#Santé

Prévention des lombalgies : quelles mesures ont démontré leur efficacité ?

Les lombalgies sont des motifs fréquents de consultation en médecine générale et concerneraient environ 12 % de la population.
 
En raison des douleurs parfois suraiguës qu’elles provoquent et de leurs récidives fréquentes, ces douleurs du bas du dos sont souvent associées à une perte d’autonomie et un absentéisme professionnel.
 
Quels conseils et/ou mesures faut-il mettre en oeuvre pour diminuer les risques de récidive ? Cette prévention diminue-t-elle aussi le risque de prescriptions d’arrêts de travail ?  Afin d’en savoir plus, des chercheurs australiens et brésiliens ont passé en revue l’ensemble des publications scientifiques sur ce sujet.
 
Leur analyse des 23 études les plus rigoureusesparue dans le JAMA Internal Medicine le 11 janvier 2016, montre  que l’exercice physique, seul ou avec une "éducation" du patient, est associé à une meilleure prévention de la lombalgie qu’en l’absence d’intervention, au moins à court terme. Il peut donc être recommandé en prévention d’une crise lombalgique.
 
Pour les autres stratégies préventives testées – éducation sans exercice physique, port d’un lombostat, de semelles orthopédiques ou conseils ergonomiques -, le niveau de preuves est plus incertain ou insuffisant, selon les analyses des auteurs.

 
Pour accéder à une synthèse des recommandations françaises et internationales,
vous pouvez consulter en ligne les VIDAL Recos "
lombalgie aiguë" et "lombalgie chronique"
. 
Sophie Dumery 11 février 2016 Image d'une montre6 minutes icon 11 commentaires
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Les lombalgies sont les affections rhumatologiques les plus fréquentes (illustration).

Les lombalgies sont les affections rhumatologiques les plus fréquentes (illustration).


Environ 12 % de la population mondiale est touchée par les lombalgies
Le mal de dos est un sujet récurrent pour la presse, autant qu'un motif courant de consultation. Daniel Stephens, Chris Maher, Leani Pereira et coll., auteurs de l'étude publiée dans le JAMA, rappellent en introduction que la lombalgie touche environ 12 % de la population mondiale, selon une méta-analyse de 165 études menée dans 54 pays (Hoy D et coll., 2012).
 
Ces lombalgies augmentent, de plus, avec l'âge.

Des récidives très fréquentes
Les lombalgies récidivent très souvent - environ 50 % de récurrences douloureuses dans l'année suivant un épisode lombalgique, selon l'estimation des auteurs effectuée à partir de plusieurs études, dont cette revue du BMJ -, d'où l'importance d'une évaluation des stratégies préventives actuellement disponibles.
 
6 133 études répertoriées, 23 retenues, dont 21 études randomisées
Les auteurs ont choisi une méthode rigoureuse de tri des études en utilisant l'échelle PEDro pour l'évaluation méthodologique et le score GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development, and Evaluation system) pour l'évaluation des résultats.
 
Ils ont sélectionné des études incluant des patients asymptomatiques, ou faiblement symptomatiques et dont le mal de dos éventuel n'avait eu aucun retentissement professionnel.
 
Des 6 133 études répertoriées concernant la prévention du mal de dos, ils n'ont donc gardé que 23 publications correspondant à tous ces critères. Parmi ces 23 études, 21 étaient randomisées, avec au total 30 850 participants.
 
Evaluation de l'intérêt d'exercices physiques destinés à prévenir la lombalgie
Quatre études (898 participants) ont comparé l'intérêt éventuel d'exercices physiques spécifiques (étirements, renforcement et tonification de la ceinture abdominale et des muscles du dos, exercices visant à corriger de mauvaises postures, etc.) à l'absence d'exercice dans la prévention des récidives pendant 1 an.  
 
Les résultats montrent une diminution moyenne de 35 % (RR = 0,65 ; IC95 = 0,50 - 0,86) du risque de récidive de lombalgie dans les groupes "exercice physique", par rapport aux groupes ne pratiquant pas d'exercices physiques dédiés à cette prévention.  
 
Deux des études ont prolongé leur analyse au-delà d'1 an. Les résultats ne montrent pas d'intérêt significatif par rapport au groupe contrôle, mais l'effectif faible (334 participants) ne permet pas de conclure à une absence d'efficacité préventive.
 
Deux études ont également évalué l'influence de l'exercice sur le risque d'arrêts de travail. Les résultats montrent une  diminution de 78 % (RR = 0,22 ; IC95 = 0,06 – 0,76) dans les groupes "exercice physique", mais, là encore, malgré l'amplitude constatée de la réduction, les effectifs étaient trop faibles (128 participants) pour conclure.
 
Intérêt préventif de l'exercice physique couplé à une "éducation"
Quatre études à court terme ont été retenues (442 participants) et 2 à long terme (138 participants).

L'"éducation" des participants consistait à leur enseigner les positions les plus ergonomiques, les situations favorisant la survenue d'une lombalgie, ou encore les meilleures positions pour effectuer des exercices sans risquer une lombalgie.
 
A court terme (< 1 an), l'exercice physique couplé à l'éducation s'avère plus efficace que l'absence d'action préventive (groupe contrôle), avec une diminution de 45 % des récidives (RR = 0,55 ; IC95 = 0,41 - 0,74, niveau de preuve qualifié de "moyen").
 
A plus long terme, l'exercice physique et les conseils éducatifs sont associés à une diminution des récidives de 27 % (RR = 0,73 ; IC95 = 0,55 - 0,96), mais le faible effectif empêche de conclure (niveau de preuves qualifié de "faible").  
 
Concernant le risque d'arrêt de travail, les 3 études à court terme montrent une diminution de 26 % du risque (par rapport aux groupes contrôles), et les 2 études à long terme une baisse de 28 %. Mais là encore,  le niveau de preuve est faible dans les deux cas.
 
L'"éducation" seule est-elle efficace ?
Trois études à court terme (2 343 participants) montrent une absence d'intérêt préventif significatif par l'éducation thérapeutique seule, comparée à une absence d'éducation (RR =1,03).
 
De même, les 2 études à long terme, qui portaient sur 13 242 participants, montrent des résultats non significatifs (RR = 0,86 ; IC95 = 0,72 - 1,04).
 
L'éducation seule n'est pas non plus associée à une diminution significative du risque d'arrêts de travail.
 
Evaluation de l'intérêt du port préventif d'un lombostat ou d'une ceinture lombaire
Dans 2 études à court terme (329 participants), le port d'un lombostat ou d'une ceinture lombaire (appareillage ou ceinture se portant au niveau du bas du dos dans le but de "soutenir" le rachis lombaire) ne modifie ni le risque de récurrence des lombalgies ni les risques d'arrêts de travail pour ce motif par rapport aux groupes de participants ne portant pas de ceinture lombaire.

Mais ces deux études n'apportent pas de conclusion définitive, en raison d'un très faible niveau de preuves, estiment les auteurs.

A long terme, une seule étude a été retenue (8 472 participants) et ne montre pas d'efficacité préventive significative sur le risque de récidive (niveau de preuve moyen). Pas non plus de réduction significative du risque d'arrêts de travail retrouvée dans le groupe "lombostat" dans la seule étude retenue, mais le niveau de preuve est très faible, soulignent les auteurs.
 
Pas d'intérêt démontré des semelles orthopédiques dans les études disponibles
Dans les 4 études retenues (1 833 participants), le port de semelles n'a pas modifié siginificativement la survenue de lombalgies à court terme (RR = 1,01 ; IC95 =  0,74 - 1,40, niveau de preuve faible).
 
L'approche ergonomique n'est pas non plus reconnue comme préventive
Dans une étude de niveau de preuve moyen, un programme d'ajustement ergonomique (conseils sur les postures ergonomiques à adopter, l'aménagement du poste de travail, etc.) n'a pas été associé à une réduction des épisodes lombalgiques à court terme (OR à 1,23 ; IC95 = 0,97 - 1,57), ni à une réduction du risque d'arrêts de travail.

En synthèse
Cette méta-analyse suggère donc que l'exercice physique, associé ou non à une éducation adaptée, est associé à une diminution de 35 % du risque de survenue de lombalgies à 1 an, et à une diminution de 78 % du risque d'arrêts de travail.
 
Les niveaux de preuves, que les résultats soient positifs ou négatifs, sont relativement faibles, ce qui devrait nécessiter la réalisation d'autres études.
 
Pour améliorer l'efficacité, adapter les interventions préventives à l'avis et au profil des patients ?
Remarquons que d'autres approches, plus personnalisées, pourraient permettre d'augmenter les chances d'efficacité préventive de ces mesures.
 
Une étude française a par exemple été menée en médecine générale par Serge Perrot et coll. (2009) sur la récupération chez 1 982 patients après une lombalgie datant de moins d'un mois.

Cette étude montre que si patients et médecins étaient le plus souvent (60,3 %) d'accord sur le temps de guérison, 22,4 % des patients le prévoyaient plus long que le médecin. Par ailleurs, l'activité professionnelle, la prise d'antalgiques et un éventuel arrêt de travail antérieur étaient considérés comme prédictifs de chronicité en tant que facteurs indépendants par les médecins, mais ne l'étaient pas par les patients. En conséquence, les auteurs préconisaient de s'intéresser à l'avis des patients pour mieux prévenir la chronicisation de la douleur.
 
Le profilage des patients lombalgiques pour décider de la prise en charge est également soutenu par la publication australienne de Downie et coll. parue dans Pain en janvier 2016.

Cette étude ancillaire de l'étude PACE (paracétamol évalué dans la lombalgie) en médecine générale montre 5 profils évolutifs de patients (1 585 au total) dont les trajectoires douloureuses diffèrent.

Un groupe (35,8 %) récupère en 15 jours, un autre (34,3 %) récupère en 12 semaines, un troisième (14 %) s'améliore sans récupérer complètement en 12 semaines, un quatrième (10,5 %) s'améliore transitoirement puis la douleur revient avant 12 semaines, et le dernier (5,4 %) souffre intensément durant les 12 semaines de suivi de l'étude.

Les auteurs concluent à l'utilité de distinguer le profil évolutif douloureux de chaque patient - réévaluations régulières de la douleur - pour une prise en charge optimisée.
 
En savoir plus :
La revue et méta-analyse objet de cet article :
Prevention of LowBack Pain. A Systematic Review and Meta-analysis, Daniel Steffens, Chris G. Maher, Leani S. M. Pereira, Matthew L Stevens et coll., JAMA Internal Medicine, 11 janvier 2016
 
Autres études mentionnées dans cet article :
A systematic review of the global prevalence of low back pain, Hoy D et coll., Arthritis & Rheumatology, mai 2012
Acute low back pain: systematic review of its prognosis, Pengel LH, BMJ, août 2003
‘‘When will I recover?'' A national survey on patients' and physicians' expectations concerning the recovery time for acute back pain, Serge Perrot et coll., European Spine Journal, mars 2009
Trajectories of acute low back pain: a latent class growth analysis, Aron S Downie et coll., Pain, janvier 2016 
 
Sur VIDAL.fr : 
Vidal Reco "Lombalgie aiguë"
Vidal Reco "Lombalgie chronique"

Lombalgie : à court terme, le paracétamol n'est pas plus efficace qu'un placebo (avril 2015)


 
Sources

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Pete Il y a 7 ans 0 commentaire associé
Je souhaite compléter cet article pour soulever les bons résultats de la kinésithérapie prouvée par les patients. En général 2-4 mois sont minimum nécessaires 2 fois par semaine.
BETLSE Il y a 8 ans 0 commentaire associé
Trop souvent oubliés, les étirements (bien faits) ne sont pas dangereux. Très efficaces avant, après l'effort, assis au bureau, et le matin avant le lever. Voyez les chats !
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