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Enfants de moins de 6 ans à risques d'infections respiratoires basses sévères : un macrolide en préventif ?

Les infections respiratoires basses sévères des enfants en âge préscolaire (bronchites, pneumonies) sont plus fréquentes chez les enfants présentant des épisodes récurrents de "wheezing" (épisodes d'essoufflement avec respiration sifflante).
 
Chez ces enfants à risques, les médecins ont tendance à prescrire un antibiotique, le plus souvent un macrolide, dès les premiers symptômes d'une infection virale (rhume par exemple). Est-ce que cette prescription préventive contre une possible complication bactérienne est utile ? Par ailleurs, a-t-elle un impact sur la résistance bactérienne ?
 
Pour en savoir plus, Leonard Bacharier et ses collaborateurs ont évalué, en double aveugle contre placebo, l’effet d’une prescription précoce d’azythromycine sur la fréquence et la sévérité des infections respiratoires basses chez 607 enfants âgés de 12 à 71 mois.
 
Les résultats de cette étude, publiés dans le JAMA du 17 novembre 2015, montrent une diminution significative de la fréquence et de la sévérité des infections respiratoires basses chez les enfants traités. Par contre, d’autres critères d’évaluation ne diffèrent pas entre les groupes "azithromycine" et "placebo".
 
 
L’acquisition de résistances bactériennes à l’azithromycine n’est pas très différente entre les deux groupes et les effets indésirables sont restés mineurs et rares.
 
Les auteurs considèrent que le bénéfice net de la prescription antibiotique courte chez des enfants coutumiers d’épisodes respiratoires à risque d’aggravation bronchique mérite des évéluations supplémentaires avant d’éventuellement affiner les recommandations thérapeutiques.
Sophie Dumery 15 décembre 2015 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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L'azithromycine, comme de nombreux antibiotiques, existe en suspension buvable pour faciliter l'administration chez les plus petits (illustration).

L'azithromycine, comme de nombreux antibiotiques, existe en suspension buvable pour faciliter l'administration chez les plus petits (illustration).

 
Les infections respiratoires aigues sévères plus fréquentes chez les enfants "sifflants", puis asthmatiques
D'après les données épidémiologiques américaines sur l'asthme recueillies de 2001 à 2010, de 14 à 26 % des enfants de moins de 6 ans font des épisodes récurrents de "wheezing" (épisodes d'essoufflement avec respiration sifflante).
 
Beaucoup de ces enfants seront ensuite diagnostiqués asthmatiques et subiront des complications aiguës respiratoires : plus d'1 sur 5 (20,9 %) se rend aux urgences au moins une fois par an, et 6,5 % sont hospitalisés au moins une fois par an.
 
Les causes de ces exacerbations aiguës sont encore mal connues, mais des agents infectieux favorisants ont été identifiés chez des enfants asthmatiques
Kirsten Kloepfer et ses collaborateurs américains ont mené une étude, parue en 2014, auprès de 308 enfants de 4 à 12 ans (asthmatiques et non asthmatiques), afin de déterminer l'éventuelle influence d'une présence bactérienne sur la survenue de décompensations aiguës basses d'infections virales (infections respiratoires basses : bronchites, pneumonies).
 
Ils ont constaté qu'en cas de rhinopharyngite banale ( "rhume" à rhinovirus), la présence des bactéries  Streptoccoccus pneumoniae ou Moraxella catarrhalis est associée à un risque augmenté d'infections respiratoires basses et d'exacerbation de l'asthme.
 
D'où l'hypothèse qu'un traitement précoce par macrolide ciblant ces germes pourrait réduire l'incidence des complications basses, en particulier chez les enfants présentant des rhumes et "wheezing" récurrents.
 
Une étude randomisée auprès d'enfants d'1 à 6 ans souffrant d'épisodes sifflants récurrents et présentant des facteurs de risques d'asthme
Afin de tester cette hypothèse, Léonard Bacharier et coll. ont donc mené un essai clinique randomisé avec des enfants de 12 à 71 mois dans 9 centres de référence du réseau Asthmanet américain. Tous avaient déjà présentés des épisodes respiratoires sifflants récurrents et des infections respiratoires basses aiguës motivant des interventions vigoureuses (corticoïdes, consultation urgente, hospitalisation), mais sans nécessiter le passage à un traitement anti-asthmatique permanent.
 
Un indice asthmatique prédictif (IAP) a été établi positif s'il y avait eu au moins 4 épisodes bronchiques sifflants dans l'année passée et un ou plusieurs facteurs de risques (dermatite atopique, sensibilisation à au moins un pneumallergène, hyper éosinophilie, allergie au lait, Å“uf, cacahuète, antécédents familiaux d'ashtme).
 
Un groupe sous macrolide pendant 5 jours, un autre sous placebo
Les parents des 607 enfants répondant à ces critères ont reçu un plan individuel de soins à mettre en Å“uvre en cas de survenue d'une infection du type de celles ayant déjà déclenché une infection basse (rhume, rhino-pharingite).
 
Ces plans de soins ont été randomisés afin que les enfants reçoivent soit un macrolide (azithromycine à12 mg/kg/j) pendant 5 jours, soit un placebo.
 
A noter que du salbutamol (spray) a été prescrit systématiquement en cas d'insomnie liée aux symptômes, et chaque fois que justifié par les troubles respiratoires.
 
Des infections respiratoires basses moins fréquentes et moins sévères pour les enfants traités précocement par macrolide
Les auteurs ont constaté une diminution de 36 % des infections respiratoires basses dans le groupe traité par macrolides (HR = 0,64 ; IC95 0,41-0,98 ; p = 0,04) par rapport au group placebo, après ajustement sur l'âge, les sites de suivi, etc.
 
Le risque d'évolution vers une forme sévère est davantage diminué sous azithromycine au bout de plusieurs épisodes d'infection respiratoire haute banale : au bout de 4 épisodes, 40 % des enfants sous placebo ont présenté une complication basse, contre seulement 24 % des enfants sous azithromycine.
 
En conséquence, le nombre d'infections respiratoires à traiter (NIT) pour prévenir un épisode sévère dans la population ciblée décroît avec chaque épisode supplémentaire traité : NIT à 33 pour un seul épisode traité, puis 14 pour deux infections traitées et 7 pour trois infections traitées. Les variations des délais d'instauration du traitement antibiotique n'ont pas influé sur ces résultats.
 
Par ailleurs, le traitement par azithromycine a significativement diminué la sévérité des infections respiratoires basses par rapport au placebo.
 
Pas d'influence sur les infections respiratoires hautes, sur le délai de récurrence ou encore sur la consommation de salbutamol
Les auteurs ont étudié d'autres critères et ont constaté que la prise d'azithromycine n'avait pas influé sur la sévérité et la durée des infections respiratoires hautes non compliquées (limitées à la sphère ORL).
 
La mise sous macrolide n'a pas diminué non plus le recours aux urgences, ni les hospitalisations. La consommation totale de salbutamol durant les épisodes respiratoires hauts et bas n'a pas non significativement baissé sous azythromycine.
 
Le nombre total d'épisodes respiratoires et leur délai de récurrence est le même avec ou sans macrolides, malgré l'existence d'arguments in vitro en faveur d'un effet inhibiteur de l'azythromycine sur la réplication virale et d'un effet promoteur de l'expression du gène de l'interféron (Gielen et coll., 2010).
 
Aucune modification de ces résultats n'est notée dans l'analyse en sous-groupes : âge et sexe, type viral ou indice prédictif d'asthme ultérieur (API) en particulier.
 
La tolérance a été bonne : seuls 3 enfants du groupe macrolide et 1 du groupe placebo ont déclaré des troubles digestifs mineurs, sans incidence sur la poursuite de leur traitement.
 
Quel impact de l'azithromycine en préventif sur la résistance bactérienne ?
Pour évaluer ce possible impact, les auteurs ont fait procéder à la réalisation de prélèvements oro-pharyngés dans un des centres, sur 86 enfants traités par macrolide ou placebo, 14 jours après la dernière prise du dernier traitement.
 
Des souches bactériennes résistantes à l'azithromycine ont été identifiées au début de l'étude, chez 5 des 41 enfants traités par azithromycine (12,2 %) et chez 4 des 45 enfants sous placebo (8,9 %). En cours d'étude, davantage d'enfants sous macrolide ont acquis des souches résistantes (6 sur 36 contre 4 sur 37). A la fin de l'étude, 8 enfants sous macrolide sur 40 (20 %) en présentaient, contre 7sur 41 sous placebo (17 %). Le Staphycoccus aureus était le germe résistant à l'azithromycine le plus fréquemment isolé.
 
Cet effectif est bien sûr insuffisant pour affirmer l'acquisition ciblée de résistances sous azithromycine, d'autant plus qu'elle se produit aussi dans le groupe placebo. Par ailleurs, il faut se rappeler qu'en vie réelle les prescriptions sont moins souvent suivies jusqu'à leur terme qu'au cours d'une telle étude. Une exploration avec un effectif d'enfants plus large est donc nécessaire pour conclure.
 
A noter que les auteurs ont également fait procéder à des prélèvements nasaux pour identifier le virus en cause dans les infections initiales, hautes. Il s'agissait la plupart du temps de rhinovirus (pas de différence entre les 2 groupes, quelle que soit la sévérité).
 
En conclusion : une stratégie préventive possible, à confirmer et à confronter à d'autres possibilités
Faut-il inclure une telle stratégie dans les recommandations ? Les auteurs remarquent en tout cas que si les antibiotiques ne sont pas recommandés lors d'épisodes respiratoires viraux chez les patients asthmatiques ou "sifflants", leur usage est en pratique très répandu, en particulier avec des macrolides.
 
Les auteurs concluent leur travail en soulignant qu'il faudrait davantage étayer l'intérêt d'un tel traitement préventif, par exemple avec un effectif plus important, ou encore en effectuant une comparaison entre les effets d'un macrolide préventif et un traitement quotidien préventif par corticoïdes inhalés.
 
En savoir plus :
L'étude objet de cet article :
Early Administration of Azithromycin and Prevention of Severe Lower Respiratory Tract Illnesses in Preschool Children With a History of Such Illnesses- A Randomized Clinical Trial, Leonard B. Bacharier, Theresa W. Guilbert, David T. Mauger et al., JAMA, 17 novembre 2015
 
Autres études citées :
National surveillance of asthma: United States, 2001-2010, Moorman JE, Akinbami LJ, Bailey CM, et coll., Vital and Health Statistiques, novembre 2012
Detection of pathogenic bacteria during rhinovirus infection is associated with increased respiratory symptoms and asthma exacerbations, Kloepfer KM et coll.,  The Journal of allergy and clinical immunology, avril 2014
Azithromycin induces antiviral responses in bronchial epithelial cells, Gielen V, Johnston SL, EdwardsMR, European Respiratory Journal, septembre 2010

Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "Rhinopharyngite aiguë de l'enfant"
Sources

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