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Traitement antalgique en urgence des coliques néphrétiques : confirmation de la supériorité des AINS

Les coliques néphrétiques sont des douleurs intenses dues à la distension des cavités rénales, le plus souvent en raison d’une lithiase ("calcul") sur les voies urinaires (rein, uretère, vessie).
 
Soulager la douleur de ces patients est l’objectif principal en première intention, avant le traitement de la cause. Pour cela, le traitement antalgique doit non seulement être efficace, mais il doit aussi pouvoir être administré dans les plus brefs délais.
 
Actuellement, l’utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) injectables est recommandée en 1ère intention, en l’absence de contre-indication (morphine titrée intraveineuse en cas d’échec ou de contre-indication).  
 
Mais les preuves sont-elles assez solides pour ce schéma thérapeutique ? Afin d’en savoir plus, Sameer Pathan et ses collaborateurs ont mené un essai clinique randomisé, contrôlé et en double aveugle auprès de 1 645 patients consultant pour des symptômes évocateurs d’une colique néphrétique.
 
Les résultats de cette vaste étude, publiées dans The Lancet en mars 2016, confirment la supériorité
 en l'absence de contre-indication, de l’AINS testé (diclofenac en intra-musculaire), par rapport à la morphine  IV ou au paracétamol IV.
 
Pour plus d’informations sur la colique néphrétique et ses traitements : 

VIDAL Reco "colique néphrétique"
 
synthèse des recommandations françaises et internationales et d’avis d’experts VIDAL.
Dossier grand public "Coliques néphrétiques (calculs rénaux)"
sur Eureka Santé
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Les lithiases urinaires (ou calculs) sont des agrégats de déchets cristallins secondaires à la filtration rénale. Ils peuvent obstruer les voies urinaires et déclencher une colique néphrétique (illustration).

Les lithiases urinaires (ou calculs) sont des agrégats de déchets cristallins secondaires à la filtration rénale. Ils peuvent obstruer les voies urinaires et déclencher une colique néphrétique (illustration).


Des symptômes très fréquents, mais des études d'efficacité aux résultats non définitifs
Les coliques néphrétiques, symptôme rénal aigu, voire suraigu, d'une obstruction des voies urinaires, représentent l'une des urgences les plus fréquentes dans le monde. Chaque année, environ 100 000 personnes en France présentent ces symptômes.
 
Malgré le grand nombre d'essais ayant prouvé l'efficacité des AINS, en IV ou en IM (intramusculaire), la méthodologie utilisée était, selon Sameer Pathan et ses collaborateurs, bien souvent critiquable, laissant supposer que les preuves n'étaient pas assez solides : problèmes de randomisation, de faible taille d'échantillon, de mesures ou d'absence de respect du double aveugle.
 
Les auteurs, une équipe internationale, ont donc conduit cet essai randomisé sur une large population afin d'apporter la preuve définitive du choix de l'antalgique initial chez les participants souffrants de coliques néphrétiques dans les services d'urgence.
 
Recrutement de 1 644 personnes consultant aux urgences d'un grand hôpital du Qatar
Cet essai randomisé a été mené en double aveugle dans une population d'adultes âgés de 18 à 65 ans, se présentant dans un service d'urgence d'un grand hôpital universitaire Qatari avec des symptômes évoquant une colique néphrétique (douleur d'apparition brutale dans la région lombaire, irradiant vers les organes génitaux).
 
Entre août 2014 et mars 2015, 1 644 personnes ont été recrutées puis randomisées en trois groupes.

L'intensité de la douleur a été évaluée avant le traitement au moyen d'une échelle visuelle analogique (EVA). Tous présentent un score au moins égal à 4 et donc une douleur d'intensité modérée à sévère. Les femmes enceintes et les personnes présentant une contre-indication à l'une des trois molécules (asthme, insuffisance rénale ou hépatique, etc.) ont été exclues.
 
Trois groupes recevant 3 traitements différents et un placebo
Le premier groupe (547 patients) a été traité par 75 mg de diclofénac en intramusculaire (IM), le deuxième groupe (549 patients) par de la morphine IV (0,1 mg/kg en 2 à 5 minutes) et le troisième groupe (548 patients) par 1g de paracétamol IV en 3 à 5 minutes.
 
Le double aveugle a été respecté car les patients et les soignants ignoraient le traitement reçu : chaque participant a reçu 1 injection IM et une injection IV, sans savoir si le produit actif était dans l'IM ou dans l'IV.  
 
Aucun autre traitement n'a été administré dans les 30 premières minutes suivantes avant que l'EVA ne soit réévaluée.
 
Le critère principal d'évaluation était la réduction d'au moins 50 % du score initial de douleur après 30 minutes de traitement antalgique (analyse "en intention de traiter", c'est-à-dire sans savoir si ces douleurs sont bien liées à une lithiase urinaire obstructrice).

Les critères secondaires étaient la recherche de lithiase dans les voies urinaires chez tous les participants au moyen d'une échographie ou d'un scanner, et la recherche d'évènements indésirables 24 heures après le traitement puis au 14e jour avec un appel téléphonique systématique.
 
Davantage de patients soulagés sous diclofenac IM
Une diminution de 50 % du score de douleur à l'EVA est observée chez 68 % des participants (371 patients) dans le groupe diclofénac, 66 % (364 patients) dans le groupe paracétamol, et 61 % (335 patients) dans le groupe morphine :

Ces résultats montrent que le diclofénac IM a été significativement plus efficace que la morphine IV pour atteindre l'objectif principal (OR 1,35 ; IC 95% [1,05-1,73] ; p = 0,0187), alors qu'il n'existe aucune différence significative entre la morphine et le paracétamol IV (OR 1,26 ; IC 95% [0,99-1,62] ; p = 0,0629).
 
Des résultats maintenus lorsque la lithiase urinaire est confirmée
Une lithiase urinaire a été détectée à l'imagerie chez 1316 patients (438 dans le groupe diclofenac, 435 dans le groupe paracétamol et 443 dans le groupe morphine).
 
Les résultats chez ces patients ("population per protocole") montrent que le diclofenac IM (OR 1,49 ; IC 95% [1,13-1,97] ; p = 0,0046) et le paracétamol IV (OR 1,40 ; IC 95% [1,06-1,85] ; p = 0,0166) s'avèrent plus efficaces que la morphine IV pour atteindre l'objectif principal (diminution de 50 % du score de douleur).
 
Davantage d'"injections de secours" à 30 minutes et davantage et d'effets indésirables dans le groupe "morphine IV"
Les participants du groupe "morphine" ont eu davantage recours à une deuxième injection (23 %) que ceux du groupe paracetamol IV (20 %, p < 0,0001) et ceux du groupe diclofenac IM (12 % seulement, p < 0,0001).
 
Aucun des 1 644 participants n'a présenté un effet indésirable grave (hémorragie digestive, nécrose cutanée liée à l'intramusculaire, placebo ou non, abcès, dialyse).

Les évènements indésirables recensés à 24 heures étaient significativement moins nombreux dans les groupe diclofénac IM (7 personnes) et paracétamol IV (7 personnes) par rapport au groupe morphine IV (19 personnes, soit 3 %). Au cours des deux semaines de suivi, aucun événement indésirable supplémentaire n'a été observé dans les trois groupes.
 
Des résultats qui confirment les autres études, mais un biais majeur et une lacune nécessitant d'autres études
L'injection de diclofenac IM s'est avérée plus efficace que celle de paracétamol IV, elle-même un peu plus efficace que l'injection IV de morphine.
 
Le principal biais de cette étude tient à son recrutement, dans un seul centre et avec une surreprésentation d'hommes jeunes et en bonne santé, et exclusion des femmes enceintes, personnes âgées, patients présentant une maladie rénale ou de l'asthme.  
 
Par ailleurs, une dose de morphine plus élevée aurait pu être choisie, mais cela aurait aussi augmenté le risque d'effets secondaires. Enfin, le diclofenac n'a pas été administré par voie IV, comme c'est recommandé en France lorsque c'est possible (milieu hospitalier). 
 
D'autres études rigoureuses seraient donc souhaitables auprès d'autres populations, et pour comparer l'efficacité des AINS en IM ou en IV.
 
Néanmoins, ces résultats obtenus sur un large échantillon confirment l'intérêt du diclofenac en première intention, conformément aux recommandations en vigueur (diclofenac ou ketoprofène par voie IM en ville et IV à l'hôpital) et en l'absence de contre-indications (ulcère gastro-duodénal évolutif, antécédents d'ulcère peptique ou d'hémorragie récurrente, insuffisance hépatocellulaire sévère, antécédents de saignement ou de perforation digestifs survenus sous AINS, insuffisance cardiaque sévère, insuffisance rénale sévère, grossesse).
 
En savoir plus : 
L'étude objet de cet article : 
Delivering safe and effective analgesia for management of renal colic in the emergency department: a double-blind, multigroup, randomised controlled trialPathan SAMitra BStraney LDAfzal MSAnjum SShukla DMorley KHilli SARumaihi KAThomas SHCameron PA, The Lancet, 15 Mars 2016
 
Actualisation de 2008 des recommandations de la Société francophone d'urgences médicales : 
Prise en charge des coliques néphrétiques de l'adulte dans les services d'accueil et d'urgences, actualisation 2008 de la 8e Conférence de consensus de la Société francophone d'urgences médicales de 1999, El Khebir M et coll., Progrès en urologie, mai 2009 
Sources

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