#Santé publique #Campagnes

Cancer du sein : entretien avec Marc Espié, directeur du Centre des maladies du sein à l'hôpital Saint-Louis

La campagne 2013 de dépistage du cancer du sein, Octobre rose, s'achève. Le Dr Marc Espié*, oncologue, directeur du Centre des maladies du sein de l'hôpital Saint Louis à Paris, nous explique ce qu'il pense de cette campagne médiatique controversée et fait le point sur les avancées récentes concernant la prise en charge des patientes atteintes de cette maladie.
30 octobre 2013 02 mai 2016 Image d'une montre9 minutes icon Ajouter un commentaire
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Dr Marc Espié, oncologue, directeur du Centre des maladies du sein à l'hôpital Saint Louis (Paris).

Dr Marc Espié, oncologue, directeur du Centre des maladies du sein à l'hôpital Saint Louis (Paris).


Propos recueillis le 8 octobre 2013 par Isabelle Cochois au Centre des maladies du sein de l'hôpital Saint Louis (Paris).

VIDAL : Octobre Rose 2013 touche à sa fin, quel bilan peut-on tirer de cette campagne médiatique contestée par certains et promue par d'autres ?

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Dr Marc Espié : Je crois que ce qui est surtout contesté, c'est l'efficacité du dépistage : est-ce que le dépistage organisé est efficace ou pas ? 
Il y a eu beaucoup de polémiques dans l'année écoulée sur le surdiagnostic associé au dépistage organisé du cancer du sein. 
Je crois qu'il est démontré par toutes les études qui ont été effectuées sur le sujet que le dépistage permet de réduire le risque de mortalité par cancer du sein d'environ 20 à 30 % entre une femme qui participe au dépistage et une femme qui n'y participe pas. 
Après, c'est sûr qu'il y a une part de surdiagnostic, je pense qu'on ne peut pas le nier : une femme par exemple qui a 74 ans - puisque le dépistage va jusqu'à 74 ans - fait une mammographie, on lui trouve un petit cancer de 2 mm, 2 ans après elle meurt d'un infarctus, et bien on aurait jamais trouvé son petit cancer du sein, il ne se serait pas exprimé de son vivant. Donc là on aura fait du surdiganostic. 
Mais, après, les cancers du sein qui régressent spontanément, j'en n'ai jamais trop vus, il y en a bien sûr qui évoluent très lentement et donc probablement là aussi on peut faire du surdiagnostic .
 
Mais c'est toujours pareil, en santé publique, on raisonne à l'échelle d'une population et pas à l'échelle d'un individu donné. Et une fois que l'on a fait une mammographie, puisque cela reste l'outil de dépistage essentiel, quand on trouve une image anormale, cela me semble très difficile de dire à une patiente et bien écoutez, on va la regarder et on ne fait rien.
 
Donc, je crois que tout geste et toute attitude de santé publique s'accompagne d'effets indésirables. En sénologie et avec la mammographie, cela va être le surdiagnostic, des examens invasifs qu'on n'aurait pas faits ou qui ne vont pas trouver de cancer, mais je crois que c'est la prix à payer pour toute campagne de santé publique, c'est pareil avec les vaccins, il y a des effets indésirables, mais le rapport bénéfice/risque de mon point de vue reste du côté des bénéfices. 
Alors, Octobre Rose permet de sensibiliser les femmes à l'importance de ce dépistage et paradoxe donc c'est qu'en France, on plafonne aux alentours de 50 % de femmes qui se font dépister, France entière 52-53 %, et on aimerait bien que cette participation augmente parce que pour que la mortalité diminue là encore à l'échelle d'une population, on estime qu'il faut 70 % de participation au dépistage organisé. 
 
Dans ce sens là, Octobre Rose à un intérêt parce qu'il sensibilise les femmes, le problème est de faire des campagnes qui ne soient pas trompeuses, il ne faut pas rendre la mariée plus belle qu'elle n'est. Quand on fait du dépistage, on essaye  de trouver des cancers, ça ne protège pas des cancers, ça permet d'en trouver d'avantage, plus petits, à un stade plus précoce, avec un pronostic meilleur et des traitements moins agressifs. 
Je crois que c'est tout le bénéfice du dépistage organisé et donc d'Octobre Rose puisqu'il aide à ce que les femmes participent à ce dépistage. 


VIDAL : Quels principaux constats tirez-vous de votre expérience de Directeur du Centre des maladies du sein de l'hôpital Saint Louis ?

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Dr Marc Espié : Je crois que le grand bénéfice du Centre des maladies du sein, c'est d'offrir aux femmes un suivi par un acteur, un chef d'orchestre qui va les prendre en charge du diagnostic jusqu'à la situation métastatique si celle-ci malheureusement doit arriver. 

Au Centre des maladies du sein, nous sommes une équipe pluridisciplinaire composée d'oncologues médicaux, de gynécologues, de chirurgiens, de psy, tous orientés et spécialisés uniquement en sénologie et donc, l'intérêt de ce genre de structure est d'offrir aux patientes le meilleur de l'expertise dans chacun des domaines qui concernent la sénologie avec des radiologues experts en sénologie, des anatomopathologistes experts en sénologie, des chirurgiens, des radiothérapeutes, et ainsi de suite, pour faire, c'est ce qu'on essaye de développer, les Brest Units que réclame le Parlement européen. 

Le Parlement européen demande à tous les états membres de créer des Brest Units dans leur pays pour mieux prendre en charge les femmes dans un objectif de pluridisiplinarité, de pluricompétence, où tous ensembles on fait mieux que chacun, même associés les uns à la suite des autres.


VIDAL : Quels ont été les principaux événements de l'année 2013 en sénologie ?

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Dr Marc Espié : 2013 n'aura pas été une année très riche en sénologie, il n'y a pas eu d'avancées spectaculaires en 2013 mais, vous savez, c'est souvent la somme de petits progrès qui font que l'on avance, ce sont rarement des scoops majeurs.
 
Il y a eu une tentative de désescalade dans un certain nombre de traitements, c'est un petit peu la tendance. Une désescalade dans la chirurgie avec la technique du ganglion sentinelle qui évidemment ne date pas de 2013 mais qui s'affine d'année en année dans ses indications, une tendance à la désescalade en radiothérapie où l'on va tendre à promouvoir des irradiations partielles du sein et ne plus irradier le sein dans sa totalité, c'est une tendance, ce n'est pas encore fait. Par exemple, sur Saint-Louis, nous avons un appareil qui permet de délivrer pendant le temps de l'intervention chirurgicale l'irradiation, et la dose de rayons qui est délivrée en une fois aurait nécessité auparavant  7 semaines de traitement. 

Ce sont des avancées dont le but est d'essayer de ne pas surtraiter les patientes mais tout le monde ne peut pas en bénéficier, il y a certains cas pour lesquels c'est raisonnable, d'autres cas pour lesquels ça ne le sera pas, donc on essaye de réduire l'agressivité des traitements.

En chimiothérapie, on essaye de mieux adapter les traitements aux profils de chaque tumeur pour chaque femme, c'est encore un vœu pieux mais nous travaillons dans ce sens là, pour adapter les chimiothérapies et les proposer aux femmes qui en ont vraiment besoin.

Et avec l'essor des thérapeutiques ciblées, nous avons de nouveaux médicaments pour traiter en fonction des caractéristiques propres de chaque tumeur. On parlait des patients qui surexpriment HER2, un facteur de croissance des épithéliums, vis-à-vis duquel on a maintenant toute une panoplie de médicaments commercialisés ou en développement, qui permettent de changer complètement le pronostic des tumeurs de ces femmes qui, avant, étaient très mauvais et qui retrouvent maintenant le même pronostic qu'un cancer du sein « banal ».


VIDAL : Qu'en est-il des traitements des cancers qui surexpriment HER2 ?

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Dr Marc Espié : En 2013, d'un point de vue thérapeutique, les nouveautés se cantonnent surtout sur les cancers qui surexpriment HER2 avec de nouveaux anticorps monoclonaux comme le pertuzumab qu'on va utiliser en association avec le traztuzumab parce qu'il y a des études qui ont démontré, qu'en associant les deux, on réduisait les taux de rechutes. Donc la tendance va très certainement être à utiliser ces deux molécules en association en plus de la chimiothérapie. 
 
Nous avons en développement, toujours dans cette catégorie de cancers du sein, des chimiothérapies dites vectorisées : on a fabriqué une molécule qui associe le traztuzumab à une chimiothérapie, et qui va aller directement à l'intérieur des cellules cancéreuses qui surexpriment HER2 pour y libérer la chimiothérapie. Donc c'est un progrès, en tout cas  conceptuel, très important puisqu'on arrive à apporter au cœur de la cellule cancéreuse concernée la chimiothérapie tout en réduisant sa toxicité sur les autres cellules et en augmentant son efficacité puisqu'elle est directement dirigée contre cette cible. 
Les essais sont en cours, les produits ne sont pas encore commercialisés mais, c'est certainement une des avancées importantes, en tout cas théorique, de ces dernières années.
Je pense que 2015 verra la commercialisation de ce produit.
 
Les avancées portent essentiellement sur cette voie de surexpression d'HER2 et sur les voies de signalisation en aval de la membrane cellulaire, sur tout ce qui va interférer avec des enzymes notamment les tyrosines kinases, par des voes de signalisation de la cellule (PI3K / AKT / mTOR) qui aboutissent à réduire l'apoptose, augmenter la prolifération, augmenter l'angiogenèse, enfin tout ce qui permet à la cellule de se développer, notamment la cellule cancéreuse. 
Il y a plein de molécules en cours de développement pour bloquer toutes ces voies. Le problème est qu'il y a des milliers de voies et de multiples façons, non utilisées, pour les cellules cancéreuses de les contourner. Mais enfin il y a énormément de travail dans ce sens là.

 
VIDAL : Le traitement des cancers hormonodépendants a-t-il progressé ?

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Dr Marc Espié : Concernant les cancers du sein hormonodépendants qui représentent la grosse majorité puisque ce sont 60 à 70 % des cancers du sein, nous dirons qu'en 2012-2013, on stagne.
Le « grand scoop » du congrès de San Antonio en décembre 2012 était d'augmenter la durée de prescription du tamoxifène chez les femmes dont la tumeur possède des récepteurs hormonodépendants.
Il y a deux études qui montrent avec un grand recul que proposer 10 ans de tamoxifène c'est mieux que d'en proposer 5. 
Etude méthodologiquement discutable, effets indésirables non négligeables et que l'on connaît bien du tamoxifène, donc on ne va pas franchir le pas tout de suite en tout cas de proposer à tout le monde 10 ans de tamoxifène à la place de 5 ans, mais on va se poser la question de savoir quelles femmes pourraient bénéficier de ces 10 ans plutôt que ces 5 ans.
 
Toujours dans le même ordre d'idée, en hormonothérapie, la 2e piste de réflexion intéressante a été de voir comment rendre à nouveau hormonosensible une tumeur qui devient non hormonosensible. 
Là se développent des médicaments que l'on appelle les inhibiteurs de mTOR, l'évérolimus a été commercialisé récemment dans cette indication puisqu'on a pu démontrer que, chez des patientes qui avaient une tumeur résistante aux inhibiteurs de l'aromatase (le létrozole ou l'anastrozole), en re-prescrivant une hormonothérapie, en l'occurrence l'exémestane, et en y ajoutant cet inhibiteur de mTOR, on arrivait à nouveau à obtenir une réponse. 

Donc ce sont des pistes pour arriver à contourner les mécanismes de résistances à l'hormonothérapie visant à rendre des cellules devenues résistantes à nouveau hormonosensibles.


VIDAL : Quels messages importants souhaiteriez-vous adresser aux médecins de ville concernant le cancer du sein ?

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Dr Marc Espié : Le message fondamental est que ça reste un cancer très fréquent, je crois qu'il faut vraiment que tous les médecins aient ça en tête parce qu'il y a quand même encore plus de 50 000 nouveaux cas de cancers du sein par an en France et 11 000 femmes qui en meurent tous les ans
Donc certes, c'est un cancer qui est réputé comme étant de bon pronostic mais, de mon point de vue, qui n'est pas de si bon pronostic que cela et donc le dépistage précoce est pour moi fondamental parce qu'il va permettre de trouver des tumeurs plus petites, avec un meilleur pronostic et, j'espère, de pouvoir effectuer des traitements moins agressifs. 
Donc je crois qu'il faut rester convaincu de cela et ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain en raison des effets indésirables potentiels de ce dépistage, le dépistage reste pour moi essentiel.
 
Après, ce serait bien que l'on puisse voir avec les médecins généralistes comment ils pourraient s'impliquer d'avantage dans le suivi et la surveillance des femmes qui ont été atteintes par un cancer du sein. Sur Saint-Louis par exemple, nous avons mis sur pied un réseau de surveillance alternée mais dans ce réseau, nous avons beaucoup de gynécologues et peu de généralistes. 

Alors je comprends tout à fait les difficultés, les généralistes sont sollicités par de multitudes de réseaux, ils ont cinquante mille choses à faire, ils ne peuvent pas tout faire et on leur demande beaucoup mais, je pense qu'apprendre à palper les seins des femmes, c'est important, apprendre à lire une mammographie et à en comprendre le compte-rendu, c'est important et, toutes ces choses là, on les enseigne très peu à la faculté donc ça leur demande un effort supplémentaire pour ce tenir au courant sur des choses qu'ils n'ont pas apprises. 

Le message important est donc de travailler ensemble pour faire que les généralistes puissent participer à cette surveillance, surtout que ce sont eux qui connaissent le mieux les femmes qu'ils ont en face d'eux et que le contexte psychologique en termes d'accompagnement est tout à fait fondamental : le cancer du sein reste celui qui bouleverse le plus la vie des femmes parce que c'est une atteinte à la maternité, à la sexualité, à la fertilité enfin, à la féminité en général, ça reste un organe symbolique. Donc les généralistes ont toute leur place mais c'est compliqué de leur demander de faire des choses dont ils n'ont pas l'habitude.  
 
* Les liens d'intérêt du Dr Marc Espié sont accessibles sur le site dédié du Conseil de l'Ordre des Médecins
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