pose de PTH (prothèse totale de hanche) entre avril 2010 et décembre 2011. Les participants ont été suivis jusqu'à fin 2013, soit un suivi médian de 33 mois

Les participants devaient être âgés au minimum de 40 ans à l'inclusion, résider en France métropolitaine, et avoir bénéficié d'une PTH pour cause ni traumatique ni cancéreuse.

L'âge moyen de la cohorte était de 69 ans ; les femmes représentaient 57 % des participants.

Environ 3 % de réinterventions sur 33 mois de suivi
La "survie" d'une PTH correspond à la durée pendant laquelle la PTH reste implantée sans nécessiter de ré-intervention pour révision prothétique (retrait puis remplacement partiel ou total des composants prothétiques en place). Les principales causes de révision chirurgicale d'une PTH sont le descellement aseptique (non infectieux), la fracture du fémur ou une infection.

Selon les données du SNIIRAM analysées par les auteurs (Sandrine Colas et coll.), 3 142 patients ont eu une révision prothétique durant le suivi, dont 41,3 % de reprises totales et 58,7 % de reprises partielles, soit un taux de révision de 3,1 %. Ce taux est conforme aux données des registres internationaux disponibles, soulignent les auteurs. 

Les PTH cimentées avec un ciment contenant un antibiotique associée à une meilleure "survie"
Le taux de révision moyen est significativement plus faible lorsque les patients ont reçu une PTH cimentée  avec un ciment contenant un antibiotique : 2,4  % vs 3,1 % (p < 0,001, HR = 0,74, IC95 = 0,67 - 0,81). Par contre, la survie des PTH cimentées avec ciment sans antibiotique n'est pas différente statistiquement de celle des PTH non cimentées :



Influence de la composition des surfaces ("couple de frottement") de la PTH
Les PTH peuvent comporter plusieurs types de "couple de frottement" :  tête en céramique sur cotyle (insert placé dans cavité cotyloïdienne du bassin) en céramique (40,9% des 100 191 PTH posées), tête en métal sur cotyle en polyéthylène (33,9 %), tête en céramique sur cotyle en polyéthylène (20,8 %) ou tête en métal sur cotyle en métal (4,4 %).
 
L'analyse des données montre que la pose d'une PTH à "couple métal" (tête et insert en métal), PTH la moins souvent posée, est associée à une survie prothétique significativement plus courte que les autres couples (céramique / céramique, céramique / polyéthylène, métal / polyéthylène). 

Quatre autres facteurs influençant significativement la survie prothétique
Les résultats montre une variation significative de la survie prothétique avec les facteurs suivants :
  • Sexe : risque accru de révision chez les hommes par rapport aux femmes (HR = 1,10, IC95 = 1,03-1,19, p=0,001) ;
  • Age : par rapport aux sujets d'âge moyen (60-74 ans), une augmentation de 25 % du risque de révision a été constatée chez les patients plus jeunes, âgés de 40 à 60 ans (HR = 1,25 [1.14-1.36], p < 0,001). Cette différence pourrait être liée à une activité physique supérieure chez les sujets plus jeunes, et par conséquent à un accroissement de l'usure de la prothèse. A l'inverse, ce risque de révision diminue de 11 % chez les plus de 75 ans (HR =0.89 [0.82-0.96], p < 0,001) ;
  • Traitement médicamenteux : le risque de révision pendant le suivi de 33 mois était significativement plus élevé chez les patients prenant des benzodiazépines (HR = 1,34), des antidépresseurs (HR = 1,57) ou des corticostéroïdes (HR = 1,34). Le risque accru associé à la prise de benzodiazépines et d'antidépresseurs pourrait s'expliquer par leurs possibles effets secondaires majorant les risques de chute  (somnolence, vertiges).
  • Activité du centre de pose de la PTH : les données montrent que la pose d'une PTH dans un centre pratiquant un nombre important d'arthroplasties de la hanche (plus de 16 actes par mois, ce qui était  le cas de 65 % des PTH posées), présenterait un moindre risque de révision chirurgicale que si la pose a été effectuée dans un centre à activité plus réduite (8 à 16 par mois : HR = 1,18 ; < 8 : HR = 1,38 par rapport aux centres > 16 actes par mois, p < 0,001). 

Par contre, l'existence éventuelle d'une dénutrition, d'une obésité morbide ou d'un diabète de type 2, de même qu'un traitement par hypolipémiants, antihypertenseurs ou médicaments contre l'ostéoporose n'influencent pas significativement la durée de survie prothétique.

Les auteurs précisent également que la bilatéralité (pose de 2 PTH) ne semble pas influer sur la survie prothétique. 

Des résultats partiels mais cohérents avec les études internationales avec suivi plus prolongé
En synthèse, la survie précoce (premières années) des PTH semble meilleure si elles sont posées avec un ciment contenant un antibiotique et si le couple de frottement tête fémorale - cotyle n'est pas tout en métal.

Les auteurs constatent que ces résultats (taux de révision, cimentation, couple métal-métal) sont cohérents avec d'autres analyses effectuées à l'international (cf. édit ci-dessous) et pourraient être utiles aux chirurgiens pour choisir la composition du couple de frottement de la prothèse ainsi que son mode d'ancrage.

[édit 28/8] Le registre suédois de suivi des PTH (suivi exhaustif de plus de 300 000 patients depuis 1979) a par exemple constaté, dans son rapport de 2012 (tableau page 26), que les PTH non cimentées étaient associées, dans les 2 ans suivant la chirurgie, à un risque de fracture périprothétique plus élevé, en particulier chez les patients âgés de plus de 70 ans (risque multiplié par 2). Par contre, ce risque s'estompe  lorsque le suivi s'élève à 9 ans, y compris après 70 ans.

En ce qui concerne le ciment lui même, d'autres études (Parvizi  J et coll., 2009 ; Wang  J et coll., 2013) ont montré une division par 2 du taux d'infections profondes associée à l'utilisation d'un ciment imprégné d'antibiotiques. 

Quant aux matières composant le couple tête-cotyle, une étude slovène sur 11,5 ans (Topolovec  M et Milošev I, 2014) et les registres sur 10 ans de suivi (britannique, néo-zélandais et suédois), montrent une survie prothétique légèrement plus longue avec les couples céramique / céramique et céramique / polyéthylène (vs métal / métal).

Déterminer la survie prothétique à plus long terme
Comme le souligne Svandri dans les commentaires ci-dessous, la différence constatée dans l'étude de l'Assurance Maladie est faible et le suivi effectué est court pour en tirer des conclusions sur les facteurs optimisant la survie prothétique.

A ce jour, les PTH en couple céramique / céramique sont les plus posées en France (40 % des 100 000 poses étudiées par l'Assurance Maladie) et sont considérées comme les plus fiables, en accord avec les résultats des études internationales de suivi prolongé mentionnées ci-dessus. [/édit 28 août]  

Les auteurs soulignent en conclusion que la poursuite du suivi de cette cohorte devrait permettre de mieux identifier les éléments de survie à plus long terme et de préciser les facteurs associés à une variation de cette survie.

En savoir plus :
Sur l'étude de l'Assurance Maladie :

Une première étude de l'ANSM sur la sécurité des prothèses de hanche à partir des données de l'Assurance Maladie - Point d'Information, ANSM, 20 août 2015
Association Between Total Hip Replacement Characteristics and 3-Year Prosthetic Survivorship. A Population-Based Study, Colas S et coll., Jama Surgery, août 2015
Etude des facteurs associés aux révisions sur prothèses totales de hanche (PTH) : rôle du mode d'ancrage (cimentage) et des constituants prothétiques (couple de frottement) dans les révisions chirurgicales, ANSM, mai 2015

Sur les études internationales citées par les auteurs et mentionnées dans cet article : 
Registre suédois de suivi des PTH, rapport 2012 (fichier PDF). 
Registre du Royaume-Uni, 11ème rapport publié en 2014 (fichier PDF)
Registre de la Nouvelle-Zélande, 14ème rapport publié en 2013 (fichier PDF)

Efficacy of antibiotic-impregnated cement in total hip replacement, Parvizi J et coll., Acta orthopaedica, juillet 2009
A Systematic Review and Meta-Analysis of Antibiotic-Impregnated Bone Cement Use in Primary Total Hip or Knee Arthroplasty, Wang J et coll., décembre 2013
A Comparative Study of Four Bearing Couples of the Same Acetabular and Femoral Component: A Mean Follow-Up of 11.5 Years, Topolovec  M et Milošev I, The Journal of Arthroplasy, janvier 2014

Sur VIDAL.fr :
Après 80 ans, la chirurgie orthopédique lourde est en général bien supportée (étude) (juillet 2014)
Non-conformité de certaines prothèses CERAVER de hanche, mais aussi de genou : décision de l'ANSM (2mai 2013)

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