PARIS, 2 octobre 2025 (APMnews)
Les dépassements d'honoraires ont augmenté de manière très dynamique ces cinq dernières années (+5% par an en moyenne), atteignant 4,5 milliards d'euros (Md€) en 2024 pour les médecins toutes spécialités confondues, a révélé le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), dans un rapport publié jeudi.
Ce document de 100 pages vise à dresser un état des lieux des dépassements d'honoraires réalisés par les médecins libéraux en ville, en cliniques privées ou encore dans le cadre de l'exercice d'une activité libérale à l'hôpital public. Il sera complété, dans un second rapport, par une réflexion sur des pistes de réformes envisagées.
Le constat dressé par ce travail fait l'objet "d'un large consensus au sein du HCAAM", a précisé d'entrée de jeu son président, Yann-Gaël Amghar, lors d'une conférence de presse jeudi matin.
Le rapport révèle tout d'abord une accélération notable de la hausse des dépassements d'honoraires depuis 2019, alors même que ces montants évoluaient peu au cours de la décennie précédente.
"Si les dispositifs optionnels de modération tarifaire [tels que l'option pratique tarifaire maîtrisée, Optam] avaient permis de ralentir leur progression pendant une dizaine d'années [à partir de 2010], ils retrouvent depuis 2019 une croissance très dynamique", souligne le haut conseil.
Leur valeur réelle a ainsi augmenté de 27% (hors inflation) entre 2019 et 2024 (soit +5% par an), pour atteindre un montant total de 4,5 Md€ (4,3 Md€ pour les médecins spécialistes).
Cette croissance s'explique non seulement par une "hausse des effectifs de praticiens adhérents au secteur 2", mais aussi par la progression "du niveau et de la fréquence des dépassements" imposés par ces derniers, explique le HCAAM.
La proportion totale de médecins de secteur 2 est ainsi passée de 25% des effectifs en 2019 à 31% en 2025, avec une accélération observée depuis 2019.
Cette progression est surtout observée chez les spécialistes (hors généralistes) qui étaient "56%" à adhérer au secteur 2 en 2025, "contre 50% en 2019 et 37% en 2000", est-il précisé.
"Cette hausse observée pour toutes les spécialités [hors médecine générale] peut notamment s'expliquer car les conditions d'installation en secteur 2 ont été progressivement élargies ces 20 dernières années mais aussi parce que les réformes successives de l'Optam ont rendu l'installation en secteur 2 très attractive", a analysé Yann-Gaël Amghar.
Le rapport montre aussi que les jeunes spécialistes éligibles seraient aussi plus intéressés par le secteur 2 que leur aînés. Parmi les médecins nouvellement installés (hors généralistes), la proportion de secteur 2 est ainsi "passée de 64 à 74% entre 2017 et 2024", note-t-il.
En parallèle de ce phénomène, les dépassements d'honoraires sont devenus "plus importants et plus fréquents", selon le HCAAM qui estimait à "48%", le taux de dépassement moyen en 2024.
Si la mise en place des dispositifs optionnels de maîtrise des tarifs en 2012 et 2017 a contribué à réguler la hausse des dépassements pendant un temps, celle-ci s'est accélérée "depuis 2020", alors même que "50% des praticiens de secteur 2 adhèrent aujourd'hui à l'Optam", souligne le rapport.
À l’inverse, "la part d'activité à tarifs opposables [c'est-à-dire sans dépassements] des professionnels adhérant au secteur 2, après avoir augmenté jusqu'en 2020, est en repli", soulève-t-il.
Ce constat doit toutefois être interprété "prudemment et tenir compte d'importantes diversités selon les spécialités", a précisé le président du HCAAM.
"Par exemple: si le taux de dépassements pratiqué chez les chirurgiens atteint les 60%, il ne dépasse pas les 22% pour les cardiologues et les pneumologues", a-t-il complété. En outre, le montant des dépassements proposés au sein d'une même spécialité "varie largement selon les praticiens".
De manière générale, le niveau des dépassements pratiqués est "tributaire des effets de concurrence", observe le haut conseil. Par exemple, ils sont plus élevés parmi les spécialités et dans les territoires où le secteur 2 représente une part importante de l'offre.
Le secteur 2 plus rémunérateur
Ces dépassements d'honoraires entraînent une nette différence de rémunération entre les médecins de secteur 1 et de secteur 2.
"Dans presque toutes les spécialités, les revenus sont plus élevés en secteur 2", mentionne le HCAAM, qui pointe par exemple que les ophtalmologistes et les gynécologues de secteur 2 auraient un revenu "40% plus élevé que leurs confrères de secteur 1".
Entre praticiens de secteur 2, en revanche, le lien entre inégalités de revenus et dépassements d'honoraires est moins évident.
En d'autres termes, les spécialités qui ont, globalement, les revenus les plus élevés ne sont pas systématiquement celles pour qui les dépassements constituent une part importante de leur revenu.
Par exemple, pour les psychiatres et pédiatres qui ont un revenu généralement plus faible que la moyenne (revenu libéral moyen inférieur à 100.000 euros annuel), les dépassements constituent respectivement 40% et 33% de leurs revenus.
À l’inverse, les dépassements ont une place bien moindre "dans les revenus des spécialités techniques et souvent intensives en capital", telles que la radiologie ou la médecine nucléaire, explique le rapport.
Or ces dernières figurent parmi les spécialités les plus rémunératrices (450.000 euros de revenu libéral moyen pour un radiothérapeute et 225.000 euros pour la médecine nucléaire).
Ce raisonnement ne s'applique en revanche pas pour certaines spécialités telles que les ophtalmologistes ou les anesthésistes. Ces derniers ont à la fois un important niveau de rémunération (200.000 euros de revenu libéral moyen) et une part importante de revenus tirés des dépassements (respectivement de 35% et 32%).
Enfin, pour une "petite catégorie" de médecins, "dans certaines spécialités", les dépassements les plus élevés permettent de "maintenir leurs revenus en réduisant leur activité" voire de "réaliser à la fois moins d'actes et d'avoir des revenus plus élevés", soulève le HCAAM.
"Les dépassements d'honoraires sont en partie révélateurs, en creux, des limites du pilotage des tarifs opposables et des inadéquations tarifaires", analyse-t-il.
"En permettant à certaines spécialités des revenus tirés des seuls tarifs opposables nettement supérieurs aux autres spécialités, laissent s'installer des situations de sous-financement d'autres spécialités qui créent des problèmes d'attractivité et contribuent à nourrir la dynamique des dépassements", poursuit-il.
Aggravation des inégalités territoriales
Pour le patient enfin, cette hausse des dépassements d'honoraires est lourde de conséquences, alerte le HCAAM.
Elle a pour effet "de l'exposer à des niveaux très élevés de reste charge à des niveaux individuels qui sont difficilement prévisibles et largement subis […] ce qui peut être catastrophique d'un point de vue individuel ou entraîner un renoncement aux soins", a résumé Yann-Gaël Amghar.
Le rapport estime à ce titre à 14% la part attribuée aux dépassements d'honoraires dans le reste à charge global, après remboursement par l'assurance maladie complémentaire (AMC).
Ce reste à charge varie en revanche fortement selon le lieu d'habitation et selon les besoins de soins, lesquels varient globalement selon l'âge.
Cette tendance à la hausse des dépassements d'honoraires contribue, en outre, "à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes", analysent les rédacteurs du rapport.
En effet, la proportion de médecins de secteur 2 et des niveaux de dépassement est "plus élevée dans les territoires des grandes métropoles où les patients disposent de revenus plus élevés", est-il expliqué.
"Cette dernière observation n'empêche pas les patients habitant des communes plus modestes de se trouver aussi exposés à des dépassements d'honoraires, notamment du fait d'une insuffisance d'offre à tarif opposable", a rappelé Yann-Gaël Amghar.
Enfin, ces dépassements entraînent des "déséquilibres d'attractivité entre la médecine générale et les spécialités", ce qui peut nourrir une "revendication à un droit à dépassement pour les généralistes", a-t-il soulevé.
jr/nc/APMnews
[JR0T3GJBM]
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