L'apparition d'un inhibiteur est actuellement la complication la plus sévère du traitement substitutif de l'hémophilie. Il s'agit d'anticorps neutralisant l'activité du facteur injecté, qui apparaissent chez 20 à 30 % des patients atteints d'hémophilie A sévère, et 1 à 3 % des patients atteints d'hémophilie B sévère, après exposition aux concentrés de facteur VIII ou IX.
Le risque d'immunisation est maximal lors des premières injections. Il diminue progressivement et devient très faible au-delà de 50 à 100 journées cumulées d'exposition au traitement.
Les patients atteints d'hémophilie A modérée ou mineure peuvent aussi développer des anticorps inhibiteurs, après exposition aux concentrés de facteur VIII pendant plusieurs jours consécutifs. Ces anticorps sont susceptibles de neutraliser le propre facteur VIII du patient, entraînant l'aggravation de l'hémophilie.
L'apparition d'un inhibiteur se traduit par une inefficacité du traitement substitutif et a un impact important en termes de pronostic vital, fonctionnel et de qualité de vie. En présence d'inhibiteurs, les saignements sont plus difficiles à gérer car les concentrés de facteur VIII ne peuvent généralement plus être utilisés. Pour traiter les saignements, il faut recourir à ces « facteurs activés » mais leur efficacité est plus aléatoire que celle des concentrés de facteurs VIII et IX et il n'y a pas de marqueur biologique de suivi d'efficacité.
Un certain nombre de facteurs ont été identifiés comme favorisant la survenue d'un inhibiteur (anomalie génétique importante telle que grande délétion ou mutation non-sens, histoire familiale d'inhibiteur, origine ethnique, etc.).
La prise en charge préventive des patients avec un inhibiteur s'articule principalement autour de deux axes : d'une part, l'éradication de l'inhibiteur par la mise en place d'un protocole d'Induction de Tolérance Immune (ITI) par injections de concentrés de facteur VIII (seul
FACTANE dispose d'une AMM dans cette indication, les autres concentrés doivent être utilisés dans le cadre de protocoles temporaires de traitement) ; d'autre part, l'administration d'agents dits by-passants (fractions activées court-circuitant la voie endogène de la coagulation) :
FEIBA (complexe prothrombinique activé) a une AMM uniquement chez les patients « forts répondeurs » et
NOVOSEVEN (facteur VII activé) est autorisé dans le cadre d'une RTU uniquement s'il n'y a pas d'alternative thérapeutique). L'émicizumab a une AMM, quel que soit l'âge, en prophylaxie des épisodes hémorragiques où il représente selon la HAS un traitement de 1
re intention chez les patients ayant développé un inhibiteur de type fort répondeur, notamment en cas d'échec du ITI (
avis de la Commission de la Transparence, HAS, juillet 2018).
Chez un jeune patient atteint d'hémophilie A sévère, étant donné les conséquences cliniques importantes de l'apparition d'un inhibiteur, il est actuellement recommandé d'instaurer au plus vite un protocole d'induction de tolérance immune.