#Santé publique #COVID-19

Remdésivir : une molécule testée pour une maladie du chat, la fièvre Ebola, et maintenant l’infection à SARS-CoV-2

L’essai clinique européen portant sur diverses molécules dans le traitement de la COVID-19 (essai Discovery) contient un bras portant sur l’efficacité éventuelle du remdésivir, un analogue de l’adénosine. Que sait-on de cet antiviral à ce jour ? Pourquoi est-il évalué contre le SARS-CoV-2 ?
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Une molécule efficace contre une maladie à coronavirus du chat (illustration).

Une molécule efficace contre une maladie à coronavirus du chat (illustration).


Le remdésivir (GS-5734) a été développé par les laboratoires Gilead. Son histoire clinique a débuté en 2015, lorsqu'il a été identifié comme pouvant inhiber la multiplication du virus Ebola. Depuis, il a montré une efficacité in vitro contre le virus de la maladie de Marburg, ainsi que contre plusieurs virus à ARN monocaténaire comme les virus Junin, Lassa, Nipah ou Hendra, le virus respiratoire syncytial (bronchiolite du nourrisson), mais également le MERS-CoV et le SARS-CoV-1.
Le remdésivir est une prodrogue de la substance active GS-441524, un analogue nucléosidique de l'adénosine qui perturbe l'ARN polymérase et qui n'est pas lu par l'exoribonucléase, diminuant ainsi la production d'ARN viral.
 
Un développement clinique contre la fièvre Ebola peu convaincant
Le remdésivir a été évalué lors de l'épidémie de fièvre Ebola qui a sévi au Kivu (République démocratique du Congo) à partir de 2018. Ces essais ont montré une efficacité modérée, inférieure à celle des anticorps monoclonaux spécifiques et son développement dans cette indication a conséquemment été suspendu par le laboratoire propriétaire.
 
Une efficacité démontrée contre un coronavirus du chat
Parallèlement, GS-441524 a montré un bon rapport bénéfices/risques contre la péritonite infectieuse féline, une infection due à un alpha coronavirus. En 2019, craignant de perturber le développement du remdésivir en médecine humaine, les laboratoires Gilead ont cependant arrêté le développement de GS-441524 en médecine vétérinaire, créant un marché noir à grande échelle en Chine (où la péritonite infectieuse féline est extrêmement prévalente). En 2019, des milliers de chats chinois ont reçu GS-441524 sans que des données d'efficacité aient pu être formellement collectées. Néanmoins, les vétérinaires chinois ont signalé des résultats positifs à l'image de l'essai clinique rapporté en 2019.
 
Le remdésivir, utilisé ponctuellement contre le SARS-CoV-2
Parce que GS-441524 est active contre le SARS-CoV-2 in vitro, le remdésivir a été administré à un premier patient de l'état de Washington (États-Unis) dès fin janvier 2020, sous la forme d'une ATU nominative ("compassionate use"). Début février 2020, deux essais cliniques ont été lancés en Chine avec des patients atteints de COVID-19 (formes modérées et formes sévères). Le 17 mars 2020, les autorités sanitaires tchèques ont approuvé le remdésivir pour le traitement des patients atteints de formes sévères de la COVID-19. Il a également été utilisé ponctuellement en Italie. Le 20 mars, la FDA a annoncé que le remdésivir était désormais disponible aux États-Unis dans le cadre d'une ATU, pour le traitement de la COVID-19.
 
Le remdésivir, intégré dans le nouvel essai européen Discovery
L'essai clinique, baptisé Discovery et coordonné par l'Inserm dans le cadre du consortium Reacting, a commencé le 22 mars 2020 en Europe pour tester quatre traitements expérimentaux contre la COVID-19. Il s'agit d'un projet européen piloté par Florence Ader, infectiologue dans le service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital de la Croix-Rousse au CHU de Lyon et chercheuse au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI). L'un des quatre bras doit évaluer le remdésivir. Les autres bras évaluent l'association lopinavir/ritovavir (avec ou sans interféron bêta, même si un précédent essai de cette association sans interféron n'a pas montré de bénéfice) et l'hydroxychloroquine.
Cet essai va par ailleurs s'ajouter aux données qui seront recueillies au cours d'un autre essai clinique international qui va bientôt commencer sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Santé, baptisé Solidarity
 

Pour aller plus loin
Agostini ML, Andres EL, Sims AC et al. Coronavirus Susceptibility to the Antiviral Remdesivir (GS-5734) Is Mediated by the Viral Polymerase and the Proofreading Exoribonuclease. mBio March/April 2018 Volume 9 Issue 2.
 
Pedersen NC, Perron M, Bannasch M et al. « Efficacy and safety of the nucleoside analog GS-441524 for treatment of cats with naturally occurring feline infectious peritonitis. » J Feline Med Surg  2019 ; 21(4) : 271-281.
 
Mulangu S, Dodd LE, Davey RT Jr et al. A Randomized, Controlled Trial of Ebola Virus Disease Therapeutics. N Engl J Med. 2019 Dec 12 ; 381(24) : 2293-2303.
 
Ko WC, Rolain JM, Lee NY et al. Arguments in favour of remdesivir for treating SARS-CoV-2 infections. Int J Antimicrob Agents, 6 March 2020
 
Cao B, Wang Y, Wen D et al. A Trial of Lopinavir–Ritonavir in Adults Hospitalized with Severe Covid-19.  N Engl J Med, 18 mars 2020.
 
Lancement d'un essai clinique européen contre le Covid-19. INSERM, Communiqué, 22 mars 2020.

 
Sources

Commentaires

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ipopia@ch-wissembourg.fr Il y a 4 ans 0 commentaire associé
Qu'en est-il du favipiravir (T-705) ? Si on fait une recherche sur internet, de nombreuses pages mentionnent des essais où ce médicament a montré efficacité. Pourquoi il n'est pas inclus dans cette étude ?... Après, il n'est pas vraiment le temps des études. Des études ont déjà été faites, on devrait se fier à ces études et ne pas gaspiller des vies humaines pour attendre les résultats de "nos études". Des gens, y compris des jeunes, meurent chaque jour parce que quelques scientifiques veulent repartir de zéro. Si on est déjà au stade du vélo, il ne faut plus inventer la roue.
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