#Santé publique #COVID-19

Premier cas de transmission transplacentaire du SARS-CoV-2

Le risque d’une exposition à un virus pendant la grossesse est lié, pour l’enfant à naître, d’une part, au potentiel délétère de ce virus (par exemple danger fœtal établi du virus de la rubéole, mais pas des virus de la grippe "ordinaire") et, d’autre part, à la période de la grossesse où s’est produite l’exposition virale.
Ainsi, le risque est d’ordre tératogène si l’exposition a lieu avant la fin du 2e mois de la grossesse (période de l’organogenèse), alors que le risque porte sur le développement (croissance et maturation des organes en place) si l’exposition a lieu entre la fin du 2e mois et l’accouchement.
Une transmission périnatale peut également entraîner des manifestations chez le nouveau-né. Dans les rares cas rapportés de COVID-19 en période néonatale, on ignore si la transmission périnatale du SARS-CoV-2, s’est faite par voie transplacentaire, transcervicale ou par l’environnement postnatal (12345). Un premier cas français témoigne d’une transmission transplacentaire du SARS-CoV-2 à l’origine de la COVID-19 chez un nouveau-né (6).
Élisabeth LECA 21 juillet 2020 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Dans le cas de cette patiente, le virus SARS-CoV-2 était présent dans le placenta, le liquide amniotique et le sang du cordon (illustration).

Dans le cas de cette patiente, le virus SARS-CoV-2 était présent dans le placenta, le liquide amniotique et le sang du cordon (illustration).


Des auteurs français ont récemment rapporté le premier cas de transmission placentaire du SARS-CoV-2.
Une femme de 23 ans, primipare, a été hospitalisée en mars 2020, à 35 semaines de grossesse, pour un tableau clinique compatible avec la COVID-19 (fièvre, toux, expectoration), confirmé par la présence des gènes E et S du SARS-CoV-2 en RT-PCR, dans le sang, le nasopharynx et les secrétions vaginales.
Jusqu'à cet épisode, la grossesse se déroulait sans problème (échographies et bilans habituels normaux).

Une infection maternelle et néonatale confirmée par RT-PCR
À l'admission, il a été noté, chez cette patiente, une thrombocytopénie (54 × 109/L), une lymphopénie (0,54 × 109/L), une augmentation des transaminases (AST : 81 UI/L ; ALT 41 : UI/L), de la protéine C-réactive (37 mg/L) et de la ferritine (431 g/L). Trois jours plus tard, le rythme fœtal, en faveur d'une souffrance fœtale, a imposé une césarienne réalisée en isolement strict. Le liquide amniotique prélevé avant la rupture des membranes était clair, mais positif pour les gènes E and S du SARS-CoV-2. Six jours plus tard, la maman est sortie de l'hôpital en bonne santé.
Le nouveau-né, un garçon de 2 540 g, avait un abaissement du score d'Apgar (4, 2 et 7, respectivement à la minute 1, 5 et 10), ayant justifié une ventilation au masque pendant 5 minutes, puis une intubation pour ventilation mécanique, avant d'être transféré en unité de réanimation néonatale dans une chambre à pression négative. Les paramètres vitaux, les gaz du sang, l'échographie cardiaque et pulmonaire étant normaux, le nouveau-né a pu être extubé à la 6e heure de vie. Le sang et le liquide de lavage broncho-alvéolaire avant extubation étaient positifs pour les gènes E et S du SARS-CoV-2 détectés en RT-PCR, de même que les prélèvements nasopharyngés et rectaux (à 1 h de vie, puis à J3 et J 18).
Au 3e jour de vie, le nouveau-né est devenu brutalement irritable, avec des difficultés d'alimentation et une hypertonie. Le sang était stérile, l'électroencéphalogramme (EEG) et le scanner cérébral étaient normaux. L'analyse du liquide céphalorachidien (LCR) a montré la présence de 300 leucocytes/mm3 et une légère augmentation de la protéinorachie (1,49 g/L), alors que la glycorachie était normale et qu'aucun germe n'avait été identifié, ni à l'examen direct (bactéries, virus dont le SARS-CoV-2, champignons, HPV 1 et 2), ni en culture.

Charge virale élevée dans le placenta et atteinte cérébrale chez le nouveau-né
La RT-PCR était positive pour les gènes E and S du SARS-CoV-2 dans le placenta et différents prélèvements chez la mère (sang, vagin, gorge, liquide amniotique) et le nouveau-né (sang, gorge, selles). La charge virale était beaucoup plus élevée dans le placenta que dans le liquide amniotique et le sang maternel ou néonatal, suggérant la présence virale dans les cellules placentaires. De fait, l'examen du placenta a révélé des dépôts de fibrine périvillositaires avec des zones infarcies et des lésions intervillositaires aiguës et chroniques ; des anticorps anti-SARS-CoV-2 ont été mis en évidence par immunohistochimie.

Une amélioration progressive constatée chez l'enfant
L'IRM cérébrale faite à J 11 témoignait d'une gliose bilatérale de la substance blanche profonde périventriculaire et sous-corticale, avec une discrète prédominance gauche. Les symptômes se sont progressivement améliorés sans traitement antiviral ou autre thérapeutique spécifique, en dehors de l'hypotonie qui persistait au 5e jour de vie. L'enfant a finalement pu quitter l'hôpital à J 18 et, au deuxième mois de vie, l'hypotonie et les lésions en IRM s'étaient améliorées, la motricité et le reste de l'examen clinique étant normaux.
Il s'agit du premier cas d'infection néonatale acquise pendant la vie intra-utérine (anomalies neurologiques avec des marqueurs d'inflammation dans le LCR suivant une virémie néonatale) qui prouve une transmission transplacentaire du SARS-CoV-2 par une femme atteinte en fin de grossesse par la COVID-19. En témoigne de façon indiscutable, la présence du SARS-CoV-2, d'une part dans le placenta et le liquide amniotique avant rupture des membranes, d'autre part dans le sang du cordon et, enfin, la présence d'anticorps spécifiques.

La confirmation d'une transmission transplacentaire
Dans les rares autres cas publiés, la transmission transplacentaire ne pouvait pas être confirmée, en l'absence de recherche virale dans le sang du cordon ou le sang néonatal, mais seulement suspectée.
Dans l'observation française rapportée ici, l'hypothèse de la séquence est la suivante : à l'occasion d'une virémie maternelle, le SARS-CoV-2 a atteint le placenta (visible en immunohistochimie) causant son inflammation importante (charge virale très élevée, résultats de l'examen histologique et immunohistochimique) induisant à son tour une virémie fœtale et néonatale. En effet, l'inflammation intervilleuse placentaire aiguë et chronique, avec dépôt de fibrine, qui a déjà été décrite chez des femmes infectées par SARS-CoV-1 (7), est compatible avec une inflammation systémique maternelle déclenchée par l'infection due au SARS-CoV-2.
La transmission s'est bien faite via le placenta dans la mesure où la RT-PCR était positive pour le SARS-CoV-2, à la fois dans le placenta et dans le sang maternel et celui du nouveau-né. Un autre argument en faveur d'une transmission placentaire est que les récepteurs de l'enzyme de conversion, qui sont aussi ceux du SARS-CoV-2, sont très présents dans le placenta et leur expression chez l'animal est maximale entre la fin de la gestation et les premiers jours de vie post-natale. Les anomalies neurologiques avec des marqueurs d'inflammation dans le LCR de cette infection néonatale acquise pendant la vie intra-utérine se rapprochent des atteintes neurologiques avec atteinte de la substance blanche en lien avec une réponse inflammatoire observées chez l'adulte atteint de la COVID-19 (8, 9). Ce type de manifestations neurologiques évoquant une vascularite cérébrale a également été observé chez un nouveau-né né d'une mère positive pour le SARS-CoV-2, mais dont la transmission verticale n'avait pas été totalement étudiée (10). 

Ce premier cas français d'une transmission transplacentaire du SARS-CoV-2 témoigne que d'autres voies de transmission du SARS-CoV-2 que par les gouttelettes de salive sont possibles. Elle établit également la possibilité de la maladie COVID-19 chez le nouveau-né. Si la contamination est ici établie en fin de grossesse, la transmission en début de grossesse, avec ses conséquences possibles sur l'embryogenèse et le développement fœtal, reste mal connue, justifiant une surveillance dans les mois qui suivent la naissance de nouveau-nés possiblement exposés au SARS-CoV-2.

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Pour en savoir plus
  1. Dong L. et al. Possible vertical transmission of SARS-CoV-2 from an infected mother to her newborn. JAMA 2020 ; 323 : 1846-184.
  2. Zeng L. et al. Neonatal early-onset infection with SARS-CoV-2 in 33 neonates born to mothers with COVID-19 in Wuhan, China. JAMA Pediatr 2020 ; 174 : 722-725. 
  3. Zhu H. et al. Clinical analysis of 10 neonates born to mothers with 2019-nCoV pneumonia. Transl. Pediatr 2020 ; 9 : 51-60.
  4. Yu N. et al. Clinical features and obstetric and neonatal outcomes of pregnant patients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective, single-centre, descriptive study. Lancet Infect. Dis. 2020 ; 20 : 559-564.
  5. Alzamora M. C. et al. Severe COVID-19 during Pregnancy and possible vertical transmission. Am. J. Perinatol 2020 ; 37 : 861-865
  6. Vivanti AJ et al. Transplacental transmission of SARS-CoV-2 infection. Nat Commun 2020 Jul 14 ; 11 : 3572.
  7. Ng W. F. et al. The placentas of patients with severe acute respiratory syndrome: a pathophysiological evaluation. Pathology 2006 ; 38 : 210-218.
  8. Poyiadji, N. et al. COVID-19-associated acute hemorrhagic necrotizing encephalopathy: imaging features. Radiology 2020 ; 296 : E119-E120.
  9. Moriguchi T. et al. A first case of meningitis/encephalitis associated with SARS-Coronavirus-2. Int. J. Infect. Dis 2020 ; 94 : 55-58.
  10. Lorenz N. et al. Neonatal early-onset infection with SARS-CoV-2 in a newborn presenting with encephalitic symptoms. Pediat. Infect. Dis. J.  2020 ; 39 (8) : e212.  
Sources

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