#Recherche

Syncope : un outil d’évaluation des risques élaboré par des chercheurs canadiens

Les syncopes (pertes transitoires de connaissance) peuvent correspondre à un évènement passager, sans aucun danger, par exemple après un coup de chaleur. Les syncopes peuvent aussi être associées à une pathologie sévère, voire mortelle.
 
Comment évaluer rapidement la gravité potentielle de ce symptôme, dans l’immédiat et à court terme (dans les 30 jours) ? Comment ne pas passer à côté d’un gros risque de complications ou, au contraire, comment éviter de garder trop longtemps hospitalisé un patient à faible risque ?
 
Afin de tenter d’aider les professionnels de santé à standardiser cette évaluation, des chercheurs canadiens ont recueilli puis analysé les données de 4 000 patients consultant aux urgences de 6 hôpitaux, avec également la recherche d’évènements de santé graves survenant dans les 30 jours suivant la sortie des urgences.  
 
Cette analyse leur a permis d’élaborer un outil d’évaluation des risques basé sur 9 questions utilisant des données usuellement prises en compte par les professionnels de santé.

Son efficacité reste tout de même à confirmer par d’autres expérimentations effectuées par des médecins n’ayant pas participé à son élaboration.
27 juillet 2016 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
La survenue d'une syncope est un motif fréquent de consultation (illustration).

La survenue d'une syncope est un motif fréquent de consultation (illustration).


La syncope, un symptôme fréquent, dont la cause n'est pas toujours retrouvée
La syncope est une perte de connaissance brutale et passagère liée à une diminution de la perfusion du cerveau ("évanouissement"). C'est un symptôme relativement fréquent en médecine générale comme aux urgences, où il représente 1 à 3 % des motifs de consultation.
 
L'incidence des syncopes augmente avec l'âge, plus particulièrement après 70 ans.
 
Les syncopes peuvent être d'origine cardiaque (troubles du rythme, rétrécissement aortique, infarctus, hypertension artérielle pulmonaire, etc.) ou extracardiaque (hypotension, hypoglycémie, ivresse aiguë, etc.). Ce tableau, réalisé par la Haute Autorité de Santé en 2008, résume les différentes causes possibles :



Notons que dans environ 25 % des cas, aucune cause n'est identifiée.
 
L'importance de l'évaluation des risques de complications après la syncope
La prise en charge thérapeutique et la surveillance éventuelles, hospitalières ou à domicile (voir l'arbre décisionnel de la VIDAL Reco "Syncope"), dépendent des causes identifiées ou suspectées lors de la survenue de la syncope et du suivi.

Or il n'est pas toujours évident de repérer les situations à risques.
 
Des données sur les patients présentant des syncopes récoltées dans 6 services d'urgence canadiens
Afin d'aider les professionnels de santé à optimiser cette évaluation et surtout à identifier les personnes à risques de complications dans les 30 jours suivant la syncope, le le Dr Venkatesh Thiruganasambandamoorthy et ses collaborateurs (Ottawa, Canada) ont donc recueilli puis analysé les données des adultes qui se sont rendus, après une syncope, dans 6 services d'urgence canadiens entre 2010 et 2014.
 

Ont été exclus de l'analyse les patients qui présentaient une perte de conscience prolongée (plus de 5 minutes), des troubles manifestement d'ordre psychiatrique, des signes ou antécédents d'épilepsie, un traumatisme associé ou précédent la syncope, la prise d'alcool ou de drogues illicites, ainsi que les patients ne parlant pas français ou anglais.
 
Au total, 4 030 patients ont été retenus pour l'étude. Ils avaient en moyenne 53 ans, 55 % étaient des femmes, 64 % étaient arrivés aux urgences en ambulance, 32 % présentaient une hypertension artérielle connue.
 
Les électrocardiogrammes pratiqués aux urgences (95 % des patients) ont tous été revus par au moins un cardiologue. Des analyses biologiques ont également été effectuées chez 85 % des patients.
 
Recueil d'éventuelles complications sur 30 jours, corrélation aux données relevées aux urgences
Les chercheurs canadiens ont recherché (dossiers médicaux, suivi téléphonique, suivi des consultations éventuelles) toutes les complications sévères survenues au durant le passage aux urgences et dans les 30 jours suivant la consultation aux urgences :
 [édit 29/7] décès, arythmie, infarctus, maladie structurale du cœur (comme un rétrécissement des valves aortiques), dissection aortique, embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire sévère, hémorragie importante, hémorragie méningée, tumeur cérébrale, métastases cérébrales, autres cancers, etc. (détails, en anglais, sur le tableau 2 de la publication et ses notes, ainsi qu'en annexe de la publication). [/édit 29/7]
 
3,6 % des patients suivis après une syncope ont présenté une complication sévère dans les 30 jours
Les auteurs ont constaté la survenue d'un des évènements graves décrits ci-dessus chez 147 des 4 030 patients (3,6 %) retenus pour l'analyse : 86 (2,1 %) ont subi cet évènement grave à l'hôpital, 61 (1,5 %) l'ont subi dans les 30 jours en dehors de l'hôpital.
 
La corrélation de ces données sur les complications éventuelles avec les autres données relevées aux urgences a permis aux auteurs d'élaborer 43 indicateurs de possibles complications (listés, en anglais, dans cette autre annexe).  
 
Score de risque à 30 jours utilisant 9 prédicteurs de survenue possible d'une complication après une syncope
Après considération sur leur pertinence médicale et statistique, ainsi que sur la plausibilité de leur recueil aux urgences, les auteurs ont finalement retenu 9 indicateurs prédicteurs de possibles complications : cliniques, biologiques, à l'ECG.
 
Sur ces 9 prédicteurs de gravité, la présence de 7 d'entre eux était significativement annonciatrices de complication ( p < 0,001, cf. tableau 4 de la publication pour les Odds ratio).
 
En fonction de leur pertinence (corrélation des scores calculés pour chaque patient avec la réalité observée), un nombre de points a été attribué à chaque facteur pour déterminer un score de risque , le "Canadian Syncope Risk Score" (CSRS) :
 
Catégories / prédicteurs Points
Evaluation clinique 
Prédisposition aux malaises vagaux* - 1
Antécédents de maladies cardiaques**   1
Mesure d'une pression artérielle systolique < 90 ou > 180 mmHg***   2
Examens complémentaires 
Elévation de la troponine sanguine (> 99e percentile)   2
Anomalie de l'axe QRS à l'ECG (< -30° ou > 100°)   1
Allongement du complexe QRS > 130 ms   1
Allongement de l'espace QT > 480 ms   2
Diagnostic aux urgences 
Syncope vagale (également appelée vasovagale) - 2
Syncope cardiaque    2
Score total (de -3 à 11)  
 
* Déclenché en étant dans un endroit chaud et bondé, en station debout prolongée, ou par la peur, l'émotion ou la douleur.
** Notamment une maladie coronarienne ou valvulaire, une cardiomyopathie, une insuffisance cardiaque congestive ou une arythmie (constats lors d'ECG réalisés au cours de la visite aux urgences, ou antécédents documentés).
*** En salle d'attente ou pendant la consultation aux urgences

 
Interprétation du score de risque : de très faible à très élevé
Selon les analyses des auteurs, voici l'interprétation des différents scores possibles :
  • Risque très faible (0,4 à 0,7 % de risque de survenue d'une complication grave à 30 jours) : - 3 ou – 2
  • Risque faible (1,2 à 1,9 %) : - 1 à 0
  • Risque moyen (3,1 à 8,1 %) : 1 à 3
  • Risque élevé (12,9 à 19,7 %) : 4 à 5
  • Risque très élevé (28,9 % à 83,6 %) : 6 à 11
 
En conclusion : un outil prommetteur d'évaluation de la gravité immédiate et à court terme d'une syncope sans cause évidente d'emblée
Les auteurs ont donc constaté une corrélation presque parfaite entre la prédiction de complications effectuée avec cet outil, qui tient d'ailleurs largement compte du diagnostic effectué aux urgences, et la réalité (survenue effective, ou non, de complications) :
 
Peu de limitations sont à prendre en compte selon les auteurs, puisqu'il y a eu notamment très peu de patients perdus de vue après la sortie des urgences. Ces patients n'ont pas été inclus dans l'analyse.
 
Ils estiment néanmoins qu'il faut le faire valider par d'autres chercheurs et urgentistes n'ayant pas participé à son élaboration.
 
Une fois cet outil validé, il permettra avant tout de repérer les patients à faible risque (score inférieur à 0) pour les laisser sortir de l'hôpital rapidement (cas des syncopes d'allure vagales en particulier).
 
La stratification des risques proposée par ce score pourrait aussi permettre de mieux anticiper les risques et d'améliorer la prise de décision (thérapeutique, surveillance) lorsqu'un patient se présente aux urgences après une syncope.
 
En savoir plus :
L'étude canadienne et ses annexes, en libre accès (en anglais) : "Development of the Canadian Syncope Risk Score to predict serious adverse events after emergency department assessment of syncope", Venkatesh Thiruganasambandamoorthy et al., Canadian Medical Association Journal (CMAJ), 4 juillet 2016. Annexes 1 à 6

Recommandation HAS : Pertes de connaissance brèves de l'adulte : prise en charge diagnostique et thérapeutique des syncopes, mai 2008

 
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco "Syncope"
Sources

Commentaires

Ajouter un commentaire
En cliquant sur "Ajouter un commentaire", vous confirmez être âgé(e) d'au moins 16 ans et avoir lu et accepté les règles et conditions d'utilisation de l'espace participatif "Commentaires" . Nous vous invitons à signaler tout effet indésirable susceptible d'être dû à un médicament en le déclarant en ligne.
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Publicité
Dans la même rubrique
Publicité
Presse - CGU - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster