Un tournant thérapeutique contre la maladie du sommeil

Source :M3 Manabu
Date de publication :10 juillet 2025
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Parmi les animaux les plus meurtriers pour l’homme, les moustiques, en particulier l’Anophèle et le Culex, occupent incontestablement la première place en tant que vecteur de nombreuses maladies possiblement mortelles, dont le paludisme, la dengue ou le chikungunya. Moins mortifère en chiffres absolus mais non moins redoutable, la mouche tsé-tsé (Glossina spp.), diptère hématophage endémique d’Afrique subsaharienne, est le vecteur unique de la trypanosomiase humaine africaine. En raison des somnolences incontrôlables qui la caractérisent, cette maladie, souvent appelée "maladie du sommeil", entraîne presque toujours le décès en l’absence de traitement.

Une maladie tropicale négligée

Parmi les deux formes de la maladie, la trypanosomiase à Trypanosoma brucei gambiense, endémique en Afrique de l’Ouest et centrale, est la plus fréquente. Le parasite progresse de façon insidieuse dans le sang et dans la lymphe avant de franchir la barrière hémato-encéphalique pour atteindre le système nerveux central, provoquant alors de graves troubles neurologiques et psychiatriques. En l’absence de traitement, l’évolution est inexorable vers le coma, puis le décès.

La forme rhodésienne, causée par Trypanosoma brucei rhodiense, sévit dans l’Est du continent et provoque la mort en quelques semaines. Cette forme, plus grave, est cependant beaucoup plus rare.

Sur environ 30 millions de personnes exposées dans 29 pays, moins de 1 000 cas humains sont actuellement détectés chaque année, principalement dus à T. b. gambiense (≈ 92% des cas), ce qui représente une baisse de plus de 90 % depuis l’an 2000. Néanmoins, malgré ce recul, cette parasitose demeure classée par l’OMS comme une maladie tropicale négligée à l’échelle mondiale (MTN), et reste une préoccupation majeure de santé publique, malgré les progrès en termes de dépistage et de traitements.

Le fexinidazole rejoint l’arsenal thérapeutique

Jusqu’à récemment, les options thérapeutiques étaient complexes et contraignantes. En phase hémolymphatique, les traitements s’administraient par voie intraveineuse ou intramusculaire. Etant donné que les molécules ne pouvaient franchir la barrière hématoencéphalique, la ponction lombaire était indispensable pour déterminer si l’infection avait atteint le stade neurologique.

Si tel était le cas, le traitement de référence reposait sur le mélarsoprol, une molécule arsenicale développée dans les années 1940, aux effets secondaires sévères, provoquant notamment une encéphalopathie post-traitement fatale chez près d’un patient sur dix.

L’introduction récente du fexinidazole a changé la donne. Recommandé par l’OMS pour la trypanosomiase à T. gambiense, ce traitement représente une avancée majeure : administré par voie oral, il est mieux toléré, et surtout efficace quel que soit le stade de la maladie, permettant alors d’éviter la ponction lombaire pour orienter le choix thérapeutique.

Restait à établir son efficacité dans la forme rhodésienne.

Un essai clinique multicentrique conduit au Malawi et en Ougandasur 46 patients a confirmé la pertinence du fexinidazole, désormais recommandé par l’OMS en substitution de la suramine et du mélarsoprol.

« L’introduction du fexinidazole oral représente un progrès significatif dans la prise en charge de la trypanosomiase humaine africaine rhodésienne », souligne Veerle Lejon, parasitologiste à l’Institut de recherche et du développement (IRD) qui a contribué à l’élaboration des recommandations de l’OMS.

Cette avancée médicamenteuse ouvre la voie à une simplification considérable des protocoles thérapeutiques, notamment dans les zones reculées, à faibles ressources avec un accès limité aux soins. Elle marque aussi une étape essentielle vers l’objectif ambitieux de l’élimination de la maladie du sommeil à l’horizon 2030, tel que fixé par l’OMS.

- Par Anne-Solène NAUDON -

Sources |

  • Olivier Blot, IRD le Mag’. Une nouvelle molécule, sans risques démesurés pour la santé des patients, permet de traiter la forme à évolution rapide de la maladie du sommeil. Publié le 18/04/2025.

  • Organisation mondiale de la santé (OMS). Maladies tropicales négligées. Questions & réponses. 08/01/2025.

  • Institut Pasteur. (février 2025). Maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine).

  • Andreas K Lindner, Veerle Lejon, et al. , Jose R Franco & Gerardo Priotto, New WHO guidelines for treating rhodesiense human African trypanosomiasis: expanded indications for fexinidazole and pentamidine, The Lancet Infectius Diseases, février 2025 DOI: 10.1016/s1473-3099(24)00581-4

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