#Santé

Prise en charge de l’anorexie mentale : "les maître-mots sont l’alliance et la confiance"

La prise en charge de l'anorexie mentale peut durer de quelques mois à une dizaine d'années. "L’essentiel dans cette pathologie, c’est de tenir bon", nous explique le Dr Corinne Blanchet-Collet, endocrinologue et praticien hospitalier à La Maison de Solenn.

Cette spécialiste de la prise en charge de cette pathologie décrit les défis à relever, les spécificités de la prise en charge des patients d'origine étrangère ou encore les possibilités offertes par les maisons des adolescents, en particulier la Maison de Solenn. 


Retrouvez sur cette page de Vidal.fr les 7 vidéos issues de notre entretien avec le Dr Corinne Blanchet-Collet.
15 janvier 2015 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Patience, confiance, alliance, souplesse et transdisciplinarité semblent être les éléments clefs d'une prise en charge efficace de l'anorexie mentale (illustration).

Patience, confiance, alliance, souplesse et transdisciplinarité semblent être les éléments clefs d'une prise en charge efficace de l'anorexie mentale (illustration).


VIDAL : Quels sont les principes de la prise en charge de l'anorexie ?
Corinne Blanchet-Collet : Les présentations cliniques peuvent être très différentes d'un patient à l'autre. Si vous ne prenez pas en compte les spécificités de l'anorexie dans sa diversité et que vous appliquez une prise en charge qui est stéréotypée et protocolisée, non seulement vous ne répondez pas aux besoins de l'adolescent et de sa famille, mais vous risquez en plus de ne pas être très efficace.
 

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 Aujourd'hui, la prise en charge de l'anorexie doit être transdisciplinaire, individuelle, familiale et doit venir s'articuler avec l'environnement du patient. Puis nous allons l'accompagner sur une trajectoire de soins qui va durer quelques mois ou quelques années, puisque lorsque nous prenons en charge initialement un patient anorexique, nous pouvons le pressentir, mais nous n'avons pas forcément l'idée de la durée qui va être nécessaire pour cette prise en charge thérapeutique. Dans la réalité, c'est de quelques mois à plusieurs années.
 
VIDAL : Quel est le facteur principal de la réussite d'une prise en charge spécialisée ?
Corinne Blanchet-Collet : Les maître-mots sont l'alliance et la confiance. Je dis souvent aux ados et à leur famille que cela va nous prendre du temps et plusieurs consultations uniquement pour qu'ils m'accordent leur confiance : ce n'est pas parce que l'on est médecin spécialiste de la question ou autre que la confiance vient de façon évidente. La confiance se mérite… D'autant plus que lorsque nous commençons à parler d'hospitalisation de longue durée, de soins prolongés, il faut absolument qu'il y ait une confiance absolue pour que les parents acceptent de nous confier leur adolescent. Tant que les ados sentent que leurs parents sont réticents, car ne sont pas en confiance ou se sentent coupables, l'adolescent n'investit pas les soins, ou le fait de façon très partielle.
 
VIDAL : La normalisation du poids est-elle le signe de la guérison ?
Corinne Blanchet-Collet : Ce n'est pas parce que le patient normalise son poids que la partie est gagnée … Nous, en tant que médecins somaticiens, médecins de l'adolescence, médecins généralistes, nous devons accompagner, être garants du cadre de soins, de la trajectoire de soins et du projet thérapeutique. Normalisation du poids ne signifie pas systématiquement guérison : "ton trouble anorexique va mieux, ton poids s'est normalisé, tu as retrouvé tes règles par contre, moi j'ai quand même l'impression que sur le plan psychique tu restes en souffrance. Il reste tels et tels éléments et je te conseille vraiment d'aller voir un spécialiste". Il peut donc être nécessaire de donner des coordonnées et d'adresser ce patient à un spécialiste, même si le symptôme anorexique est en train de se résoudre.
 
VIDAL : Quelles sont les qualités nécessaires pour bien soigner les adolescents anorexiques ?
Corinne Blanchet-Collet : L'essentiel dans cette pathologie, c'est de tenir bon. C'est vraiment une caractéristique et une qualité nécessaires, pour les professionnels comme pour l'ado. Parce qu'évidemment, sur 5 ou 10 ans de suivi, les moments de découragement, d'épuisement et idées d'incurabilité peuvent survenir. Il est quand même compliqué lorsque l'on accompagne une ado et des parents pendant des années, de continuer à les persuader, les convaincre que "oui, cela fait 10 ans, mais regardez tout ce qui a progressé durant ce temps", même si elle a toujours 15 d'IMC et toujours pas ses règles… Peu importe, chaque individu a sa temporalité propre en termes de développement personnel comme de développement pubertaire adolescent, et c'est la même chose en termes de guérison de l'anorexie mentale.
 
Même s'ils n'ont pas forcément tort, les parents ont souvent l'impression que si l'on intervient rapidement, si l'on hospitalise tout de suite un adolescent anorexique dès la perte des premiers kilos, nous allons le soigner, le guérir rapidement. Sauf que ce n'est pas du tout ainsi que cela se passe : il faut respecter la temporalité du patient et du symptôme anorexique, savoir être patient. Chez certains, cela sera réglé en 1 an, chez d'autres il faudra 10 ou 15 ans mais c'est peut-être à ce prix là, et parce que l'on aura tenu bon, que l'on permettra à un ado que l'on a rencontré à l'âge de 12 ans, d'être à 20 ou 25 ans un individu adulte qui va bien et qui peut mener sa vie de la façon la plus libre et la plus autonome possible.
 
VIDAL : La prise en charge des anorexiques d'origine étrangère nécessite-t-elle des adaptations ?
Corinne Blanchet-Collet : Nous rencontrons plusieurs difficultés : déjà, l'anorexie n'est pas forcément comprise ou connue de l'environnement familial, il va donc falloir trouver les mots pour expliquer et amener les parents et l'adolescent aux soins. De plus, dans sa présentation, la peur de grossir, les troubles de l'image du corps peuvent être variables en fonction des populations : par exemple, nous allons parfois avoir, chez des patientes de culture africaine, des expressions symptomatiques qui peuvent être pris pour des formes délirantes d'anorexie mentale alors que de fait, ce ne sont que des expressions culturelles de leurs symptômes.
 
L'anorexie mentale survient aussi dans ces populations, il faut en connaître les spécificités comme pour celle du garçon. Ce sont des anorexies qui surviennent sur d'autres types de populations que l'anorexie classique de la jeune fille caucasienne et qui nécessitent d'ajouter aux soins habituels la dimension transculturelle, afin de permettre à l'adolescent non seulement de s'investir dans les soins mais surtout, ce qui est très important, de permettre aux parents d'investir les soins. Si nous ne parvenons pas, par une approche transculturelle,  à autoriser ces parents à entrer dans les soins, nous passons à côté de l'adolescent et de son symptôme.
 
VIDAL : Quelle est la place des maisons des adolescents  dans la prise en charge de l'anorexie ?
Corinne Blanchet-Collet : Depuis une dizaine d'années, les maisons des adolescents se sont développées sur le territoire. La Maison de Solenn a été une des premières maisons pour adolescents. Les missions sont diverses, mais la mission initiale était d'accueillir l'adolescent, son mal-être individuel, d'accueillir ses pathologies et les pathologies inhérentes à l'adolescence et d'accueillir les familles qui se sentent souvent extrêmement démunies, que ce soit face à un dysfonctionnement transitoire de l'adolescent ou face à des pathologies plus sévères.

Ces maisons ont aussi pour mission d'accueillir tous les professionnels, de fédérer une réflexion et une présence autour de ces adolescents et de leurs familles, pour qu'ils puissent se construire de façon assez homogène dans les différentes régions de France.
 
VIDAL : Quelles sont les particularités de la Maison de Solenn ?
Corinne Blanchet-Collet : Cette structure a été ouverte en décembre 2004. Nous fêterons dans quelques jours les 10 ans de la Maison de Solenn, qui a la particularité d'être aussi un service hospitalo-universitaire. C'est-à-dire que c'est une maison des adolescents comme toutes les autres, qui répond à un certain nombre de missions, de prévention, d'éducation, de sanitaire etc. Mais elle a aussi la chance, grâce à la qualité de la structure et de l'outil, de pouvoir fonctionner comme un service hospitalier et donc d'offrir du soin. Nous avons donc vocation à accueillir l'adolescent, à l'évaluer, à l'orienter mais nous pouvons aussi venir lui proposer du soin dans toutes ses dimensions, ainsi que de l'accompagnement sur le plan éducatif, social et juridique.
 
VIDAL : De quels outils de soins disposez-vous dans la Maison de Solenn ?
Corinne Blanchet-Collet : Ce sont des outils appelés transdisciplinaires, c'est-à-dire que la particularité de la Maison de Solenn c'est la mixité, c'est vraiment un terme qui aujourd'hui résonne dans cette structure. La mixité des professionnels qui interviennent auprès des adolescents, la mixité des pathologies qui peuvent être psychiques, pédiatriques, autour des conduites alimentaires, des maladies de la nutrition etc. Et aussi une mixité en termes d'environnement et de travail en réseau. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la Maison de Solenn vient fédérer les professionnels, qu'ils soient hospitaliers, extra-hospitaliers, libéraux et nous sommes là aussi pour permettre aux professionnels de travailler en réseau, de venir trouver ici des ressources pour aborder l'adolescence et ses problématiques.

Ces professionnels viennent nous rencontrer et nous, nous avons également l'occasion d'essayer de diffuser, de transmettre, d'enseigner, de former des professionnels médicaux ou non sur les pathologies spécifiques à l'adolescence et en particulier les troubles des conduites alimentaires.
 
Propos recueillis le 5 novembre à la Maison de Solenn (Paris).
 
En savoir plus :
Le site de la Maison de Solenn
 
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco Troubles des conduites alimentaires
 
Sur EurekaSanté.fr (site grand public de Vidal) :
Anorexie et boulimie
Sources

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