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Vaccin anti-covid 19 : quelle stratégie pour les personnes immunodéprimées et leur entourage ?

03 mai 2021 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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L'immunodépression se définit comme la réduction plus ou moins importante de la capacité du système immunitaire à répondre à des antigènes, qu'ils soient ou non d'origine infectieuse. L'immunodépression peut être congénitale ou acquise, elle peut être provoquée par certaines pathologies ou certains traitements, connus comme immunosuppresseurs. Toutes les immunodépressions s'accompagnent d'un risque accru d'infection et de gravité de ces infections, et la covid 19 ne fait pas exception. D'autre part, elles peuvent avoir pour conséquence une réaction atténuée à la vaccination, qui peut être responsable selon les cas d'un risque vaccinal (risque d'infection par un vaccin vivant, le plus souvent contre-indiqué), ou d'une moindre efficacité du vaccin, qui n'assurera pas de protection. On considère cependant que, lorsque le vaccin n'est pas contre-indiqué, il est susceptible de conférer une protection, même partielle, en fonction de la nature et de l'intensité de l'immunodépression, et qu'il doit être proposé. 

Les personnes immunodéprimées, quelle que soit la cause de l'immunodépression, ont ainsi été désignées prioritaires pour la vaccination contre la covid 19. Toutefois, compte tenu des incertitudes sur l'efficacité de cette vaccination, soumise à une importante variabilité individuelle, d'autres mesures de protection doivent lui être associées.

Le 29 avril 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié ses recommandations pour la stratégie vaccinale à mettre en œuvre pour une protection optimale des personnes immunodéprimées, utilisant les moyens actuellement disponibles (1). Les personnes concernées sont :

  • les personnes transplantées d’organes solides ou de cellules souches hématopoïétiques,
  • les personnes sous chimiothérapie lymphopéniante,
  • les personnes recevant un traitement par anti-CD20 (un médicament utilisé pour traiter certains lymphomes et maladies auto-immunes),
  • les personnes dialysées chroniques,
  • ainsi que, au cas par cas, les personnes sous immunosuppresseurs ne relevant pas de ces catégories ou porteuses d’un déficit immunitaire primitif, après avis spécialisé.

Afin d'être protégées, les personnes immunodéprimées doivent pouvoir bénéficier :

  • d'une part, d'une vaccination effectuée dès que possible avec un vaccin compatible,
  • d'autre part, de mesures de "cocooning" visant à réduire les risques de transmission du SARS-CoV-2 par les personnes vivant régulièrement à leur contact : personnes vivant sous le même toit, contribuant à leur prise en charge (personnels de santé, aides à domicile, auxiliaires de vie, etc.) ou susceptibles d’assurer leur garde (assistante maternelle, famille, garde-malade, etc.). Ces personnes doivent donc également être prioritaires pour la vaccination, à administrer dans les meilleurs délais. L'effet recherché étant une diminution du risque de transmission à la personne immunodéprimée, les vaccins à ARN messager (Comirnaty de Pfizer-BioNTech et COVID-19 Vaccine Moderna) et le vaccin vectorisé de Janssen devraient être utilisés préférentiellement, car selon les données actuelles, ce sont ceux qui se montrent les plus efficaces dans ce domaine.

L'immunodépression est un état au déterminisme et aux manifestations très divers, dont la prise en charge ne peut pas être univoque. Selon les causes et les formes, ce sont l'une ou l'autre des deux composantes de l'immunité (immunité humorale, les anticorps, et immunité cellulaire, les cellules cytotoxiques et "helper"), ou les deux, qui sont concernées. Or, ces deux composantes sont nécessaires pour combattre les maladies infectieuses, les anticorps servant surtout à protéger contre l'infection, alors que la réponse cellulaire atténue la gravité de la maladie.  Ainsi, les personnes ayant reçu des greffes d'organes et dont l'immunité est fortement déprimée par les traitements auxquels elles sont soumises, paraissent particulièrement exposées à des formes graves de covid 19, bien que le constat soit établi sur un petit nombre de patients. L'insuffisance rénale chronique, surtout dans sa forme terminale, ressort aussi comme un facteur aggravant important. Mais le risque d'hospitalisation et de décès par covid 19 augmente également chez les personnes atteintes de cancers et d'hémopathies, avec d'importantes variations sans doute en rapport avec le type de cancer, son ancienneté, le traitement associé. Les traitements modernes de certaines maladies inflammatoires ou auto-immunes, tels que le rituximab (anti-CD20) semblent aussi responsables d'une augmentation du risque.

Les effets de l'immunodépression sur l'efficacité des vaccins sont également variables et  encore mal connus. On considère cependant que les immunodépressions profondes qui touchent les deux composantes, humorale et cellulaire, de l'immunité, ne permettent pas une bonne réponse vaccinale. Ce sont, là encore, les formes associées aux greffes d'organes ou de tissus (moelle), aux cancers et hémopathies traitées par chimio ou radiothérapie, à l'insuffisance rénale évoluée. Les effets des traitements immunosuppresseur sont très variables : alors que le rituximab peut inhiber une réponse vaccinale, les conséquences d'un traitement par méthotrexate ou corticoïdes sont plus modérées. L'existence d'une infection par le VIH peut également être associée à une diminution de la réponse aux vaccins, mais uniquement en cas d'infection non contrôlée entrainant une baisse importante des lymphocytes T CD4+.

Les données sur l'efficacité des vaccins anti-covid chez les personnes immunodéprimées sont encore très incomplètes, ces personnes ayant été généralement exclues des essais cliniques de phase 3. On dispose d'observations effectuées depuis la mise en service des vaccins, qui concernent essentiellement les vaccins à ARN. Ces données montrent une grande disparité entre les effets de la vaccination en fonction de l'origine et de l'intensité de l'immunodépression, avec parfois des discordances selon les études. On observe toutefois que la proportion de patients produisant des anticorps reste faible parmi les personnes greffées ou porteuses de cancer, par rapport à celle obtenue chez des personnes non immunodéprimées. Les immunomodulateurs prescrits en cas de maladie inflammatoire ou auto-immune ont des effets variables mais peuvent laisser se développer une réponse anticorps, souvent atténuée. Chez les personnes insuffisantes rénales dialysées, la réponse au vaccin semble par contre quasiment préservée.

A ce jour, les données analysées par la HAS sur les effets des vaccins anti-covid ne couvrent pas la totalité des formes d'immunodépression. La Haute autorité considère toutefois que, en l'état des connaissances, ses recommandations peuvent s'appliquer à toutes les populations immunodéprimées. Elle rappelle que les 4 vaccins disponibles en France sont non réplicatifs et ne sont donc pas contre-indiqués pour ces populations.

Le recours à la stratégie de "cocooning" s'appuie également sur des données encore très incomplètes, concernant l'efficacité des vaccins contre la transmission du SARS-CoV-2. Cette efficacité se manifeste toutefois par la diminution de la charge virale et de la durée de l'excrétion virale chez les personnes infectées après vaccination, par la moindre incidence des formes asymptomatiques chez les personnes vaccinées et des cas d'infection autour de ces personnes. Par ailleurs, les essais menés chez l'animal ont montré que les vaccins de Pfizer-BioNTech, de Moderna et de Janssen entrainaient une diminution de la présence du virus dans le nasopharynx lorsque les animaux étaient infectés après leur vaccination. L'effet du vaccin de AstraZeneca sur ces critères apparait plus modéré et inconstant.

Pour la HAS, "ces différentes données suggèrent que les personnes vaccinées ont non seulement moins de risque de développer une infection symptomatique, mais aussi sont moins contagieuses, elles font moins de forme asymptomatiques (et donc risquent moins de contaminer quelqu’un sans le savoir), elles excrètent moins de virus, et sont à l’origine de moins de cas secondaires. Ces résultats sont toutefois variables en fonction des différents vaccins. En conséquence ces résultats constituent un rationnel en faveur d’une stratégie de « cocooning » autour de certains immunodéprimés". Il est donc recommandé de vérifier le statut vaccinal de l'entourage immédiat de ces personnes et de faire les mises à jour nécessaires conformément au calendrier vaccinal en vigueur.

L'avis de la HAS fait suite à un autre avis du 6 avril 2021 publié par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, recommandant l’injection d’une troisième dose de vaccin à ARNm chez les personnes sévèrement immunodéprimées : transplantés d’organes solides, transplantés récents de moelle osseuse, patients dialysés, patients atteints de maladies auto-immunes sous traitement immunosuppresseur fort de type anti-CD20 ou anti-métabolites (2). Cette troisième injection doit intervenir 4 semaines au moins après la deuxième dose, ou dès que possible pour les personnes qui auraient déjà dépassé ce délai. La Direction générale de la santé a demandé sa mise en application dans un message DGS-Urgent du 11 avril 2021 (3). Des recommandations seront ultérieurement émises concernant la nécessité d’une troisième dose pour les insuffisants rénaux chroniques non dialysés, les patients atteints de cancers et les patients atteints de maladies auto-immunes sous d’autres traitements immunosuppresseurs.

Références

  1. Avis HAS, 29 avril 201. Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2 - Vaccination prioritaire de l’entourage des personnes immunodéprimées contre le SARS-Cov-2.
  2. Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale. Avis du 6 avril 2021 : élargissement des priorités d’accès à la vaccination anti-Covid-19.
  3. Message DGS-Urgent n° 43 du 11 avril 2021.

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