
Médecine des voyages
Plusieurs essais de vaccins et de traitements ont débuté dans les pays d'Afrique de l'Ouest touchés par l'épidémie de maladie à virus Ebola (MVE) afin d'en finir avec un épisode d'une ampleur sans précédent, qui a fait à ce jour plus de 23 000 cas et près de 10 000 morts. Cependant, ces essais se révèlent difficiles à mener et peu probants. Le brincidofovir, molécule active contre les virus à ADN (cytomégalovirus, adénovirus, poxvirus) produite par le laboratoire américain Chimerix, s'est révélé également actif, de façon inattendue, contre le virus Ebola, un virus à ARN. En raison de la très forte attente en médicaments efficaces contre l'infection, un essai clinique a commencé au Liberia début janvier 2015. Cet essai a été interrompu par le fabricant le 30 janvier. La raison invoquée est la diminution du nombre de cas de MVE, qui ne permet pas de réunir un nombre suffisant d'observations pour mener l'étude à son terme.
Le favipiravir (T-705, Avigan©), une molécule mise au point contre le virus de la grippe produite par la société japonaise Toyama Chemical, s'est montré également actif contre le virus Ebola chez l'animal. Il est testé en Guinée depuis le 23 décembre 2014 dans un essai coordonné par l'Inserm, et des résultats ont été récemment communiqués et commentés par l'un des investigateurs lors d'une conférence. Le traitement serait associé à une amélioration du pronostic vital chez les patients pris en charge précocement, présentant des virémies modérées ou fortes, et sans signes d'atteinte viscérale sévère. Chez ces patients, la mortalité diminuerait de moitié : de 30 % chez des patients comparables observés avant l'essai, elle est passée à 15 % sous traitement. Par contre, sur les 29 patients traités alors qu'ils présentaient une virémie très élevée et des signes d'atteinte viscérale grave, 27 sont décédés, soit plus que la proportion historiquement observée dans un groupe comparable.
Pour l'investigateur lui-même, l'amélioration constatée pour le premier groupe est encourageante, mais il reste à déterminer si elle est due au médicament ou à une meilleure prise en charge globale des patients entrés dans le protocole expérimental. Par ailleurs, de nombreuses critiques, pas toujours désintéressées peut-être, se sont élevées contre cette expérimentation, sa conception, sa conduite et les interprétations qui en ont été faites. Pour S. Hamer, épidémiologiste de l'université de Columbia qui présidait le meeting où les résultats ont été présentés, "l'étude ne nous apprend rien".
Quoi qu'il en soit, il est trop tôt encore semble t-il pour espérer disposer rapidement d'un traitement spécifique permettant de guérir les malades infectés par le virus Ebola et d'enrayer l'épidémie. Dans ce contexte, identique à celui qui prévalait au début de l'épidémie, les CDC américains ont mis en oeuvre une stratégie d'isolement et de traitement rapide des cas d'Ebola (RITE : Rapid Isolation and Treatment of Ebola) qui se révèle efficace au Liberia et qui doit à présent être étendue à la Guinée et à la Sierra Leone. Elle repose sur des équipes d'investigation et de soins capables de se déplacer rapidement en tous lieux dès qu'un cas suspect est signalé, d'effectuer un diagnostic (le cas échéant en adressant un échantillon à un laboratoire distant) et d'assurer la prise en charge des patients dans des structures existantes ou spécialement aménagées. Cette stratégie permet d'identifier au plus vite les sujets porteurs de virus et les cas contacts et de leur venir en aide. On sait en effet que la prise en charge précoce des cas en milieu médicalisé, même en l'absence de médicament anti-Ebola, améliore significativement le pronostic de l'infection.
Finalement, c'est par le retour aux principes fondamentaux de la lutte contre les maladies contagieuses, avec les solutions connues que nous avons déjà évoquées (nouvelle du 16 octobre 2014), qu'on va peut-être parvenir à mettre fin à l'épidémie. Il faudra cependant se préparer pour la prochaine, et ne pas interrompre les efforts de recherche et d'amélioration des systèmes de santé que tout les observateurs et responsables, inquiétés par la dimension prise par l'événement, s'accordent enfin à considérer comme nécessaires.
Source : ProMED, 27 février 2015.
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