Au cours des deux dernières décennies, les essais cliniques de phase 3 en oncologie se sont de plus en plus appuyés sur des critères de jugement secondaires ou “alternatifs” (tels que la survie sans maladie ; SSM) plutôt que sur la survie globale (SG) qui est traditionnellement considérée comme la mesure la plus pertinente pour les patients. Ces critères alternatifs offrent l’avantage d’analyses plus rapides et de coûts réduits, mais leur validité en tant substituts de la SG et de la qualité de vie (QdV) n’est pas toujours démontrée ; remettant en question leur utilité dans la prise de décision clinique et l’édiction de recommandations.
Les auteurs ont mené une méta-analyse de 791 essais randomisés contrôlés (ERC) de phase 3 en oncologie, publiés entre 2002 et 2024 et inscrits sur ClinicalTrials.gov, incluant un total de 555 580 patients. Seuls les essais à deux bras, de supériorité, et dont le critère principal était publié ont été retenus. Pour chaque ERC, étaient extraites les données relatives à la supériorité du critère principal (« alternatif », SG ou QdV) selon les définitions statistiques pré-spécifiées dans les études. Les analyses de QdV ont été classées en 2 catégories (« globale » ou « sous catégorie fonctionnelle ») et caractérisées selon qu’elles étaient ajustées aux scores initiaux ou non, qu’elles portaient sur des différences post-traitement ou bien sur des variations par rapport à l’état basal, ou bien qu’elles n'incluent ou non que des comparaisons intragroupes. Les facteurs associés aux améliorations de SG et de QdV étaient déterminés par régressions logistiques multivariées, avec un seuil de significativité retenu à p < 0,05.
Parmi les 791 ERC analysés, 63 % (n = 495) avaient un critère principal « alternatif », 35 % (n = 273) avaient la SG comme critère principal ou co-principal et 3% (n=23) avaient comme critère principale la QdV ou un critère en lien avec la toxicité. Le critère principal était atteint dans 53 % des essais (n = 420). La supériorité des critères « alternatifs » était démontrée dans 55 % des ERC (n = 434), alors que la SG n’était améliorée que dans 28 % des essais (n = 221). Les données de QdV étaient recueillies dans 61 % des ERC (n = 482), mais seuls 34 % (n = 271) publiaient les résultats de QdV globale : parmi eux, 82 % ne corrigent pas les résultats par le score de base et seulement 11 % (n = 84) montraient une amélioration statistiquement ou cliniquement significative de la QdV globale. Au total, seuls 32 % des ERC (n = 257) présentaient une amélioration de la SG ou de la QdV globale, et 6 % (n = 48) des deux simultanément. Parmi les ERC “positifs” sur les critères « alternatifs » (n=434), 43 % améliorent la SG (n=185) et seulement 15 % la QdV globale (n=67).
Malgré l’interprétation favorable fréquente des résultats de phase 3, les gains réels en termes de SG et de QdV restent rares, particulièrement en ce qui concerne la combinaison des 2 critères. D’une manière générale, les analyses de QdV sont sous-rapportées et menées avec un manque de rigueur méthodologique, ce qui compromet la fiabilité des conclusions. Les essais industriels et ceux portant sur des tumeurs métastatiques étaient plus susceptibles de montrer des bénéfices de SG et de QdV, possiblement liés à des effectifs plus importants et des taux d’événements élevés. Dans un contexte général de recherche d’optimisation de la balance bénéfice-risque des prises en charge, il semble important que les futurs protocoles de recherche et les processus réglementaires d‘autorisation de mise sur le marché se recentrent sur la SG et la QdV des patients, qui sont les critères réellement pertinents pour ces derniers et actuellement mal évalué par l’usage exclusif des critères alternatifs.
- Par Martin DUVAL -
Source | Overall Survival and Quality-of-Life Superiority in Modern Phase 3 Oncology Trials A Meta Epidemiological Analysis ; A. Sherry et al. ; JAMA Oncol, 01/06/2025 ; DOI : 10.1001/jamaoncol.2025.10
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