Rares mais en augmentation, les lymphomes T cutanés sont des cancers qui se développent initialement dans la peau. Si la majorité des malades peuvent gérer leurs symptômes à vie, d’autres souffrent de formes agressives. Des travaux de recherche explorent des pistes prometteuses pour permettre de mieux contrôler la maladie sur le long terme.
Les lymphomes à cellules T cutanés, couramment dénommés lymphomes T cutanés, sont un groupe hétérogène de cancers de la peau dérivés des lymphocytes T, une sous-catégorie de cellules du système immunitaire, le système de défense de l’organisme pour lutter notamment contre les virus, bactéries et autres pathogènes.
Contrairement aux lymphomes ganglionnaires (lymphome de Hodgkin et lymphomes non hodgkiniens) qui affectent principalement les ganglions lymphatiques, les lymphomes T cutanés se développent initialement dans la peau. Ils peuvent se manifester sous différentes formes cliniques, allant de plaques et de taches rouges jusqu’à des nodules et des tumeurs.
Les lymphomes T cutanés sont classés en plusieurs sous-types, le plus courant étant le mycosis fongoïde. Ces maladies évoluent souvent de manière indolente au début mais peuvent progresser vers des stades plus agressifs et systémiques si elles ne sont pas traitées de manière adéquate.
Une incidence faible mais en augmentation
Rares, les lymphomes T cutanés affectent environ 1 sur 100 000 adultes chaque année. Mais leur incidence a augmenté au cours des trente dernières années. Cela est possiblement en lien avec une meilleure connaissance de ces pathologies – et, donc, une augmentation du diagnostic – mais aussi avec le vieillissement de la population et de potentiels facteurs environnementaux, un rôle des pesticides ayant été suspecté sur le fondement d’études épidémiologiques.
Bien que la plupart des patients diagnostiqués à un stade précoce de la maladie puissent gérer leurs symptômes à vie, environ 20 % progressent vers un stade avancé qui est caractérisé par une maladie cutanée étendue, une atteinte des ganglions lymphatiques, des organes viscéraux ou une atteinte sanguine significative.
Des résistances aux traitements chez certains patients
Le diagnostic précis repose sur l’examen histopathologique des lésions cutanées (après biopsie), complété par ce que l’on appelle des tests immunophénotypiques et moléculaires. En résumé, après la biopsie, on regarde d’abord la forme des cellules au microscope. Ensuite, on effectue des « tests d’identité » pour voir quels marqueurs portent ces cellules et, enfin, on analyse leur ADN pour vérifier si elles viennent toutes du même clone anormal.
Le traitement des lymphomes T cutanés dépend du stade de la maladie, de sa sévérité et des caractéristiques individuelles du patient, et peut inclure des options telles que :
la photothérapie, qui repose sur l’utilisation des rayons ultraviolets en cabine avec des doses et longueurs d’ondes contrôlées ;
les chimiothérapies topiques, qui sont des gels contenant de la chimiothérapie, appliqués sur la peau ;
les immunothérapies, qui s’appuient sur des anticorps monoclonaux qui utilisent le système immunitaire pour lutter contre les tumeurs ;
les thérapies ciblées et les greffes de moelle osseuse, dans les cas avancés.
Les traitements actuels, y compris les immunothérapies par anticorps monoclonaux, peuvent entraîner des résistances, qu’elles soient primaires – absence de réponse dès le début du traitement, ou secondaires – perte de l’efficacité après une réponse initiale. Ces phénomènes ont été observés dans les essais randomisés MAVORIC (mogamulizumab) et ALCANZA (brentuximab vedotin).
La problématique concernant cette maladie réside donc dans la capacité à la contrôler sur le long terme.
Un nouveau candidat pour traiter les lymphomes T cutanés
C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet SPRINT, pour « Synergie pour accélérer l’innovation thérapeutique dans les lymphomes T cutanés ». Mené par une équipe de recherche internationale, ce projet a permis de mettre en lumière un nouveau candidat prometteur pour le traitement des lymphomes T cutanés avancés : le récepteur CCR8.
Le récepteur CCR8 joue un rôle clé dans le microenvironnement de la tumeur et pourrait donc, de ce fait, représenter une cible thérapeutique stratégique. Il est en effet présent à la surface à la fois :
d’une sous-population spéciale de cellules lymphocytes T qui jouent un rôle essentiel dans la maintenance de la tolérance immunitaire (les lymphocytes T régulateurs intratumoraux, ou Treg).
Les lymphocytes T régulateurs jouent un rôle crucial pour prévenir les maladies auto-immunes en contrôlant et en réprimant les réponses immunitaires excessives ou non spécifiques contre les propres tissus de l’organisme. (Dans les maladies auto-immunes, le système immunitaire dysfonctionne et s’attaque aux constituants normaux de l’organisme, ndlr).
de cellules malignes des lymphomes T cutanés.
Dans le contexte de cancers comme les lymphomes T cutanés, les lymphocytes T régulateurs intratumoraux (Treg) peuvent être recrutés dans les lésions de cancer et contribuer à la création d’un environnement qui va favoriser la croissance et la survie des cellules tumorales.
La présence de ces cellules dans les tissus affectés par les cancers peut être associée à une progression plus rapide de la maladie et à une réponse moins favorable aux traitements.
Par conséquent, cibler les lymphocytes T régulateurs intratumoraux (Treg) – via le récepteur CCR8 présent à leur surface – et moduler leur fonction représente une stratégie thérapeutique pour renforcer la capacité du système immunitaire à reconnaître et à éliminer les cellules tumorales.
La découverte du rôle du récepteur CCR8 exprimé à la surface de ces cellules ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de traitements combinés visant à cibler à la fois les cellules malignes et le microenvironnement tumoral.
Des essais cliniques ciblant spécifiquement le récepteur CCR8 sont prévus prochainement pour évaluer leur efficacité dans la gestion des lymphomes T cutanés avancés résistants aux traitements existants.
Des résultats prometteurs aussi pour d’autres lymphomes et cancers
De façon intéressante, ces résultats pourraient permettre d’avancer dans le développement de ce médicament qui pourrait s’avérer utile non seulement dans les lymphomes T cutanés, mais également dans d’autres lymphomes T comme les lymphomes T ganglionnaires, ou même les cancers en général, du fait du rôle du récepteur CCR8 dans la régulation des réponses immunitaires contre le cancer.
En conclusion, la cible du récepteur CCR8 représente une avancée significative dans la compréhension et le traitement des lymphomes T cutanés avancés.
Les efforts continus dans cette direction sont essentiels pour développer des stratégies thérapeutiques plus efficaces et personnalisées, capables de surmonter les défis posés par la résistance aux traitements et d’améliorer les résultats pour les patients.
Auteur
Professeur en dermatologie, Université Paris Cité
Déclaration d’intérêts
Adèle de Masson est membre du board du Groupe Français d’Etude des Lymphomes Cutanés, du conseil scientifique de la Société française de dermatologie, du Steering Committee de l’EORTC Cutaneous Lymphoma Group. Elle a reçu les financements suivants : RHU SPRINT de l’Agence Nationale de la Recherche (dans le cadre de France2030, ANR-23-RHUS-009) un projet coordonné par l’Université Paris Cité, bourses de recherche de la Société Française de Dermatologie, de l’INCa/ DGOS (PHRC-K 2014, 2019, 2024), de la Fondation de l’AP-HP, et de l’Association Robert Debré pour la Recherche Médicale.
Le projet SPRINT(Synergie Pour Accélérer l’INnovation Thérapeutique dans les lymphomes T cutanés) est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui finance en France la recherche sur projets, au titre de France 2030 (référence ANR-23-RHUS-0009). L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.
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