#Santé

Nutrivigilance : risque d’hépatite aiguë sévère à la suite de la prise des gommes Chewable Hair Vitamins

L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) vient de rendre public un avis mettant en garde les consommatrices, en particulier celles prenant un contraceptif oral, contre Chewable Hair Vitamins, un complément vitaminique destiné à favoriser la santé des cheveux, vendu dans diverses grandes enseignes.

Cet avis, publié en juin 2020, fait suite au signalement de deux cas d’hépatites sévères, dont l’un a nécessité une greffe de foie, survenues chez des femmes prenant ce complément alimentaire, ainsi qu’un contraceptif oral à base de désogestrel, un progestatif.

Selon l’Anses, le score d’imputabilité du complément alimentaire Chewable Hair Vitamins est « très vraisemblable » pour ces deux cas. L’agence signale que, dans le produit pris par une des patientes, les teneurs en vitamine A et E de ces gommes à mâcher étaient supérieures à celles indiquées sur l’emballage.

Si aucun ingrédient ne peut expliquer à lui seul les effets indésirables observés, il reste possible que l’effet secondaire provienne d’un effet complexe de la combinaison des nombreux ingrédients du produit, ou d’interactions avec d’autres substances comme le progestatif, voire une contamination du produit ou une adultération par une substance qui n’aurait pas été recherchée au cours des analyses.
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L'Anses préconise aux femmes sous contraceptif oral de ne pas consommer le complément alimentaire Chewable Hair Vitamins (illustration).

L'Anses préconise aux femmes sous contraceptif oral de ne pas consommer le complément alimentaire Chewable Hair Vitamins (illustration).

En 2019, deux signalements d'effets indésirables survenus à la suite de la prise du complément alimentaire Chewable Hair Vitamins (vendu dans de grandes enseignes de cosmétiques) ont été signalés à l'Anses qui a rendu un avis sur ces signalements.

Deux cas d'hépatites aiguës graves, dont un ayant nécessité une greffe
Le premier cas est apparu un peu moins d'un mois après la prise quotidienne du complément alimentaire Chewable Hair Vitamins. La patiente de 29 ans s'est plainte d'une asthénie invalidante et de troubles dyspeptiques associés à un ictère cholestatique avec urines foncées et selles décolorées. Quelques jours plus tard sont apparus des vomissements et des sueurs dont la persistance conduira à une hospitalisation.
Au cours de celle-ci, survient une fièvre à 38 °C, associée à une éruption cutanée maculo-papuleuse débutant sur les paumes des mains et les plantes des pieds, se généralisant ensuite sans atteinte muqueuse. Les hémocultures et la recherche de point d'appel infectieux sont négatives. La malade est alors transférée dans un service d'hépatologie et un traitement par aciclovir et N-acétyl-cystéine est instauré, puis remplacé par une corticothérapie dans l'hypothèse d'une hépatite auto-immune. L'évolution ultérieure est favorable.
Le second cas concerne une femme de 36 ans, qui a débuté la prise du complément alimentaire après un accouchement. Un mois plus tard, elle présente un ictère. Au vu des données biologiques et d'une échographie, elle est hospitalisée. Une scanner thoraco-abdominal montre un aspect compatible avec une hépatite aiguë, sans lésion focale.
Trois semaines plus tard, devant l'apparition d'une encéphalopathie hépatique avec astérixis et ralentissement psychomoteur, la patiente est transplantée en urgence. L'analyse de l'explant hépatique montre des lésions de nécrose parenchymateuse étendue panlobulaire et multilobulaire, d'intensité variée, dont l'aspect réalise un tableau d'hépatite aiguë submassive (environ 60 % de parenchyme nécrosé) sans caractère morphologique pathognomonique permettant d'orienter vers une origine particulière, notamment auto-immune.
À ce jour, aucun autre signalement n'a été enregistré par le dispositif de nutrivigilance avec le complément alimentaire Chewable Hair Vitamins. Au niveau européen, la sollicitation de l'EFSA (European Food Safety Authority) révèle que, à ce jour, sur les 37 pays sollicités, le produit a été déclaré dans au moins 4 pays et 25 pays ont indiqué n'avoir reçu aucun signalement en lien avec le produit Chewable Hair Vitamins.

Un complément alimentaire multivitaminique à la composition inexacte
Dans les deux cas, le rôle du complément Chewable Hair Vitamins est suspecté par les hépatologues. Ce complément, fabriqué au Royaume-Uni par la société HairBurst, contient diverses vitamines (A, C, E, B5, B6, B8, B12), du zinc, du sélénium et divers excipients et arômes. La vitamine D, présente sur l'étiquette du produit consommé par la première patiente, ne figure pourtant pas sur la composition déposée auprès de la DGCCRF.
De plus, des analyses faites à la demande de l'Anses ont montré que les taux réels de vitamine A et de vitamine E dans le produit consommé par la première patiente étaient supérieurs à ceux officiellement déclarés : 1 017 µg de vitamine A (soit 47,4 UI, contre 800 µg déclarés) et 31,6 mg de vitamine E (soit 3 356 UI, contre 12 mg déclarés). Le produit consommé par la seconde patiente n'a pas pu être récupéré et analysé.

Le rôle suspecté d'un progestatif oral, le désogestrel
Les experts relèvent que, dans ces deux cas cliniques, le même contraceptif (un progestatif, le désogestrel) a été pris de façon concomitante avec le complément alimentaire Chewable Hair Vitamins. Ils n'excluent pas une possible interaction.
Selon les bases de données des médicaments, il n'a pas été rapporté d'effets indésirables du désogestrel sur le foie. En revanche, les éruptions cutanées figurent parmi la liste des effets indésirables possibles. La littérature signale toutefois que le désogestrel et certains compléments alimentaires à base de vitamines et minéraux pourraient inhiber le cytochrome CYP1A2. Or, des auteurs ont suggéré qu'une baisse d'activité de ce cytochrome pourrait être associée à un risque d'hépatite.

Une imputabilité du produit estimée comme « très vraisemblable »
Selon la méthode de nutrivigilance utilisée par le groupe de travail de l'Anses, le score d'imputabilité du complément alimentaire Chewable Hair Vitamins est « très vraisemblable » pour ces deux cas.
Selon l'Anses, « La vitamine A, un des ingrédients de ce produit, a des effets hépatotoxiques identifiés dans la littérature, mais dans des conditions de consommation bien différentes de celles des deux consommatrices du complément alimentaire Chewable Hair Vitamins (doses bien supérieures et/ou sur des périodes beaucoup plus longues). […] Si aucun ingrédient ne peut expliquer à lui seul les effets indésirables observés, il reste possible que l'effet indésirable provienne d'un effet complexe de la combinaison des nombreux ingrédients du produit, compte tenu également de leur biodisponibilité inhérente au mode d'administration du produit (gomme à mâcher). Des interactions avec d'autres substances (comme le progestatif) peuvent aussi être impliquées. Enfin, on ne peut pas exclure une contamination du produit, ni une adultération par une substance qui n'aurait pas été recherchée (au cours des analyses demandées). »

En conséquence, l'Anses préconise aux femmes sous contraceptif oral de ne pas consommer le complément alimentaire Chewable Hair Vitamins. Elle rappelle ses recommandations relatives à la consommation de compléments alimentaires :
  • Signaler à un professionnel de santé tout effet indésirable survenant à la suite de la consommation d'un complément alimentaire.
  • Respecter les conditions d'emploi fixées par le fabricant.
  • Éviter des prises multiples, prolongées ou répétées au cours de l'année de compléments alimentaires sans avoir pris conseil auprès d'un professionnel de santé (médecin, diététicien, etc.).
  • Être très vigilant vis-à-vis des allégations abusives.
  • Être très vigilant quant à l'achat de produits vendus dans les circuits non traditionnels (internet, salles de sport, etc.) et sans conseil individualisé d'un professionnel de santé.
©vidal.fr

Pour aller plus loin

- L'avis complet de l'Anses sur les cas rapportés avec Chewable Hair Vitamins, 19 juin 2020.

- L'article de Vigil'Anses sur ces cas, novembre 2020.

- Sur les effets du désogestrel sur le cytochrome hépatique CYP1A2
Karjalainen MJ, Neuvonen PJ & Backman JT. In vitro inhibition of CYP1A2 by model inhibitors, anti-inflammatory analgesics and female sex steroids: predictability of in vivo interactions. Basic Clin Pharmacol Toxicol103 (2):157-65. 2008.

- Sur les effets de certains compléments alimentaires sur le cytochrome hépatique CYP1A2
Takamitsu S, Sato Y, Kumagai T et al. Effect of health foods on cytochrome P450-mediated drug metabolism. J Pharm Health Care Sci. 2017; 3: 14.

- Sur le lien entre baisse d'activité du cytochrome CYP1A2 et hépatite
Ma KF, Zhang XG & Jia HY. CYP1A2 polymorphism in Chinese patients with acute liver injury induced by Polygonum multiflorum. Genet Mol Res13 (3):5637-43. 2014
Sources

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