La Fondation de l'Académie de médecine a rendu public lundi un livre blanc consacré à la santé des femmes, s'appuyant sur un cycle de débats mené en 2024 et proposant un état des lieux ainsi que 114 pistes d'action couvrant un large champ, de la cardiologie à la santé mentale, en passant par les répercussions du travail sur la santé des femmes.
La Fondation de l'Académie de médecine a organisé, entre avril et décembre 2024, sept conférences au cours desquelles médecins, chercheurs, experts en sciences sociales et patientes ont dressé un état des lieux multidisciplinaire de la santé des femmes, non seulement sur les aspects biologiques et reproductifs, mais aussi sur les dimensions mentale, sociale et psychologique, "comme le recommande l'Organisation mondiale de la santé (OMS)". L'objectif était de "proposer des solutions concrètes pour mieux accompagner les femmes à chaque étape de leur vie et réduire les inégalités de santé".
Elle dresse dans son livre blanc un état des lieux "préoccupant" car " malgré les progrès médicaux, de nombreux aspects de la santé féminine restent encore méconnus, mal diagnostiqués ou ignorés".
Ainsi, alors que les femmes vivent plus longtemps que les hommes, elles vivent moins longtemps en bonne santé, sans incapacité ; la mortalité à 30 jours après un infarctus est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (6,5% contre 2,5%), notamment à cause d'une sous-évaluation de leurs symptômes, et les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité des femmes.
Outre l'endométriose, qui touche 10% des femmes avec un délai de plusieurs années avant le diagnostic, les troubles liés à la ménopause concernent 14 millions de Françaises, dont très peu utilisent un traitement hormonal pour en soulager les effets.
Du côté de la santé mentale, les chiffres sont sans appel également: le taux de dépression et d'automutilation chez les adolescents est 35% plus élevé chez les filles que chez les garçons, et la santé mentale des femmes en période périnatale n'est pas non plus suffisamment prise en compte, une femme sur six en France étant concernée par la dépression post-partum. Le suicide est désormais la première cause de mortalité maternelle en France jusqu'à un an après la naissance, rappelle la fondation.
En outre, près de 40% des femmes en situation de précarité déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières.
Par ailleurs, "les conditions de travail et le sexisme au quotidien ont un impact direct sur la santé physique et mentale des femmes, mais restent largement ignorés par les politiques publiques".
La fondation a identifié cinq axes prioritaires d'amélioration de la prise en charge de la santé des femmes:
reconnaître les spécificités de la santé des femmes: mieux prévenir, diagnostiquer et traiter les pathologies comme l'infarctus, l'endométriose, les troubles liés à la ménopause ou les douleurs chroniques
intégrer systématiquement le sexe dans la recherche biomédicale et les essais cliniques pour garantir des traitements adaptés aux femmes comme aux hommes
informer sans tabou et sensibiliser dès l'adolescence sur la contraception, la fertilité, la sexualité, la ménopause, la santé mentale
améliorer l'accès aux soins pour toutes: réduire les inégalités qui touchent particulièrement les femmes en situation de précarité, de handicap ou victimes de violences
prendre en compte la santé des femmes au travail dans les politiques de prévention, en luttant contre les risques médicaux, psychosociaux et les discriminations sexistes.
Ces axes sont déclinés en messages clés, pour les différents âges de la vie et les situations de vulnérabilité, à destination de trois publics distincts: les décideurs publics, les professionnels de santé et le grand public.
Etendre le modèle des centres experts de l'endométriose à d'autres pathologies gynécologiques
Parmi les pistes d'action générales pour la santé des femmes, la fondation recommande, aux décideurs publics notamment, de "reconnaître explicitement l'impact différencié du sexe et du genre sur la santé afin d'orienter efficacement les politiques publiques" et de "considérer la santé des femmes comme un enjeu prioritaire de santé publique, au-delà d'une simple approche égalitariste".
Les professionnels de santé, eux, sont invités à "considérer systématiquement le sexe et le genre comme facteurs essentiels lors du diagnostic et du traitement, au-delà des aspects purement reproductifs", et à "être vigilants [quant] aux différences de symptomatologie selon le sexe".
Quant au grand public, il doit notamment "comprendre que les femmes font face à des risques spécifiques en santé, à un retentissement plus délétère des facteurs de risque comme le tabac, nécessitant une vigilance particulière (par exemple endométriose, maladies cardiovasculaires, ostéoporose)".
La fondation propose en particulier, concernant la santé des femmes adultes jusqu'à la ménopause, d'étendre le modèle des centres experts pour l'endométriose à la gynécologie médicale et à la ménopause, avec un financement spécifique. Elle appelle aussi à combler le "retard historique des études sur la douleur féminine et les effets différenciés des traitements chez les femmes".
Pour les femmes plus âgées, les pistes d'action proposées aux décideurs publics mettent l'accent sur leur rôle d'aidantes, et visent notamment à valoriser ce rôle et à garantir le droit au répit et renforcer les structures d'accompagnement afin d'éviter leur épuisement.
Les professionnels de santé sont, eux, invités à "sensibiliser à la prévention précoce des pathologies souvent négligées par les femmes âgées elles-mêmes (ostéo-articulaires, cardiovasculaires etc.)".
Concernant la santé au travail, il est recommandé d'"intégrer la santé des femmes dans toutes les stratégies nationales de santé au travail ; endométriose, ménopause, précarité, usure psychique : ces sujets doivent entrer dans les indicateurs de prévention, de qualité de vie et de performance sociale".
Pour les femmes en situation de vulnérabilité, la fondation appelle les décideurs publics à "développer une allocation parentale suffisante pour compenser les coûts réels liés à la parentalité des femmes handicapées" et à "imposer une tarification spécifique pour les consultations gynécologiques dédiées aux femmes en situation de handicap afin d'améliorer leur prise en charge", entre autres.
Le dernier chapitre concerne "la santé des femmes en désir d'enfant et en période de périnatalité". La fondation demande aux décideurs publics de :
renforcer les dispositifs d'information dès l'adolescence sur le déclin naturel de la fertilité féminine
soutenir financièrement et logistiquement les centres médicaux face à l'augmentation significative des demandes d'autoconservation ovocytaire, afin de réduire les délais actuels
garantir une meilleure répartition géographique des soins d'assistance médicale à la procréation (AMP) et d'interruption volontaire de grossesse (IVG), en mobilisant les agences régionales de santé (ARS) pour réduire les inégalités territoriales d'accès
évaluer la possibilité d'allonger le délai légal pour l'IVG afin de réduire le recours à l'étranger
favoriser la parentalité précoce en développant l'accès aux crèches universitaires et professionnelles
promouvoir une politique sociale et économique permettant une meilleure compatibilité entre carrière et maternité
déployer des campagnes nationales d'information sur la vulnérabilité psychique en période périnatale
financer des formations continues spécialisées pour les professionnels de santé de première ligne sur le dépistage des troubles psychiatriques du post-partum
renforcer les dispositifs de soutien psychologique adaptés et accessibles à tous les territoires.
Par ailleurs, la Fondation de l'Académie de médecine s'appuie sur la dynamique d'Octobre rose, le mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein, pour lancer une campagne d'information sur la ménopause et les traitements hormonaux, en partenariat avec Doctolib. Cette campagne, qui se déroule de lundi à dimanche, "vise à mieux informer les femmes de 45 à 55 ans et à briser les idées reçues, notamment celle selon laquelle les traitements hormonaux augmenteraient le risque de cancer du sein".
Pour en savoir plus | Fondation de l'Académie de médecine, Santé des femmes : regards croisés et pistes d'actions
cd/lb/APMnews
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