
Les médecins généralistes sont les plus touchés par l’insécurité. En tout, 798 incidents ont été déclarés en 2012.
VIDAL : Est-ce que vous avez déjà été confronté à la violence dans votre cabinet ?
Dr Claude Leicher : Je fais partie des médecins qui ont été cambriolés dans leur cabinet. Je fais également partie des médecins qui se sont retrouvés face à des patients un peu énervés et un peu dangereux. Donc je vis cette violence dans mon quotidien.
Quand par exemple je dis que j'aimerais mieux ne pas avoir trop d'argent dans ma caisse… Je suis content de ne pas avoir trop d'argent dans ma caisse, parce que lorsque mon cabinet a été cambriolé, il n'a pas été cassé, seule ma caisse a été vidée. Donc on a besoin d'être mis en sécurité et de ne pas avoir d'argent en liquide sur nous. Parce qu'aujourd'hui, les cambrioleurs ne peuvent plus attaquer les banques. Les bijoutiers cela devient difficile, ils se protègent donc il faut des moyens lourds pour les attaquer. Et donc les derniers chez qui de l'argent liquide circule, ce sont les petits commerçants et les médecins.
VIDAL : Qu'est-ce qui pourrait sécuriser davantage votre exercice ?
Dr Claude Leicher : Nous avons besoin de nous sentir en sécurité : nous disons à tous ceux qui veulent nous cambrioler : il n'y a pas d'argent liquide dans nos caisses. Nous avons aussi besoin que la population nous respecte. Nous ne sommes pas des prestataires de service comme les autres. Nous sommes attentifs aux gens qui sont en face de nous : nous prenons davantage en charge un patient qui ne va pas bien parce que nous voyons qu'il ne va pas bien. Donc nous sommes concernés par l'état des personnes qui sont en face de nous.
Donc nous ne pouvons pas avoir cet investissement professionnel et en même temps nous faire traiter comme la dernière roue de la charrette, soit par les pouvoirs publics, soit par certains patients. C'est rare, très rare, heureusement, en médecine générale. Mais quand ça arrive, c'est de nature à tellement écœurer les médecins que parfois, ils arrêtent d'exercer.
VIDAL : Qu'est-ce que vous appelez être mal traité par des patients ?
Dr Claude Leicher : Le médecin généraliste n'est pas un prestataire de service comme les autres. On n'arrive pas chez le médecin en disant "Je veux, je veux… Vous devez me donner ceci, je veux un arrêt de travail, ceci ou cela". Nous, nous sommes chargés de distribuer les soins en fonction des besoins de la population. Donc soit la population nous respecte et nous continuerons d'exercer notre métier, soit une petite partie de la population ne nous respecte pas et les pouvoirs publics ne nous aident pas à nous protéger, et dans ce cas je crains malheureusement qu'il n'y ait plus du tout de cabinets de médecine générale dans les zones difficiles. Le risque de violence fait partie de notre quotidien, également parce que l'on souhaite aussi des patients qui vont psychiquement très mal.
VIDAL : Que faire face à ces manques de respect et violences ?
Dr Claude Leicher : Nous avons besoin de ne pas être tous seuls. C'est d'ailleurs une des principales raisons des regroupements de médecins, particulièrement pour les femmes. Le fait d'avoir créé des maisons médicales de garde a complètement changé l'état d'esprit des femmes par rapport aux gardes. Quand on a créé les premières maisons médicales de garde, en 2002-2003, les femmes nous ont dit : dans ces conditions là, nous retournerons faire des gardes. Donc la protection des médecins par rapport à la violence, c'est aussi la capacité de s'organiser, entre médecins d'abord, avec d'autres professionnels de santé ensuite, de façon à ne pas exercer tout seul, dans un cabinet, à 21 heures, avec des patients qui arrivent sans que l'on sache très bien ce qu'ils nous veulent.
Propos recueillis le 23 janvier 2014 par Jean-Philippe Rivière au siège de MG France
* Le Dr Claude Leicher déclare n'avoir ni lien ni conflit d'intérêt
Source de l'infographie : Conseil National de l'Ordre des Médecins, avril 2013
Sources
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