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Encéphalite à tiques : 86 % des contaminations ont lieu en France

L’encéphalite à tiques, une infection virale transmise par ces acariens, est présente dans l’est de la France et la région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle peut également être provoquée par la consommation de produits laitiers crus contaminés.

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Ixodes ricinus transmet la maladie de Lyme et l'encéphalite à tiques.

Ixodes ricinus transmet la maladie de Lyme et l'encéphalite à tiques.

Résumé

À la suite, en 2020 dans l’Ain, d’un foyer infectieux lié à la consommation de fromages de chèvre au lait cru, et de l’augmentation du nombre de cas dans toute l’Europe, l’encéphalite à tiques a été inscrite en mai 2021 sur la liste des maladies à déclaration obligatoire.

Habituellement transmise par les mêmes tiques que celles qui sont les vecteurs de la maladie de Lyme, cette zoonose virale est, lorsqu’elle est symptomatique, responsable de fièvre et de méningo-encéphalite, à l’origine de troubles neurologiques sévères, mais rarement mortels en Europe.

Entre mai 2021 et 2023, 71 cas d’encéphalite à tiques ont été notifiés, dont 86 % concernaient des contaminations ayant eu lieu sur le territoire national. La transmission par les produits laitiers crus a été retrouvée pour au moins 18 cas. Toute la façade est du pays, mais également la région Auvergne-Rhône-Alpes, jusqu’en Ardèche, sont concernées.

Dans ces territoires, la vigilance est donc de mise devant un syndrome grippal ou des troubles neurologiques évoquant une méningite chez des personnes qui, selon leur profession ou leurs loisirs, ont pu être exposées aux piqûres de tiques, ou chez celles qui ont récemment consommé des produits laitiers non pasteurisés.

L'encéphalite à tiques est l’une des rares zoonoses virales transmises par la morsure d'une tique infectée. Le Tick Borne Encephalitis Virus (TBEV) est un flavivirus, dont le sous-type européen (celui présent en France) est transmis par Ixodes ricinus, la même tique qui est le vecteur principal de Borrelia burgdorferi, la bactérie de la maladie de Lyme. Ce sous-type est à l’origine d’infections moins graves que les deux autres, sibérien et extrême-oriental.

Le virus de l’encéphalite à tiques présente une particularité : il peut également être transmis par des produits laitiers contaminés non pasteurisés issus de ruminants infectés. En 2020, une quarantaine de cas confirmés ont été identifiés dans l’Ain, liés à la consommation de fromages de chèvre au lait cru [1].

Une zoonose en expansion en Europe

Certaines activités professionnelles sont plus à risque, car plus exposées, notamment les métiers exercés en forêt ou en milieu rural, dans les régions où le virus est présent : bûcherons, agriculteurs, sylviculteurs, gardes-chasse, etc. Cependant, le risque existe pour toutes les personnes se rendant en forêt pour des activités de loisir.

En Europe, les pays les plus touchés sont la République tchèque, l’Allemagne et les pays baltes. Deux vaccins sont actuellement disponibles en France. Ils sont préparés avec des souches différentes de virus inactivés (ENCEPUR, TICOVAC).

Afin de mieux documenter cette maladie en France, et à la suite du foyer apparu dans l’Ain en 2020, les infections par le virus de l’encéphalite à tique ont été inscrites sur la liste des maladies à déclaration obligatoire en mai 2021, dans un contexte d’augmentation de l’incidence de la maladie dans toute l’Europe, et d’extension de la zone et de la période connues de circulation du virus.

Une infection d’origine essentiellement autochtone

Santé publique France vient de publier les données des deux premières années de surveillance [2]. Entre mai 2021 et 2023, 71 cas ont été notifiés (30 en 2021, 36 en 2022 et 5 en 2023). Sur ces 24 mois, la moitié (37/71) étaient survenus entre mai et juillet. Les hommes étaient 1,7 fois plus touchés que les femmes. Quatre (6 %) étaient des enfants de moins de 16 ans et 15 (21 %) avaient de plus de 65 ans. Tous les cas résidaient habituellement en France, sauf 3 : 2 en Allemagne et 1 en Finlande.

Pour soixante et un cas (86 %), il s'agissait d'une infection autochtone (acquise sur le territoire national). Dix sujets (14 %) avaient été infectés dans un pays à risque, parfois à l’occasion d’un voyage : Autriche (3), Allemagne (3), et Finlande, Lettonie, Slovénie et Suède pour 1 cas chacun.

Quarante-quatre personnes (62 %) avaient été très probablement contaminées dans un département à risque connu (c’est-à-dire où des cas humains avaient été mis en évidence avant le début de la surveillance par la déclaration obligatoire) : Haute-Savoie (14), Haut-Rhin (11), Bas-Rhin (10), Loire (3), Ain (2), Puy-de-Dôme (2), Isère (1) et Savoie (1). Dix-sept avaient été très vraisemblablement contaminées dans un département où aucun cas humain n’avait été notifié précédemment : Rhône (4), Ardèche (2), Cantal (2), Doubs (2), Vosges (2), Meurthe-et-Moselle (1), Marne (1), Moselle (1), Haute-Saône (1), et pour un cas, la Meurthe-et-Moselle ou les Vosges. Parmi les 4 cas contaminés dans le Rhône, il s'agissait 3 fois d’une toxi-infection alimentaire collective attribuée à un fromage frais de chèvre fabriqué à partir du lait cru d’un troupeau se trouvant dans le Rhône.

Quelles étaient les sources de contamination ?

Onze personnes (15 %) exerçaient des professions les exposant particulièrement à des piqûres de tiques : éleveur ou famille d’un éleveur ou ouvrier d’élevage de chevaux ou ruminants (7), agent de l’Office national des forêts (1), horticulteur (1), forestier (1), étudiant en lycée agricole (1). Trente-six cas (51 %) ont rapporté une piqûre de tique dans un délai compatible avec la date de début des symptômes. Dix-huit patients ont signalé la consommation de lait cru ou de produits laitiers au lait cru (mais l’information était manquante pour 25). Neuf avaient mangé un fromage de chèvre, 1 un fromage de brebis et 1 du reblochon. Trois ne se rappelaient pas le produit consommé et un sujet a refusé de donner des précisions. Pour 4 de ces 18 cas, une origine alimentaire était fortement suspectée en raison de la survenue de symptômes chez des convives ayant ingéré le même aliment.

Quels ont été les symptômes observés ?

En Europe, l'encéphalite à tique est asymptomatique dans 75 % des cas. Lorsqu'il y a des symptômes, ils évoluent de façon biphasique. Après une période d'incubation d'environ 8 jours, la première phase se traduit par des symptômes non spécifiques de type grippal durant 2 à 4 jours (hyperthermie, fatigue et douleurs musculaires). Puis des troubles neurologiques peuvent apparaître après une semaine, chez un tiers des malades, allant de signes méningés à une encéphalite sévère ou une méningo-encéphalo-myélo-radiculite. Le taux de mortalité est de 1 à 2 % avec la souche européenne de TBEV. Les séquelles neurologiques (troubles cognitifs) peuvent être observées chez près de 10 % des malades.

Dans les données présentées par Santé publique France [2], tous âges confondus, 26 personnes (37 %) ont présenté une méningite, 27 (38 %) une encéphalite, 9 (13 %) une méningo-encéphalite et 2 (3 %) une encéphalomyélite. Pour 7 cas (10 %), il n'y avait aucun signe neurologique. Divers autres symptômes ont été rapportés : ataxie (3 sujets), diplopie (2), paralysie faciale (1), perte d’audition unilatérale (1) et parésie unilatérale d’un membre (1). Parmi les 4 enfants, 2 ont présenté une méningoencéphalite, 1 une encéphalite et 1 une méningite. Parmi les 15 cas de plus de 65 ans, 13 ont présenté une encéphalite, 1 une encéphalomyélite, 1 une méningite et 1 sujet n’a eu aucun signe neurologique. Soixante-sept patients (94 %) ont été hospitalisés, aucun n’était décédé au moment de la déclaration. Lors de la déclaration, 20 ont été considérés comme guéris, 30 avaient des séquelles ou symptômes persistants (dont 1 enfant et 4 personnes de plus de 65 ans) et 19 étaient encore hospitalisés (dont 1 enfant et 7 personnes de plus de 65 ans). Les informations étaient manquantes pour 2 cas.

Face à une suspicion, un diagnostic sérologique s’impose

Le diagnostic de l’encéphalite à tiques repose sur la détection d'IgM spécifiques en ELISA dans le liquide cérébrospinal (LCS) et dans le sérum. Les IgM apparaissent entre 0 et 6 jours après le début des symptômes et les IgG peuvent perdurer jusqu'à 10 mois après l'infection, sans pour autant qu'il y ait persistance de la maladie. L'encéphalite à tiques est immunisante. En présence de troubles neurologiques, le diagnostic repose, comme pour toute encéphalite, sur la clinique, la réalisation d'une IRM cérébrale et d'une ponction lombaire à la recherche d’une méningite lymphocytaire.

Dans les données de Santé publique France [2], 69 cas (97 %) ont été diagnostiqués par sérologie : 17 avaient une sérologie IgM positive dans le liquide cérébrospinal et 64 des sérologies IgM et IgG positives dans le sérum. Une séroconversion a été mise en évidence deux fois. Un cas avait une RT-PCR positive sur le LCS et un autre une RT-PCR positive sur un sérum. Une personne a rapporté une vaccination contre l’encéphalite à tiques, mais le délai entre la vaccination et l’infection et le nombre de doses n’était pas connu. Il s’agissait d’un patient vivant en zone rurale en France, exposé aux tiques durant ses loisirs, et traité par des immunosuppresseurs pour une polyarthrite. Il avait présenté une encéphalite et est sorti d’hospitalisation avec des séquelles.

Conclusion

Comme attendu, l’inclusion de l’encéphalite à tiques dans la liste des maladies à déclaration obligatoire s’est traduite par un meilleur recensement des cas (passant de 10-20 à 35 par an en moyenne). La majorité étaient autochtones, avec une confirmation de la transmission alimentaire à partir de produits laitiers crus. Plus surprenant, le département le plus touché a été la Haute-Savoie, où le TBEV a été plus récemment signalé qu’en Alsace.

Enfin, il est clair que la région Auvergne-Rhône Alpes est dorénavant une zone importante de circulation du virus, avec des massifs particulièrement à risque, tels que le Forez. La zone de circulation du virus atteint l’Ardèche, département qui, selon Santé publique France, devrait faire l’objet d’une vigilance particulière.

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