
Une étude nationale menée sur 3 000 Français, dont des enfants, dans 6 régions viticoles.kisgorcs / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Les personnes vivant à moins de 500 mètres d'une culture de vigne sont davantage imprégnées de pesticides que celles habitant à plus d'un kilomètre de toute culture, avec notamment une hausse de ces substances dans les urines comprises entre +15 % et +45 %, révèle l'étude PestiRiv dont les résultats ont été présentés lundi lors d'un point presse en ligne.
Cette « étude nationale inédite sur l'exposition aux pesticides », menée auprès de quelque 3 000 Français (dont des enfants) dans six régions viticoles, est « d'une ampleur sans précédent », a fait valoir la directrice générale de Santé publique France (SPF), Caroline Semaille, qui a introduit ce point presse avec son homologue à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), Benoît Vallet.
Ces travaux visaient à répondre à « un besoin crucial de santé publique de disposer de données fiables, robustes, sur l'exposition en vie réelle des populations aux produits phytopharmaceutiques, et de les croiser avec des données environnementales », a poursuivi la responsable de SPF. Ils ne permettent néanmoins pas de déterminer, à eux seuls, les risques sanitaires associés aux expositions mesurées.
Intitulée PestiRiv, cette étude a été conduite en 2021 et 2022 auprès de 1 946 adultes de 18-79 ans et de 742 enfants et adolescents de 3-17 ans vivant dans 265 sites répartis dans six régions de métropole (Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine).
À défaut de pouvoir travailler sur l'ensemble des cultures présentes en France, les chercheurs ont expliqué avoir choisi celles de la vigne car il s'agit de cultures permanentes, « souvent situées à proximité immédiate des habitations », et qui « font généralement l'objet d'importantes applications de produits phytopharmaceutiques ». Il y avait également une demande forte des riverains, inquiets en raison de « plusieurs suspicions d'agrégats de cancers pédiatriques ».
L'imprégnation en hausse également en période de traitement
Les chercheurs ont comparé l'exposition des participants à 56 substances fongicides, insecticides ou herbicides, d'une part en fonction de leur lieu d'habitation (à moins de 500 mètres ou à plus de 5 km de vignes - et dans tous les cas, à plus de 1 km d'autres cultures) et d'autre part, de la période de l'année (pendant ou hors traitement des vignes).
Les taux de ces substances ont été mesurés dans l'urine et les cheveux des participants (3 484 et 1 890 échantillons, respectivement), ainsi que dans l'air ambiant (1 557), dans les poussières (790) et l'air intérieur des habitations (333) et dans des aliments cultivés dans le jardin (106). En parallèle, les participants ont répondu à des questionnaires sur leur alimentation, leur mode de vie, etc., afin de permettre aux chercheurs d'identifier des facteurs d'exposition aux pesticides.
Concernant les niveaux d'imprégnation de la population, les résultats montrent que les personnes vivant dans les zones viticoles sont davantage exposées aux pesticides que celles vivant à plus de 5 km de ces cultures, avec des taux dans les urines augmentés de 15 % à 45 %. Les taux dans les poussières étaient multipliés dans certains cas par 11, et ceux dans l'air ambiant par 12.
De plus, l'exposition des riverains aux pesticides est apparue plus élevée en période de traitement, avec des taux urinaires augmentés de 60 % par rapport aux périodes de non-traitement. Dans les poussières, les taux étaient multipliés jusqu'à un facteur 8 en période de traitement, tandis que dans l'air ambiant, ils étaient jusqu'à 45 fois plus élevés.
Des pesticides étaient par ailleurs plus souvent présents dans les échantillons de cheveux et d'air intérieur des personnes habitant en zone viticole, et durant les périodes de traitement.
Les substances détectées incluaient des produits spécifiques de la viticulture, comme le folpel ou le métirame, mais aussi des substances plus largement utilisées comme le glyphosate, le fosétyl-aluminium ou le cuivre, notent les agences sanitaires.
Informer les habitants avant les traitements
L'analyse des facteurs influençant l'exposition des riverains aux pesticides en zones viticoles a révélé que les principaux étaient la quantité de pesticides utilisée et la distance entre le logement et les vignes. Dans une moindre mesure, il a été constaté que l'exposition augmentait avec la durée d'aération du logement et le temps passé à l'extérieur.
Les données montrent en outre que certaines pratiques pouvaient diminuer l'exposition, comme le fait de se déchausser en entrant chez soi, de nettoyer son logement au moins une fois par semaine, de faire sécher son linge à l'intérieur, de disposer d'un système de ventilation mécanique (VMC), ou encore d'éplucher les fruits et légumes du jardin et limiter la consommation d'œufs de poulaillers domestiques.
Sur la base de ces résultats, l'Anses et SPF formulent des recommandations pour limiter l'exposition des riverains. « Même si des travaux complémentaires doivent être menés, les données recueillies sont suffisantes pour orienter les politiques de réduction des risques liés aux pesticides, tant pour les riverains que pour les professionnels », notent à ce titre les agences, dans un dossier de presse diffusé lundi 15 septembre 2025.
Elles recommandent donc de limiter « au strict nécessaire » l'utilisation des produits phytopharmaceutiques qui « sont par définition toxiques sur le vivant ». Car « même si leur évaluation permet de déterminer des conditions d'emploi sûres, il est judicieux de limiter leur utilisation pour garantir un haut niveau de protection de la santé publique et de l'environnement ».
Les agences préconisent également d'informer les habitants avant la réalisation des traitements, ce qui « permettrait d'éviter les expositions les plus immédiates », par exemple « en fermant les fenêtres ou en rentrant le linge ».
Des travaux complémentaires nécessaires pour évaluer les impacts sanitaires
Elles notent que leurs recommandations sont « extrapolables à d'autres cultures », parce qu'elles « incluent des substances non exclusives du traitement de la vigne » et que, par ailleurs, des études menées à l'étranger sur d'autres types de cultures (blé, soja, fleurs…) « concluent aux mêmes tendances ».
Des travaux complémentaires doivent désormais être menés par SPF et l'Anses pour évaluer les impacts sanitaires de cette exposition, car « nous ne disposons pas aujourd'hui de lien entre les valeurs d'imprégnation ou d'exposition retrouvées et des éléments en santé humaine en clinique », a noté Benoît Vallet.
Il a toutefois assuré que les valeurs mesurées « permettent de penser que nous sommes dans les marges prévues par les autorisations de mise sur le marché » (AMM) des différents produits.
« Il est très important de distinguer aujourd'hui ce qui relève du “pré-autorisation”, des données qui sont fournies par des dossiers réglementaires, et les phénomènes d'exposition chronique post-AMM, sur lesquels il nous faut renseigner par la connaissance de l'utilisation des phytopharmaceutiques et le lien qu'il peut y avoir avec des données épidémiologiques de santé », a noté le responsable de l'Anses.
C'est « l'étape suivante pour en savoir plus sur les vrais risques chroniques de ces produits », a-t-il pointé.
L'Anses et SPF demandent à disposer des données réelles d'utilisation des pesticides afin de pouvoir « préciser les liens entre les applications réelles et les transferts dans l'environnement, et donc de mieux maîtriser l'exposition des riverains ».
À noter qu'une étude publiée en 2023 a suggéré une légère augmentation du risque de leucémie aiguë lymphoblastique chez les enfants vivant dans des régions à forte densité viticole.
D'après une dépêche publiée dans APMnews le 15 septembre 2025.
SPF et Anses, avis commun relatif à PestiRiv, étude d'exposition aux pesticides chez les riverains de zones viticoles et non viticoles
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