
Médecine des voyages
En Allemagne, un cas de biharziose (ou schistosomiase) urog?nitale a ?t? diagnostiqu? chez un homme de 49 ans qui pr?sentait une h?maturie macroscopique en juin 2020. Le diagnostic a ?t? confirm? sur une biopsie v?sicale, ainsi par analyse des urines (microscopie et PCR). Le g?notypage a r?v?l? un parasite hybride, Schistosoma haematobium / Schistosoma bovis.
Le patient n'avait jamais voyag? en dehors de l'Europe. Il avait voyag? en Corse?? deux reprises, en 2019 et 2013. Il n'a jamais nag? dans la rivi?re Cavu, o? des cas de schistosomiase ont ?t? signal?s les ann?es pr?c?dentes. L'histoire sugg?re qu'il a probablement ?t? infect? en 2019 en se baignant dans la rivi?re Solenzara, ? proximit? d'un camping tr?s fr?quent?.
Ce nouveau cas sugg?re que la transmission de la schistosomiase est toujours active en Corse et qu'un second cours d'eau pourrait ?tre en cause.
Un point sur la bilharziose autochtone en Corse est pr?sent? ci-dessous.
Rappels sur les?schistosomiases
Les schistosomoses, (schistosomiases ou bilharzioses) sont des maladies parasitaires dues ? des vers plats tr?matodes du genre Schistosoma.?
L'homme se contamine lors d'un contact avec de l'eau douce envahie par des furcocercaires, forme infestante du parasite, aux heures chaudes de la journ?e. Il n'y a pas de transmission interhumaine. Le cycle n?cessite un h?te interm?diaire, un mollusque d'eau douce, propre ? chaque esp?ce de schistosome.
Cinq esp?ces sont pathog?nes pour l'homme. Les plus fr?quents et les plus largement r?partis sont Schistosoma mansoni (Sm) (son h?te interm?diaire est un mollusque de type planorbe) sur les continents africain et am?ricain et S. haematobium (Sh) principalement sur le continent africain (son h?te interm?diaire est un mollusque de type bulin). S. intercalatum qui a le m?me h?te interm?diaire se rencontre en Afrique. S. japonicum (Sj) et S. mekongi (Sk) qui ont pour h?tes interm?diaires respectifs des mollusque du genre Oncomelania et Neotricula?se rencontrent en Asie du Sud Est.
On reconna?t dans la maladie trois phases
- Une phase de p?n?tration cutan?e de la larve du parasite, elle n'est pas constante et se manifeste par une ?ruption et un prurit (dermatite cercarienne)
- Une phase d'invasion ou bilharziose aigu? qui ?volue sur quelques semaines et au cours de laquelle la larve migre dans l'organisme et peut ?tre responsable d'un tableau clinique tr?s prot?iforme, parfois f?brile et inqui?tant. La manifestation biologique contemporaine de cette phase est une augmentation importante du taux des polynucl?aires ?osinophiles dans le sang.
- Une phase d'?tat ou bilharziose chronique pr?coce d?bute environ 2 ? 3 mois apr?s le bain infestant. Elle correspond ? l'?limination des œufs ench?ss?s dans les organes cibles dans le milieu ext?rieur par le franchissement de la muqueuse. Elle peut se manifester par une diarrh?e glairo-sanglante et des douleurs abdominales (Sm, Sj, Si). L'infection par Sh se manifeste par une h?maturie et des difficult?s ? uriner. Cette phase est souvent asymptomatique.
- Une phase tardive qui correspond aux complications survient plusieurs mois ou ann?es apr?s le d?but de l'infestation. Sm est responsable d'une atteinte du foie et du tube digestif comme Sj et Sk, et Sh d'une atteinte g?nito-urinaire. D'autres organes peuvent ?tre touch?s.?
Le point sur la bilharziose autochtone en Corse
En avril 2014, un cluster de 3 cas de bilharziose ? S.haematobium a ?t? diagnostiqu? chez deux fr?res et sœurs et leur p?re. Ils n'avaient jamais voyag? en zone d'end?mie de bilharziose, mais avaient s?journ? en Corse en 2013 et s'?taient baign?s dans la rivi?re Cavu. Par la suite, d'autres cas avaient ?t? d?tect?s chez deux autres familles expos?es ? la rivi?re Cavu portant le total initial ? 6 cas confirm?s (œufs de S. haematobium dans les urines) et 2 cas suspects (s?rologie positive). Cinq cas suppl?mentaires ont ?t? diagnostiqu?s dans une famille de six allemands ayant fr?quent? le m?me camping. Quinze autres cas consid?r?s comme possibles (8 cas), probables (2 cas) ou confirm?s (5 cas) ont ?t? identifi?s chez 43 touristes italiens ayant s?journ? en Corse. Ces 15 malades s'?taient baign?s dans plusieurs rivi?res de Corse entre 2007 et 2014 dont la rivi?re Cavu.
Une campagne de d?pistage national lanc?e en 2014 permettra d'identifier 106 cas suppl?mentaires de bilharziose autochtone en lien avec des baignades dans la rivi?re Cavu durant la saison estivale 2013 (62% de baignade dans la Cavu en ao?t 2013).
Les actions mises en place en 2014 (information de la population sur les modes de transmission et incitation au d?pistage, ?information des professionnels de sant? de proximit?, affichage, installation de toilettes sur les bords de la Cavu, interdiction de baignade dans le Cavu en 2014, pr?l?vements de bulins durant la saison estivale) ont entrain? une r?duction du nombre de cas. Par la suite 10 cas suppl?mentaires ont ?t? diagnostiqu?s ; 8 cas signalaient une baignade dans le Cavu, 1 cas dans le Cavu et la Solenzara et 1 cas exclusivement dans la Solenzara. Le dernier cas signal? par Sant? publique France a ?t? diagnostiqu? mi-f?vrier 2018 chez un enfant (d?pist? n?gatif en 2014, cet enfant s'?tait baign? dans le Cavu en 2015, 2016, 2017 et dans la rivi?re Solenzara en 2015).
Les analyses g?nomiques r?alis?es ? partir d'œufs de schistosomes collect?s chez les patients ont montr? que la souche parasitaire responsable des cas ?tait toujours la m?me et que cette souche ?tait un hybride S. bovis?/S. haematobium?d'origine s?n?galaise.
L'h?te interm?diaire dans le cycle parasitaire, Bulinus truncatus, est pr?sent dans les rivi?res Cavu, Solenzara, Osu?et Tarcu. Plusieurs milliers de bulins ont ?t? pr?lev?s annuellement, puis analys?s par PCR depuis 2015 ? la recherche d'une infection bilharzienne. Les analyses se sont toujours av?r?es n?gatives y compris au cours de l'?t? 2020. Ceci ne remet toutefois pas en cause leur r?le dans le cycle de la bilharziose en Corse. Par contre, le bulin ne peut ? lui seul assurer le maintien de la maladie.
La recherche d'un r?servoir animal capable d'entretenir le cycle a port? sur les bovins, ovins et caprins ?lev?s ? proximit? du Cavu et chez des rongeurs sauvages (rats) pr?lev?s ? proximit? de la rivi?re. Ces travaux n'ont pas ?t? concluants. L'?largissement de l'?tude ? d'autres mammif?res (mouflons) n'a pas ?t? r?alis?.
Dans un avis de 2019, le Haut Conseil pour la sant? publique (HCSP) ?voque deux hypoth?ses expliquant le maintien de l'?pid?mie sont propos?es :
- Celle d'un r?servoir humain ? l'origine d'un ? r?ensemencement ? de la rivi?re probablement au printemps ou en d?but d'?t? (hypoth?se privil?gi?e)
- Celle d'un cycle entretenu ? bas bruit ? partir d'une source animale, dans lequel l'Homme serait impliqu?, lorsque les populations de bulins deviennent trop importantes du fait de facteurs environnementaux (d?bit insuffisant de la rivi?re).
Dans ce m?me avis le HCSP a recommand? la mise en place d'un plan visant ? l'?radication de la bilharziose autochtone en Corse, notamment puisque l'existence d'un cycle animal (domestique ou sauvage) n'est pas ?tablie ? ce jour.
Le diagnostic de ces infections est difficile. La charge parasitaire des patients est faible et les infections sont souvent pauci-symptomatiques. En 2014, le HCSP recommandait de d?pister les cas en associant en premi?re intention la recherche d'anticorps dirig?s contre Schistosoma?par deux techniques diff?rentes associ?es (ELISA et h?magglutination) compl?t?e en cas de discordance par une technique d'immunoempreinte (Western blot ou WB). Deux tests s?rologiques positifs ou, en cas de discordance, un test de WB positif d?finissent un cas probable. Le diagnostic direct de cette parasitose repose sur la mise en ?vidence d'œufs du parasite (dans les urines ou sur l'examen histopathologique d'une biopsie v?sicale ou rectale) ou sur la mise en ?vidence du g?nome du parasite par PCR dans le sang ou les urines. En cas de positivit? d'un de ces examens le diagnostic est consid?r? comme certain. Seul le g?notypage permet d'identifier le parasite hybride impliqu? dans cette ?pd?mie.
Le manque de sensibilit? des tests s?rologique est connu. Dans un objectif d'?radication le HCSP a recommand? d'associer chez une population cibl?e (personnes pr?sentant des sympt?mes ?vocateurs d'une infection bilharzienne, personnes provenant ou ayant s?journ? dans un pays d'end?mie bilharzienne, personnes travaillant sur les rivi?res ou les rives du Cavu ou de la Solenzara au cours de la p?riode ? risque de transmission (mai – septembre) ; personnes ayant ?t? trait?es ant?rieurement pour bilharziose, en lien avec une fr?quentation du Cavu ou de la Solenzara, pour confirmer la gu?rison PCR sur sang total, WB et PCR ou recherche d'œufs dans les urines. L'?valuation des r?sultats devrait permettre de d?finir la strat?gie ? mettre en oeuvre pour un d?pistage ?largi.
Le traitement repose sur une prise unique de praziquantel ? la dose de 40 mg/kg. Le contr?le parasitologique de l'efficacit? du traitement est essentiel en particulier pour s'assurer de l'arr?t de la diss?mination du parasite. Le HCSP recommande un contr?le ? 3, 6 et 12 mois du traitement par recherche dans les urines d'œufs de Sh ou du g?nome du parasite par PCR.
Rappelons que la bilharziose autochtone est une des 34 maladies ? d?claration obligatoire en France.
Source : Promed.
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