
Médecine des voyages
La fièvre Zika est une maladie virale fébrile ressemblant à la dengue ; elle est causée par un arbovirus transmis par un moustique. Le mot arbovirus est un acronyme de l'expression de langue anglaise "arthropode borne virus", signifiant qu'il s'agit d'un type de virus ayant pour vecteur un arthropode (moustique, tique ou phlébotome) pouvant prélever du sang sur un mammifère.
- En 1947, le virus Zika a été isolé pour la première fois chez un singe rhésus dans la forêt de Zika, en Ouganda. Il a été isolé pour la première fois chez l'homme en 1952 en Ouganda et en Tanzanie. Le virus Zika est un flavivirus apparenté au virus de la dengue et à celui de la fièvre jaune. Ce virus possède un génome constitué d'acide ribonucléique (ARN) dont la séquence entière a été déterminée en 2006. Trois lignées différentes ont été décrites (Afrique de l'Est, Afrique de l'Ouest et Asie).
- Dans les années 1970, les premières épidémies apparaissent en Afrique (Ouganda, Tanzanie, Égypte, République Centrafricaine, Sierra Leone, Gabon et Sénégal), puis dans certains pays d'Asie (Inde, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Viêt Nam et Indonésie).
- En 2007, une importante épidémie s'est déclarée en Micronésie (Ile de Yap dans le Pacifique), causant 5 000 infections.
- En 2013 et 2014, en Polynésie française, 55 000 cas d'infections à virus Zika ont été notifiés. L'épidémie se propage ensuite dans d'autres îles du Pacifique, notamment en Nouvelle-Calédonie (1 400 cas), dans les îles Cook et sur l'île de Pâques.
- En mai 2015, le virus Zika est détecté pour la première fois dans le Nord-Ouest du Brésil ; il s'étend ensuite très rapidement dans les autres régions du pays puis dans d'autres pays de l'Amérique latine et dans les Caraïbes.
- Depuis le 1er janvier 2015, 46 pays ont rapporté des cas de transmission autochtone du virus Zika.
- Le 1er février 2016, le Comité d'urgence du Règlement sanitaire international a indiqué que la récente grappe de cas de microcéphalie et d'autres troubles neurologiques rapportés au Brésil, à la suite d'un cluster similaire en Polynésie française en 2014, constitue une urgence de santé publique de portée internationale.
L'évolution de la situation de l'épidémie dans les pays est régulièrement mise à jour et consultable sur le site de l'European Centre for Disease Prevention and Control and (ECDC), où une carte de risque actualisée est également disponible.
Selon l'ECDC, le niveau de transmission autochtone du virus dans un pays est défini en fonction du nombre de cas d'infections à virus Zika et du délai d'observation de ces cas.
- Un pays présente un niveau de transmission sporadique quand moins de 10 cas ont été enregistrés dans une région pendant un délai de 2 mois
- Un pays est classé comme présentant une circulation épidémique du virus lorsque :
- plus de 10 cas ont été enregistrés dans une même région pendant une période de 2 mois ;
- deux régions rapportent des cas autochtones de transmission du virus au cours des 2 mois précédents ;
- le virus circule dans le pays depuis plus de 2 mois. - Un pays est retiré de la liste des pays où sévit actuellement l'épidémie quand aucun cas d'infection à virus Zika n'a été notifié aux autorités de santé depuis plus de 9 mois.
Réservoir de virus
Le réservoir du virus Zika est probablement constitué par les singes. En cas d'épidémie en l'absence de singes, l'homme est un hôte d'amplification, voire un réservoir.
Transmission
- Tout comme la dengue ou le chikungunya, le virus Zika est transmis à l'homme par la piqûre de certains moustiques du genre Aedes, notamment par Aedes Aegypti. Selon les espèces, les piqûres peuvent se produire durant la journée mais aussi en fin d'après-midi ou le soir.
- Il est possible que le virus puisse se transmettre par le sang, mais aucun cas d'infection par transfusion n'a été documenté pour l'instant.
- La transmission sexuelle du virus Zika est possible, mais ce mode de transmission est peu documenté. Les données scientifiques sont à ce jour trop peu nombreuses pour évaluer son importance épidémiologique, qui est probablement négligeable par rapport à la transmission vectorielle. Il est conseillé :
- d'éviter tout rapport sexuel non protégé avec une partenaire enceinte, ayant un désir de grossesse ou en âge de procréer, pendant la durée de l'épidémie de Zika ;
- d'éviter une mise en route de grossesse dans les 6 mois suivant le retour d'une zone d'endémie.
Signes cliniques
- Les formes asymtomatiques sont fréquentes (75 % des cas).
- Dans les formes symtomatiques (25 % des cas), le signe constant est la fièvre. Celle-ci est souvent accompagnée d'une conjonctivite, d'arthralgies (notamment au niveau des petites articulations des mains et des pieds) et d'une éruption maculo-papulaire qui commence souvent au niveau de la face avant de s'étendre sur l'ensemble du corps. En général, les symptômes ne sont pas inquiétants et durent moins d'une semaine (2 à 7 jours).
- L'infection peut ainsi passer inaperçue ou être diagnostiquée à tort comme une dengue, un chikungunya ou d'autres infections virales.
- Un cas suspect d'infection à virus Zika est défini par un exanthème maculo-papuleux ou une fièvre même modérée avec au moins deux signes parmi les suivants : hyperhémie conjonctivale, arthralgies, myalgies, en l'absence d'autres étiologies.
- Un cas confirmé est défini par (sur sang ou urines) une RT-PCR Zika positive (avis du Haut Conseil de la santé publique sur la prise en charge médicale des personnes atteintes par le virus Zika).
- Un cas importé est une personne dont les symptômes ont débuté moins de 15 jours après le retour d'un séjour en zone d'épidémie à virus Zika.
- Des cas groupés sont définis comme la survenue d'au moins deux cas suspects regroupés dans le temps et l'espace.
- La déclaration obligatoire des infections à virus Zika est réservée aux seuls cas confirmés biologiquement, importés ou autochtones.
- L'ajout de l'infection par le virus Zika à la liste des maladies à déclaration obligatoire s'accompagne d'une information des professionnels de santé impliqués, afin de les sensibiliser.
Au Brésil, une augmentation inhabituelle des cas de microcéphalie chez les nouveau-nés, par rapport aux années précédentes, a été identifiée dès octobre 2015. L'existence d'un lien entre l'infection par le virus Zika durant la grossesse et la survenue d'une microcéphalie du fœtus est confirmée.
Le Haut Conseil de la santé publique a pris en considération les éléments suivants, disponibles en décembre 2015 (avis du 5 janvier 2016, revu le 20 janvier 2016).
Alors que le virus Zika paraissait, lors des premières observations cliniques, relativement anodin, responsable de tableaux d'exanthèmes maculo-papuleux peu ou pas fébriles et d'évolution spontanément favorable, deux types de complications sévères ont été récemment décrites chez la femme enceinte, en lien avec l'infection par ce virus, sans que la preuve formelle en soit apportée. La prise en charge médicale des personnes atteintes par le virus Zika, notamment des femmes ayant contracté l'infection en cours de grossesse, fait l'objet d'une conduite à tenir décrite dans l'annexe 1 de l'avis du 5 janvier 2016, revu le 20 janvier 2016.
Le syndrome de Guillain-Barré (SGB). Une augmentation inhabituelle des cas de SGB a d'abord été décrite en Polynésie française (42 cas en 16 semaines, versus 3 à 5 cas par an habituellement), dont 37 étaient consécutifs à un tableau évocateur d'infection à virus Zika, contemporains de l'épidémie de Zika de 2013-2014. Les résultats préliminaires d'une étude cas-témoins menée en Polynésie française par l'Institut Pasteur de Paris sont en faveur d'une association entre l'infection à virus Zika prouvée par marqueurs sérologiques et la survenue de SGB. Une augmentation notable des SGB est aussi actuellement décrite au Brésil.
Les microcéphalies et anomalies du développement cérébral intra-utérin. De façon quasi simultanée, le Brésil et la Polynésie française ont déclaré à l'Organisation mondiale de la santé une augmentation importante d'anomalies du développement cérébral intra-utérin (microcéphalies au Brésil, dysfonctionnements néonataux du tronc cérébral et malformations neurologiques fœtales en Polynésie française), contemporaine de leurs épidémies de Zika.
Le dépistage d'anomalies du développement chez des enfants nés de mère infectées ou susceptibles d'avoir été infectées par le virus Zika au cours de la grossesse est justifié par le risque de survenue d'atteintes congénitales neurologiques ; il est recommandé dans les deux situations suivantes :
- mères infectées par le virus Zika, cas confirmé durant la grossesse ou lors de l'accouchement ;
- mères susceptibles d'avoir été infectées par le virus Zika durant la grossesse.
Le Haut Conseil de la santé publique recommande la prise en charge médicale et le suivi des nouveau-nés et des nourrissons nés de mère ayant présenté ou ayant pu présenter une infection par le virus Zika pendant la période pré-conceptionnelle ou durant la grossesse par un examen physique et biologique complet. Les conduites à tenir et les modalités de suivi sont décrites dans cet avis.
La prise en charge de ces enfants doit être multidisciplinaire. Le Haut Conseil de la santé publique recommande qu'un suivi de cohorte soit mis en place pour les nouveau-nés infectés par le virus Zika, par voie maternelle, afin d'étudier le devenir à long terme de ces enfants. Les examens de diagnostic et de suivi des enfants mentionnés dans le présent avis doivent être réalisés sans surcoût pour les familles.
La déclaration obligatoire de l'infection confirmée par le virus Zika s'applique aux nouveau-nés infectés par le virus. Les cas d'infections materno-foetales avérées doivent être déclarés par ce biais aux agences régionales de santé (ARS).
La déclaration obligatoire ne s'applique pas dans les territoires en épidémie, mais une surveillance des femmes enceintes infectées par le virus Zika y est en place et le signalement des cas d'infections materno-foetales avérées y sera associé.
Traitement
- Le traitement est purement symptomatique ;
- Pas de traitement curatif ;
- Pas de vaccin disponible.
Prévention
Il est recommandé à toute personne vivant ou voyageant dans des zones de circulation du virus Zika de prendre des précautions pour éviter les piqûres de moustiques :
- Détruire les larves et les gîtes potentiels de reproduction des moustiques autour et dans l'habitat (récipients contenant de l'eau stagnante, élimination de tout réceptacle, même de petite taille, pouvant contenir de l'eau).
- Bombes insecticides dans les logements.
- Port de vêtements amples et couvrants, si possible imprégnés d'insecticide.
- Répulsifs anti-moustiques, contenant du DEET, sur la peau découverte.
- Moustiquaire imprégnée d'insecticide pour la sieste et la nuit.
- Les personnes qui utilisent un écran solaire doivent appliquer le répulsif 20 minutes après l'écran solaire.
Recommandations de la Direction générale de la santé et du Haut Conseil de la santé publique (janvier 2016).
Pour les femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse ainsi que pour les femmes en âge de procréer, vivant dans les zones touchées par une épidémie Zika :
- Une information sur les embryofoethopathies et autres complications pouvant survenir lors d'une infection par le virus Zika.
- Une sensibilisation sur l'intérêt du respect, par l'ensemble de la population, des mesures :
- de lutte anti vectorielle ;
- de prévention personnelle anti-vectorielle, incluant le respect des bonnes pratiques relatives à l'utilisation des produits insecticides et répulsifs. - Une incitation à consulter un médecin :
- afin de définir les mesures de prévention les plus adaptées à leur situation ;
- en cas de signes cliniques évocateurs d'une infection Zika.
Pour les femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse vivant dans des zones indemnes de virus Zika et qui partent dans des zones où sévit le Zika, il est recommandé :
- De consulter un médecin avant le départ.
- D'être informées sur les embryofoethopathies et autres complications pouvant survenir lors d'une infection par le virus Zika.
- D'envisager un report de leur voyage.
- De leur rappeler, si elles ne peuvent ou ne veulent pas différer leur voyage, l'importance de :
- respecter les mesures de protection anti vectorielles et les bonnes pratiques relatives à l'utilisation des produits insecticides et répulsifs ;
- consulter un praticien en cas de signes cliniques évocateurs d'une infection Zika, pendant le voyage ou au retour.
Conclusion
Près de 70 ans se sont écoulés depuis le premier isolement du virus Zika. Que dire de son futur ? Qu'il est imprévisible... Jadis confiné dans une vague zone équatoriale en Afrique et en Asie, ce virus est aujourd'hui présent partout où circulent les moustiques vecteurs, arboricoles ou urbains, principalement à activité diurne ou crépusculaire. Dans un monde globalisé où l'on observe une forte urbanisation, source potentielle de perturbations des équilibres écologiques, et une progression incessante des voyages aériens intercontinentaux, le virus Zika semble avoir une grande capacité à se propager, à l'instar des virus de la dengue et du chinkungunya. Ces trois arbovirus n'ont sans doute pas fini de faire parler d'eux à l'échelon local, régional ou planétaire.
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