
Les difficultés sociales et d'accès aux soins compromettent la santé des citoyens les plus défavorisés
VIDAL : A quel point les inégalités sociales de santé pèsent-elles sur notre système ?
Dr Claude Leicher : C'est un vrai sujet. La France est le pays d'Europe où elles sont les plus importantes, avec une différence d'espérance de vie de 7 ans entre un ouvrier et un cadre. Mais surtout c'est un pays où elles vont en s'accroissant, en augmentant. Donc évidemment nous, nous ne pouvons pas rester comme cela, les bras ballants, sans rien y faire.
Lorsqu'il y a des inégalités sociales de santé, cela se traduit par des cancers, des diabètes et des décès prématurés. Evidemment cela nous concerne, nous les généralistes traitants, au premier chef. Nous avons fait en 2013 un colloque sur les inégalités sociales de santé, nous aimerions bien que les propositions que nous avons avancées soient reprises, soient discutées, non seulement avec le gouvernement, mais aussi avec l'Assurance maladie.
VIDAL : La généralisation du tiers payant, promise par le gouvernement pour 2017, peut-elle réduire les inégalités ?
Dr Claude Leicher : Si le gouvernement veut une généralisation du tiers payant, nous, MG France, nous ne voulons pas que ce soit une généralisation du tiers payant tel qu'il est pratiqué aujourd'hui. C'est un vrai bazar pour les médecins généralistes, qui n'ont pas de secrétariat pour s'en occuper. Alors que les radiologues, les gastro-entérologues font énormément de tiers payant (plus de 70 % de tiers payant chez les radiologues) car ils ont les moyens de payer une secrétaire qui va s'en occuper. Nous, ce n'est pas possible.
Donc nous ne le ferons pas si nous n'avons pas un système simple, avec un flux unique et une garantie de rémunération. A partir du moment où nous aurions cela… Que le patient me fasse un chèque ou que j'ai la garantie qu'avec la Carte Vitale, l'Assurance Maladie me paiera, personnellement cela m'est égal. Ce n'est pas une question d'idéologie. Si en plus, cela permet à des gens, qui hésitent à venir me voir, de me consulter plus facilement au lieu d'aller courir aux urgences quelques jours plus tard parce que la situation s'est dégradée, je trouverais cela plus intelligent.
VIDAL : Que faire pour désengorger les urgences, où vont de plus en plus les personnes défavorisées ?
Dr Claude Leicher : Nous avons besoin d'une régulation de l'accès aux urgences. On ne peut pas continuer à avoir 18 millions de patients qui vont aux urgences, dont 80 % y vont pour rien, et d'un autre côté avoir des maisons médicales de garde de moins en moins utilisées, avec pàarfois des réquisitions des médecins libéraux. Si on n'a pas besoin de nous, dans ce cas là nous arrêtons complètement de faire des gardes.
Si vous mettez une maison médicale de garde et à côté, vous mettez un service d'urgence, évidemment les gens vont aller plutôt aux urgences, parce que d'un côté il faut faire un chèque, de l'autre c'est l'Assurance Maladie qui fait du tiers payant. Donc là aussi je pense qu'il faut mettre à égalité le secteur ambulatoire libéral avec le secteur hospitalier public. Si nous faisons du tiers payant sur les uns, et qu'ils ont les moyens de le gérer, nous nous voulons du tiers payant beaucoup plus simple à gérer qu'aujourd'hui. Sinon, nous fermerons bientôt les maisons médicales de garde.
VIDAL : Faut-il supprimer les franchises médicales sur les médicaments ?
Dr Claude Leicher : Les franchises, tout le monde pensait qu'un gouvernement de gauche allait faire quelque chose, il ne se passe rien. Cela représente 1,2 milliard d'euros à la charge des patients qui sont malades. C'est une augmentation "déguisée" des cotisations sociales, mais qui ne pèse que sur les gens malades, ce qui n'est quand même pas le principe de l'Assurance Maladie qui mutualise le risque et qui fait que l'on paye, normalement, selon ses revenus et que l'on reçoit selon ses besoins.
Donc [les inégalités sociales de santé] sont un vrai sujet qui, pour l'instant, n'est pas pris à bras le corps par le gouvernement actuel. Du côté de MG France, et d'autres syndicats, nous le regrettons.
Propos recueillis le 23 janvier 2014 par Jean-Philippe Rivière au siège de MG France
* Le Dr Claude Leicher déclare n'avoir ni lien ni conflit d'intérêt
Sources
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