
Le surpoids augmente significativement le risque de développer onze types de cancer
Le surpoids, facteur de risque déjà suspecté pour 7 types de cancer par l'INCa, le CIRC et d'autres instances
De nombreuses études et méta-analyses ont mis en évidence une association entre le surpoids et la survenue de certains types de cancer. En France, l'Institut national du cancer (INCa) estime le nombre annuel de cancers directement liés à l'obésité en France entre 2 000 et 2 500 cas par an.
Dans le monde, le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) estime ce nombre à 481 000.
Les méta-analyses menées par le Fonds mondial de recherche contre le cancer et l'Agence internationale de recherche sur le cancer (AIRC) suggèrent que le surpoids est un facteur de risque de survenue de 7 types de cancer : œsophage, pancréas, colon/rectum, sein chez la femme ménopausée, endomètre, rein et foie. Néanmoins, les études à l'origine de ces analyses croisées souffrent d'une forte hétérogénéité qui diminue la puissance de leurs résultats.
Une "revue-ombrelle" pour confirmer ou infirmer les analyses précédentes
Pour essayer de lutter contre les biais et l'hétérogénéité des études existantes, des chercheurs britanniques, grecs et français ont effectué une revue-ombrelle (« umbrella review ») à partir d'études et de méta-analyses portant sur les liens entre surpoids et cancer.
Une revue-ombrelle est une sorte de méta-méta-analyse qui recherche des associations entre un grand nombre de facteurs au sein d'études et de méta-analyses.
94 méta-analyses utilisant diverses échelles d'adiposité
Publiée dans le British Medical Journal, cette revue-ombrelle a compilé les données de 204 méta-analyses. Parmi celles-ci, 94 ont été retenues pour leur gradation du surpoids selon diverses échelles d'adiposité : augmentation de 10 cm du tour de taille, augmentation de 5 kg du poids corporel, augmentation de 5 kg/m2 de l'IMC.
Cette dernière échelle était utilisée dans 60 % des 94 méta-analyses retenues. Ces méta-analyses regroupaient 818 études évaluant les liens entre surpoids et 36 types de cancer.
Des critères statistiques stricts pour une significativité forte
Pour mesurer l'intensité du lien vénetuel entre surpoids et risque de cancer, l'étude du BMJ distingue 4 niveaux : fort, fortement suggestif, suggestif, faiblement suggestif. Pour chacun de ces niveaux, le lien entre surpoids et risque de cancer est statistiquement significatif, mais à des degrés variables.
Dans la présentation de leurs résultats, les chercheurs n'ont retenu que les liens dits "forts" : un p<0,000001 (pourcentage de significativité) pour la revue-ombrelle, les études sur plus de 1 000 cas de cancers, un p <0,05 pour la plus vaste étude de chaque méta-analyse scrutée et une faible hétérogénéité entre les méta-analyses.
Un "lien fort" entre le surpoids et risque de cancer retrouvé dans la moitié seulement des méta-analyses
Si 77 % des méta-analyses identifiées indiquaient un lien significatif entre surpoids et risque de cancer, seulement 37 % d'entre elles montraient un lien dit "fort".
Une augmentaiton du BMI de 5 points est "fortement associée" à une augmentation nette du risque de 11 cancers
Plus en détails, la revue-ombrelle du BMJ montre que chaque gain de 5 kg/m2 de l'IMC se traduit par une augmentation fortement significative du risque de 11 cancers :
- cancer colorectal chez les hommes : augmentation de 9 %, intervalle de confiance 95 % de 1,06 à 1,13 (ce lien n'est "que" fortement suggestif chez les femmes) ;
- adénocarcinome de l'œsophage ;
- cancer de l'estomac ;
- cancer du pancréas ;
- trois types de cancer des voies biliaires (vésicule, canal hépatique commun, ampoule de Vater) : augmentation de 56 %, IC 95 % de 1,34 à 1,81, la plus forte augmentation du risque observée ;
- cancer du rein ;
- myélome multiple ;
- cancer de l'endomètre chez les femmes préménopausées ;
- cancer de l'ovaire.
Des liens supplémentaires pour 2 cancers à la lumière d'une comparaison avec des personnes sans surpoids
De plus, lorsqu'on compare les personnes en surpoids à celles ayant un poids de forme, une augmentation du poids corporel de 5 kg augmente de 11 % le risque de cancer du sein chez les femmes après la ménopause (n'ayant pas reçu de traitement de substitution hormonale, IC 95 % de 1,09 à 1,13) et une augmentation du rapport poids/tour de taille de 0,1 augmente de 21 % le risque de cancer de l'endomètre (IC 95 % de 1,13 à 1,29).
Des différences avec les connaissances existantes faussées par l'hétérogénéité des études
Le lien cité par le Fonds mondial de recherche contre le cancer entre surpoids et cancer du foie n'est, dans cette revue-ombrelle, que "hautement suggestif ",du fait des faibles effectifs des études et de leur grande hétérogénéité.
Il en est de même pour deux types de cancer cités par l'AIRC : méningiome et cancer de la thyroïde.
En conclusion : un surrisque important à garder en mémoire.. et une confirmation de l'importance de la tentative de contrôle ou baisse du poids, sans culpabilisation vu sa difficulté...
Les chercheurs concluent leur revue-ombrelle en rappelant que d'autres types de cancer pourraient être favorisés par le surpoids, qui seraient passés inaperçus du fait des limites des études disponibles et des biais.
Ils insistent donc, logiquement, sur l'importance de mettre en place, chez les personnes en surpoids, des stratégies de prévention anticancéreuse renforcées (hygiène de vie, alimentation, prévention des addictions, etc.), au centre desquelles la tentative d'aider les patients en surpoitd à maigrir reste centrale.
Rappellons cependant qu'en dehors de la chirurgie bariatrique pour les cas de forte obésité, peu ou pas de méthode(s) sont vraiment efficaces pour faire maigrir de manière importante et durable.
Il est donc bien sûr prioritaire de ne pas culpabiliser le patient sur son surpoids ou son obésité, ni de l'inquiéter outre-mesure sur ces surrisques de cancers, mais plutôt de prodiguer les meilleurs conseils possibles en fonction de la situation et de tenter de corriger les facteurs aggravants les moins difficiles à corriger (les résultats de cette étude peuvent aussi être lus comme "maigrir diminue le risque de 11 cancers").. Plus facile à dire qu'à faire, bien sûr, comme s'en désolait très récemment le blogueur médecin généraliste "Docteur V"
Pour aller plus loin
La revue-ombrelle sur les liens entre surpoids et cancer présentée dans le BMJ
Kyrgiou M et al. « Adiposity and cancer at major anatomical sites: umbrella review of the literature », BMJ 2017;356:j477
Le compte-rendu du groupe de travail de l'Agence internationale de recherche sur le cancer (AIRC)
Lauby-Secretan B et al. « Body Fatness and Cancer — Viewpoint of the IARC Working Group. », N Engl J Med 2016; 375:794-798
L'analyse du CIRC sur l'impact du surpoids sur les cancers dans le monde
Arnold Melina et al. « Global burden of cancer attributable to high body-mass index in 2012: a population-based study. » The Lancet Oncology, 2015, Volume 16, No. 1, p36–46
Les chiffres des cancers liés au surpoids en France
« Surpoids et obésité », Institut national du Cancer, 2015
Le rapport du Fonds mondial de recherche contre le cancer
« Alimentation, nutrition, activité physique et prévention du cancer : une perspective mondiale. », Fonds mondial de recherche contre le cancer, 2007.
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco Obésité
Chirurgie de l'obésité : la HAS estime nécessaire d'améliorer davantage la prise en charge préopératoire (octobre 2016)
Chirurgie bariatrique et obésité (étude) : le risque de décès diminuerait de moitié dans les années suivant l'intervention (janvier 2015)
Comment lutter contre la "fracture nutritionnelle" ? Interview de Serge Hercberg (novembre 2014)
Sources
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