L'exposition à la chlordécone associée à un allongement du délai pour concevoir un enfant

Source :APMNews
Date de publication :17 octobre 2025
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WASHINGTON, 16 octobre 2025

L'exposition de la femme à la chlordécone a été associée à un allongement du délai nécessaire pour concevoir un enfant, suggérant fortement que cet insecticide pourrait nuire à la fertilité des femmes, selon une étude publiée jeudi dans la revue Environmental Health et relayée par l'Inserm.

La chlordécone, pesticide organochloré utilisé pendant une vingtaine d'années dans les Antilles dans les cultures de bananiers et finalement interdit en 1993, a entraîné une pollution durable des sols et une exposition persistante de la population locale à cette substance toxique.

Plusieurs études ont montré que l'exposition à la chlordécone est associée à des effets néfastes sur la grossesse (risque augmenté de prématurité) et sur le développement de l'enfant (moins bons scores aux tests cognitifs et difficultés comportementales après une exposition prénatale et postnatale), en particulier aux Antilles, rappelle l'Inserm dans un communiqué.

Des études chez les rongeurs ont aussi rapporté un impact négatif sur la fertilité, notamment sur l'ovulation, la taille de la réserve ovarienne et sur l'implantation de l'œuf fécondé mais aucune étude épidémiologique n'a été menée chez la femme pour déterminer si des effets similaires se produisent, observent Maryem Ben-Fares de l'Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset, Inserm, EHESP, université de Rennes) et ses collègues dans la publication.

Ils ont analysé les données de 668 femmes enceintes de la cohorte mères-enfants Timoun recueillies en Guadeloupe entre novembre 2004 et décembre 2007, pour lesquelles la grossesse était planifiée et dont le niveau d'exposition pouvait être déterminé. Cela représentait 62% des femmes de la cohorte.

Ces femmes ont été interrogées lors de visites de contrôle au cours du deuxième ou du troisième trimestre de grossesse au CHU de la Guadeloupe et au centre hospitalier (CH) de la Basse-Terre, ainsi que dans les services de soins prénatals. En parallèle, des prélèvements ont également été réalisés pour mesurer la concentration de chlordécone dans leur sang.

Une exposition à la chlordécone a été détectée chez 91% des femmes de la cohorte avec une concentration médiane de 0,3 µg/l.

Pour analyser le lien entre l'exposition et les difficultés à concevoir, les femmes ont été classées en quatre groupes (quartiles) selon leur niveau d'exposition à l'insecticide.

Les femmes les plus exposées, dont la concentration de chlordécone dans le sang dépassait 0,38 µg/l, avaient mis plus de temps à tomber enceintes et leur chance d'y parvenir au cours d'un cycle menstruel était significativement réduite d'environ un quart par rapport au quartile le moins exposé: -24% pour le troisième groupe (0,38 µg/l à 0,80 µg/l) et -28% pour le quatrième (plus de 0,81 µg/l).

Le délai de conception est ainsi apparu significativement dose-dépendant du niveau d'exposition à la chlordécone.

Faute de mesures de l'exposition chez les conjoints, il est difficile d'attribuer uniquement aux femmes cet allongement du délai à concevoir.

"Cependant, des études précédentes en Guadeloupe chez les hommes, à des niveaux d'exposition similaires à ceux des femmes, n'avaient montré aucun effet sur la qualité du sperme ni sur les hormones de la reproduction", explique Luc Multigner, directeur de recherche émérite à l'Inserm et coauteur de l'étude, cité dans le communiqué.

"Notre étude soutient l'hypothèse selon laquelle la chlordécone pourrait altérer la fertilité des femmes et il s'agit donc d'un problème de santé publique dans les zones largement contaminées, telles que les Antilles françaises", concluent les auteurs.

Même si l'association observée est importante, l'étude n'établit pas formellement de lien de cause à effet car l'infertilité féminine peut avoir de multiples origines, telles que le syndrome des ovaires polykystiques ou l'endométriose.

Par ailleurs, une des limites de l'étude est de n'avoir inclus que des femmes étant tombées enceintes et ayant eu un enfant, excluant donc celles ayant eu des difficultés à concevoir et les femmes infertiles, notent les auteurs.

L'étude Karu-Fertil, en cours en Guadeloupe, "permettra de mieux préciser les liens entre l'exposition au chlordécone et l'infertilité féminine", a observé Ronan Garlantézec, professeur de santé publique à l'université de Rennes et responsable scientifique de cette étude, cité dans le communiqué. Pour lui, les résultats de l'étude publiée jeudi "soutiennent déjà la nécessité de poursuivre les efforts en matière de santé publique visant à réduire l'exposition au chlordécone, en particulier chez les femmes en âge de procréer".

Pour en savoir plus | Environmental Health publication en ligne du 16 octobre

cb/fb/nc/APMnews

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