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COVID-19 : le traçage numérique des sujets contacts, ange ou démon ?

En l’absence de traitement spécifique et de vaccin, l’une des mesures préconisées pour endiguer l’épidémie COVID-19 est le repérage des sujets contacts d’une personne infectée par le SARS-CoV-2. 
À côté de la méthode humaine, qui a ses limites, le traçage numérique est apparu utile pour tester et isoler de façon très rapide des personnes potentiellement infectées. Mais, qui dit numérique, dit aussi peur du numérique.
Pour comprendre comment fonctionnent ces outils, quelles sont leurs limites et leurs intérêts, l’Académie des sciences nous livre quelques explications. 
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Application de traçage : un outil comme un autre ? (illustration).

Application de traçage : un outil comme un autre ? (illustration).


Lors d'une séance exceptionnelle de l'Académie des sciences consacrée à la COVID-19, Olivier Faugeras, directeur de recherche à l'INRIA (Institut national de recherche en science et technologie du numérique) et membre de la cellule de crise coronavirus à l'Académie des sciences, a fait le point sur les applications de traçage numérique.
En premier lieu, il a rappelé que l'idée première d'un traçage manuel "est de remonter la chaîne des contacts récents d'un patient pour détecter les personnes à qui il a pu transmettre le virus afin de les dépister à leur tour".
À cet effet, il est prévu que des brigades sanitaires soient déployées sur le territoire français. Mais, si le nombre de cas est trop important, la tâche va devenir très ardue. D'où l'idée de proposer, en complément, des "anges gardiens numériques" via une application hébergée sur les téléphones portables
Plusieurs protocoles (c'est-à-dire les ensembles de règles informatiques) ont déjà été conçus, "comme le protocole DP3T, sa déclinaison par l'Alliance Google/Apple, ou encore le protocole ROBERT proposé par un consortium européen emmené par l'INRIA pour l'application STOPCOVID. Ces protocoles diffèrent par des choix techniques, mais les principes généraux sont similaires".

Comment ça marche ?
En pratique, une personne "A" installe, volontairement, une application de traçage numérique sur son smartphone et active la fonction Bluetooth. Elle reçoit alors plusieurs pseudonymes qui seront ensuite utilisés par l'application, sachant que leur durée de vie est limitée, de l'ordre de quelques minutes. "A" se trouve ensuite dans les transports en commun, à proximité de deux autres personnes, "B" et "C", qui ont, elles aussi, activé l'application.
Si les distances entre ces trois personnes sont inférieures à un certain seuil, pendant un temps supérieur à un autre seuil (les 2 deux étant fixés par les autorités sanitaires), chaque smartphone enregistre les pseudonymes de ses voisins. Si, quelques jours plus tard, le sujet "A" est testé positif au SARS-CoV-2, il peut, toujours sur la base du volontariat, accepter de partager les pseudonymes de "B" et "C" enregistrés dans son smartphone avec la base de données centrale.
Les pseudonymes communiqués vont alors être enregistrés comme ceux de personnes à risque. À l'inverse, les applications de personnes non malades peuvent faire parvenir leurs pseudonymes régulièrement à la banque centrale. S'il apparaît qu'elles ont été en contact avec un sujet infecté, une alerte est envoyée sur le smartphone afin qu'elles puissent prendre les mesures sanitaires qui s'imposent.

Des applications qui ont leurs limites
Olivier Faugeras souligne néanmoins les différentes limites de ces procédés de traçage :
  1. Les mesures de distance obtenues par Bluetooth ne sont pas toujours très précises.
  2. Les signaux de Bluetooth peuvent traverser les murs d'où la possibilité de "faux contacts".
  3. Même si la technologie rend aujourd'hui les risques très minimes, des possibilités de dé-pseudonymisation existent toujours, ce qui permettrait de remonter aux identités qui sont derrière les pseudonymes.
    Olivier Faugeras insiste à cet égard sur le fait qu'"il est important de dire que des atteintes à la vie privée ne pourront jamais être complètement écartées. Il faut cependant vérifier qu'elles restent raisonnables, compte tenu des gains en termes de santé publique. Pour rappel, nous utilisons quotidiennement des applications bien plus invasives au niveau des données personnelles".
 
Ce que les applications de traçage numérique ne sont pas 
Pour O. Faugeras, il faut donc savoir raison garder et mettre l'accent "sur ce que ces applications de traçage ne sont pas".

 
  • Ce ne sont pas des applications de pistage
Le système n'utilise que le Bluetooth et non les données de géolocalisation cellulaire ou GPS.
 
  • Ce ne sont pas des applications de surveillance
"Si les données du serveur sont correctement protégées et leur utilisation limitée, leur conception minimise le risque que quelqu'un, par exemple l'État, ait accès à la liste des personnes diagnostiquées ou à la liste des interactions sociales entre les personnes. La seule information qui est notifiée à l'utilisateur est que son smartphone s'est trouvé, dans les jours précédents, à proximité du smartphone d'au moins une personne, qui a depuis été diagnostiquée malade et s'est déclarée comme telle dans l'application."
 
  • Ce ne sont pas des applis de délation
Aucune personne ne sait qui est à l'origine d'une notification ni, si elle est malade, à quelles personnes sont envoyées des notifications.  

Pour clore le chapitre des différentes barrières de sécurité mises en place dans ces applications, il faut ajouter que toutes les données sont détruites après quelques semaines, dans les smartphones et sur le serveur. Par ailleurs, ce sont les utilisateurs qui choisissent d'installer l'application et d'activer le Bluetooth. Ils peuvent d'ailleurs, à tout moment, désactiver le Bluetooth ou désinstaller l'application. Enfin, ce sont eux qui choisissent de se déclarer potentiellement contaminés.     
 
En conclusion, si beaucoup s'interrogent légitimement sur les dérives possibles d'un tel système, ce dernier est toutefois un outil très utile pour retrouver les contacts proches de patients infectés.
C'est cette dualité qu'a souligné récemment le Pr Philippe Sansonetti, titulaire de la Chaire microbiologie et maladies infectieuses au Collège de France. Pour lui, si "le fameux contact tracing a fait déjà l'objet d'un débat sociétal compréhensible, car on y voit d'emblée un pas supplémentaire dans l'atteinte de nos libertés individuelles, déjà passablement entamées par les lois antiterroristes, il faut au plus vite aborder ce débat et clairement exposer les extraordinaires appuis à la détection et à la mise en "quatorzaine" des sujets en contacts étroits et/ou renouvelés avec les sujets dépistés positifs".

©vidal.fr

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Sources

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