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L'exposition prénatale au méthylparabène et au bisphénol S associée à des troubles du comportement chez l'enfant

Une étude européenne, publiée mercredi 10 décembre 2025 dans The Lancet Planetary Health, analyse les conséquences de l'exposition à douze phénols de synthèse suspectés ou reconnus comme perturbateurs endocriniens.

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Analyse de données de 1 024 paires mère-enfant issues de deux cohortes européennes.

Analyse de données de 1 024 paires mère-enfant issues de deux cohortes européennes.morrowlight / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

L'exposition au troisième trimestre de la grossesse au méthylparabène et au bisphénol S serait associée à des troubles du comportement chez l'enfant, selon une étude publiée mercredi 10 décembre dans The Lancet Planetary Health.

De premiers résultats de cette étude menée par l'Inserm, le CNRS, l'université Grenoble Alpes (UGA), le CHU de Grenoble et le Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal) avaient été présentés en 2021 lors d'un colloque organisé par le Centre d'excellence sur l'autisme et les troubles du neurodéveloppement (CeAND) et le groupement d'intérêt scientifique (GIS) Autisme et troubles du neurodéveloppement (TND).

Le rôle des facteurs environnementaux, dont les perturbateurs endocriniens présents dans de nombreux produits du quotidien (composés phénoliques, parabènes…), est de plus en plus questionné dans la hausse des TND, mais établir une relation de causalité pour chaque substance reste complexe et les mécanismes sous-jacents à ces effets sont encore mal compris, rappelle l'Inserm dans un communiqué diffusé à l'occasion de cette publication.

Matthieu Rolland de l'université Grenoble Alpes et ses collègues ont analysé les données de 1 024 paires mère-enfant issues de deux cohortes européennes ayant étudié l'effet des polluants chimiques sur la santé de l'enfant : la Barcelona Life Study Cohort (BiSC), qui regroupe les données de 1 080 femmes recrutées à Barcelone entre 2018 et 2021 et de leurs enfants, et la cohorte SEPAGES (Suivi de l'exposition à la pollution atmosphérique durant la grossesse et effets sur la santé) sur 484 femmes de la région grenobloise et leurs enfants entre 2014 et 2017.

Ils ont recherché dans des échantillons d'urine réalisés au deuxième et au troisième trimestre (jusqu'à 24 échantillons par femme dans BiSC et jusqu'à 42 dans SEPAGES) 12 substances suspectées ou reconnues comme des perturbateurs endocriniens lors de la grossesse (bisphénols A, S, F, B et AF, méthylparabène, éthylparabène, propylparabène, butylparabène, triclosan, benzophénone-3 et triclocarban). « C'est une des forces de ces cohortes : les femmes ont recueilli jusqu'à 42 échantillons pendant la grossesse alors que les études précédentes en avaient au maximum trois », explique Claire Philippat, chercheuse à l'Inserm et dernière auteure de l'étude, citée dans le communiqué.

Après la naissance, le comportement des enfants a été évalué entre un an et demi et deux ans à l'aide du questionnaire Child Behaviour Checklist (CBCL), rempli par l'un des parents pour dépister d'éventuels troubles du comportement, tels que des difficultés d'attention ou des comportements anxieux, dépressifs ou agressifs.

Une exposition au troisième trimestre de la grossesse au méthylparabène (conservateur utilisé notamment dans des produits cosmétiques et alimentaires, suspecté d'être un perturbateur endocrinien) apparaît associée à des scores plus élevés à ce questionnaire, suggérant de possibles troubles du comportement chez l'enfant.

Une concentration urinaire 10 fois plus élevée augmentait de manière statistiquement significative le score pour les comportements internalisés (réactivité émotionnelle, anxiété ou dépression, plaintes somatiques, évitement social) de 0,44 point (sur une échelle allant de 0 à 48) et celui pour les comportements externalisés (troubles de l'attention, agressivité) de 0,67 point (sur une échelle allant de 0 à 72).

De même, une exposition à la même période au bisphénol S, perturbateur endocrinien reconnu, a été liée uniquement chez les garçons à des scores élevés pour les comportements internalisés (+0,92) et sans significativité statistique pour les comportements externalisés (+1,14, p=0,07).

La testostérone et l'estradiol jouant un rôle important dans le développement cérébral, la perturbation de ces voies de signalisation peut avoir un effet différent selon le sexe en raison de variations des concentrations d'hormones et de la répartition des récepteurs, expliquent les chercheurs.

Aucun effet cocktail entre les différents phénols n'a en revanche été observé, notent-ils.

Pour comprendre par quels mécanismes ces composés pourraient affecter le comportement des enfants, ils ont exploré l'hypothèse d'une implication de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), dont le rôle est, entre autres, de réguler la réponse au stress dans l'organisme.

Ils ont mesuré les concentrations de plusieurs hormones intervenant dans ce système (cortisol total, cortisone totale, déhydrocorticostérone) dans des mèches de cheveux prélevées chez les mères en fin de grossesse.

Toutefois, les variations hormonales observées n'ont pas permis d'expliquer le lien entre l'exposition prénatale aux polluants et les troubles du comportement des enfants. « Nos résultats ne suffisent pas à écarter cette hypothèse, car il y a encore très peu d'études sur le sujet. Mais il est possible que d'autres mécanismes biologiques, tels que la perturbation de l'axe thyroïdien ou œstrogénique, soient impliqués », note Claire Philippat.

De nouvelles études seront nécessaires pour confirmer ces résultats et mieux comprendre les mécanismes en jeu, concluent les auteurs.

Ces résultats sont particulièrement préoccupants « car le bisphénol S est utilisé comme un substitut du bisphénol A, dont l'utilisation a été interdite pour certains usages, tels que les contenants alimentaires » et « de plus en plus d'études suggèrent des effets néfastes sur la santé, alors même que nous sommes de plus en plus exposés à cette substance », pointe Claire Philippat.

D'après une dépêche publiée dans APMnews le 10 décembre 2025.

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