[Enquête] Intelligence artificielle : l'alliée des médecins généralistes ?

Source :Preuves & Pratiques
Date de publication :01 juillet 2025
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Après la révolution informatique, puis la révolution internet et les réseaux sociaux, il est probable que l'évolution de l'intelligence artificielle (IA) va bouleverser nos vies et aussi la médecine. De nombreuses applications voient le jour dans l'interprétation d'examens très techniques (imagerie, dermatologie…) aussi bien que dans la pratique la plus classique du généraliste (recueil de l'interrogatoire, résumé de l'anamnèse, comptes rendus, etc.).

Notre enquête avait pour but de faire un point à l’aube de cette révolution pour le généraliste. Elle a reçu 273 réponses, nombre satisfaisant vu le contexte des congés scolaires ; elle n’a d’ailleurs pas intéressé que des mordus d’informatique. Toutefois les hommes (41,4 %) et les plus de 55 ans (44,4 %) étaient un peu plus représentés que d’habitude, comme c’est généralement le cas pour les sujets plus « techniques ».


L’IA est encore peu connue et utilisée

Même parmi les répondeurs à notre enquête, l’IA est peu connue puisque seulement environ un quart possède quelques connaissances ou utilise l’IA. Seuls 7 % de nos répondeurs travaillent avec l’IA. Ils étaient trop peu nombreux (19) pour en tirer une statistique très approfondie. Toutefois pour la grande majorité (89 %), l’IA a apporté une amélioration. L’intérêt de l’IA s’est traduit surtout en allègement de la tâche (79 %) et gain de temps (68 %). Le principal inconvénient reconnu est le manque de fiabilité (58 %).

Graphique 1 - Preuves & Pratiques. N°106

Graphique 1 - Preuves & Pratiques. N°106

Des attentes importantes

Malgré le faible niveau d’utilisation actuelle, une majorité de nos répondeurs se déclaraient enthousiastes (77,8 %). Les principales attentes concernaient des solutions pour des tâches médicales (diagnostic 59,3 %, traitement 60,4 %, suivi 61,9 %) avant des tâches plus « administratives » telles que les données médicales du patient (48,4 %), la gestion (51,6 %) ou la relation avec les autres professionnels (28,6 %) ; peut-être parce que ces dernières fonctions commencent déjà à être accessibles ou sont moins valorisées.

L’intérêt pour une IA réalisant des tâches très élaborées médicalement est confirmé par l’espoir d’une IA qui soit une aide pour l’interprétation de l’ECG (70,3 %), des lésions cutanées (69,6 %) ou l’imagerie (63,4 %), bien avant les examens biologiques (37,7 %) ou l’auscultation (11 %).

Graphique 2 - Preuves & Pratiques. N°106

Graphique 2 - Preuves & Pratiques. N°106

Un gain de temps

Nerf de la disponibilité médicale, le temps (67 %) est le gain de l’IA attendu par le plus de répondeurs, non loin devant l’allègement des tâches et la facilité du diagnostic et du traitement ; mais les considérations médicales sont tout aussi présentes puisque 66,3 % espèrent une amélioration également de la sécurité du diagnostic et du traitement. En revanche, la rentabilité et la relation avec le patient ne sont pas souvent des gains espérés.

Nous avons voulu savoir ce que les généralistes pourraient faire du temps gagné avec l’IA, ils voudraient surtout voir plus longtemps certains patients (61,2 %) ou faire d’autres tâches (49,1 %). Pour une moindre part, ils voudraient l’utiliser pour eux (38,8 %), ils sont peu à vouloir voir plus de patients (24,9 %).

Graphique 2 - Preuves & Pratiques. N°106

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Une révolution gagnants / gagnants ?

Si une grande majorité de nos répondeurs anticipent un gain personnel (78 %), ils sont encore plus nombreux à penser que l’IA bénéficiera à leurs patients (86 %), mais surtout « aux autres acteurs médicaux (spécialistes, hôpital, sécu) » (82 %). En somme un bénéfice pour tous.

Des craintes importantes

Malgré un enthousiasme important et des attentes fortes, nos répondeurs ont à 76 % des craintes importantes. Ces craintes portent pour le généraliste essentiellement sur la déshumanisation (64,8 %), la confidentialité (60,8 %), la sécurité (61,2 %), la maîtrise (51,6 %) de l’IA. Elles sont comparables pour la médecine en général. Les risques perçus pour le généraliste sont en tête la surveillance (58,6 %) et de manière moindre la perte de libre choix et de savoir. La perte du statut existe à un moindre degré.

Graphique 2 - Preuves & Pratiques. N°106

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Une grande majorité des répondeurs (85,7 %) sont d’accord avec l’idée que les craintes pour la médecine proviennent surtout d’autres acteurs que le généraliste.

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Un changement anticipé avec une balance bénéfice/risque positive

Malgré ces craintes, 79,4 % des répondeurs estiment le bénéfice/risque de l’IA favorable. Une écrasante majorité s’attend à un changement profond de la médecine (91 %) et un peu moins de la pratique du généraliste (79 %). Enfin, 61,2 % pensent que l’IA pourrait remplacer une aide humaine (secrétaire ou assistant), cette opinion étant plus fréquente chez les généralistes exerçants seuls (76 % vs 57,8 %).

Graphique 2 - Preuves & Pratiques. N°106

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Des utilisateurs très enthousiastes

Si le nombre d’utilisateurs de l’IA au quotidien est faible dans notre échantillon (19), ils sont beaucoup plus enthousiastes (90 % vs 66 %), ont beaucoup moins de craintes (37 % vs 76 %) et sont presque unanimes à trouver un bénéfice/risque favorable (95 % vs 79 %). Ils sont également plus nombreux à estimer que l’IA va changer la pratique du généraliste (90 % vs 78 %), voire remplacer une aide humaine (68 % vs 60 %). L’avenir dira si l'opinion des premiers « convertis » est le fruit de l’expérience ou de l'enthousiasme pour la nouveauté.

L’attente envers l’IA n’est pas réduite à un super-assistant qui déchargerait le généraliste de tâches de gestion chronophages, elle est clairement tournée vers des tâches de haute valeur médicale tels que le diagnostic ou l’interprétation d’examens complémentaires complexes.

Le gain de temps est anticipé par beaucoup de médecins qui espèrent l’utiliser plutôt pour améliorer la pratique médicale (consultations plus longues) ou le confort personnel, que pour augmenter le nombre de consultations.

Les généralistes semblent avoir une forte attente envers les progrès apportés par l’IA, malgré des craintes importantes touchant principalement à la déshumanisation, la confidentialité, la sécurité et la perte de contrôle. Une crainte peut-être plus liée aux autres acteurs de la santé.

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