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Anxiété et douleurs périopératoires : intérêt confirmé de la musique

Publiée dans The Lancet, une analyse croisée de 73 études randomisées confirme l’intérêt de la musique en périopératoire pour diminuer la douleur, l’anxiété et l’usage d’antalgiques.

Ces effets positifs sont observés quelque soit le choix musical, la durée ou le mode d’écoute, avec une possible meilleure efficacité lorsque la musique est écoutée avant l'intervention chirurgicale.

Des effets similaires ont été observés chez les patients exposés à de la musique au cours d’une anesthésie générale.
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La musique améliorerait le vécu des interventions chirurgicales, en diminuant notamment les douleurs et l'anxiété (illustration).

La musique améliorerait le vécu des interventions chirurgicales, en diminuant notamment les douleurs et l'anxiété (illustration).


Les bienfaits périopératoires de la musique, une idée proposée dès 1914
L'idée que la musique puisse améliorer le ressenti des personnes subissant une intervention chirurgicale a été proposée dès 1914 par Evan Kane dans un article du JAMA intitulé "The phonograph in the operating room".

Depuis, plus de 4 000 publications ont porté sur le sujet. Parmi celles-ci, 73 études randomisées ont été jugées dignes de méta-analyse par une équipe de la London School of Medicine and Dentistry et du Barts Health NHS Trust au Royaume-Uni. Ces études portaient sur l'écoute de musique avant, pendant et après une intervention chirurgicale, et non pas sur les interventions de musicothérapie, une pratique cognitive active.
 
Une méta-analyse d'études très hétérogènes
Parmi les 73 études retenues pour cette méta-analyse par Hole J et coll., de nombreux cas de figure étaient explorés : interventions chirurgicales plus ou moins lourdes (de la coloscopie à la transplantation d'organe), modes d'administration de la musique différents (musique d'ambiance, oreiller musical, casque ou écouteurs), volume ou nature de la musique écoutée, taille de l'échantillon (de 20 à 458 patients adultes), paramètres évalués (douleur, anxiété, durée de séjour, usage d'antalgiques, etc.) et éléments de comparaison (prise en charge standard, écouteurs sans musique, bruit blanc, massages, relaxation, etc.).

Utilisation d'une unité de mesure standardisée des effets de la musique sur le vécu périopératoire
Afin de pouvoir comparer tous ces critères et méthodologies, les auteurs ont exprimé l'ampleur des effets constatés au moyen de la différence moyenne standardisée, ou DMS (en anglais : SMD, pour "standardised mean differences"). 

"Par consensus, l'ampleur de l'effet peut être tenue pour faible (0,2 à < 0,3), modérée (0,3 à < 0,8) ou importante (> 0,8)", précise la revue Minerva pour expliquer l'interprétation de cette unité de mesure. 

Des effets robustes sur la douleur, l'anxiété, la consommation d'antalgiques et... la satisfaction des patients
La méta-analyse de Hole J et coll. met clairement en relief des bénéfices statistiquement significatifs de la musique périopératoire sur :
- les douleurs post-opératoires : diminution moyenne de 0,77 SMD (IC95% de 0,99 à 0,56) du score sur des échelles validées, 45 études analysées ;
- l'anxiété pré et postopératoire : diminution moyenne de 0,68 SMD (–0,95 à 0,41] sur un score recalculé pour la méta-analyse, 43 études analysées :
- la consommation d'antalgiques : baisse moyenne de 0,37 SMD  (–0,54 à 0,20) sur 34 études analysées ;
- la satisfaction des patients est également améliorée, en moyenne (données très hétérogènes), de manière importante (+ 1,09 SMD [0,51 à 1,68]).

Voici l'ensemble des résultats de cette méta-analyse exprimés en SMD et colligés en un tableau récapitulatif (en anglais) :



Des effets positifs plus importants en préopératoire ?
Comme le suggèrent plusieurs résultats sur le tableau ci-dessus, il semble que les effets de la musique soient plus importants à la fois sur la douleur, l'anxiété et la consommation d'antalgiques lorsque celle-ci est écoutée en phase préopératoire, plutôt que pendant ou après l'intervention (différence non significative mais suggérée par les résultats).
 

Par contre, aucun effet positif significatif n'a été observé sur la durée de séjour après l'intervention et aucun effet indésirable n'a été signalé dans les études prises en compte ("Length of stay" sur le tableau ci-dessus).
 
Des effets positifs liés à la relaxation et à un effet "distraction" ? 
Pour tenter d'expliquer les voies par lesquelles la musique pourrait améliorer la qualité de vie des patients autour d'une intervention chirurgicale, les auteurs de cette méta-analyse rappellent qu'un corpus d'études neuropsychologiques existe. Ce corpus émet l'hypothèse que ces effets soient liés à la fois à la relaxation (ralentissement des rythmes cardiaque et respiratoire, diminution de la pression sanguine, voir Am J Crit. Care, 1999) et à la sollicitation des capacités cognitives qui sont capables de diminuer la sensibilité à la douleur (l'effet "distraction").

Les auteurs signalent également plusieurs études effectuées sur des patients sous anesthésie générale qui montrent que les effets positifs de la musique persistent même dans ce contexte, quoiqu'à un degré moindre. Ils rapprochent cette observation des études qui ont montré que, malgré une anesthésie générale, la conscience per-opérative n'est pas exceptionnelle et engendre du stress pendant la période de convalescence (par exemple, Br J Anæsth 2013).
 
Une analyse qui suggère une prise en charge originale et peu coûteuse
Jenny Hole et ses collègues concluent en suggérant que faire systématiquement écouter de la musique aux patients autour d'une intervention chirurgicale permettrait, pour un coût nul ou réduit, d'améliorer le ressenti de leur convalescence.

Ils s'interrogent sur la généralisation de ces résultats à d'autres modalités de relaxation et "distraction: radio, vidéos, livres. À leur connaissance, seuls les jeux vidéo ont montré une efficacité pour réduire la douleur (dans un contexte expérimental de douleur provoquée).

Néanmoins, les auteurs rappellent qu'il est important que la musique ne gêne pas la communication avec l'équipe soignante, ou entre soignants dans le contexte d'une intervention chirurgicale.
 
En savoir plus : 
L'étude du Lancet

Music as an aid for postoperative recovery in adults: a systematic review and meta-analysis, Hole J, Hirsch M, Ball E, Meads C., The Lancet, octobre 2015
 
Autres études citées par les auteurs et mentionnées dans cet article : 
Effects of relaxing music on cardiac autonomic balance and anxiety after acute myocardial infarction.White JM., American journal of critical care, juillet 1999
The incidence of intraoperative awareness in the UK: under the rate or under the radar?Avidan MS, Mashour GA.,  Anaesthesia, avril 2013

Autre contenu cité : 
Comment interpréter une différence moyenne standardisée (DMS) ?, Minerva 2014; Volume 13; Numéro 4; Page 51 - 51
Sources

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