‘Information communiquée en collaboration avec l'entreprise de santé Astrazeneca’

 

Hyperkaliémie en néphrologie

Pr Denis Fouque, Université Claude Bernard Lyon1-Hospices Civils de Lyon

 

Le potassium joue un rôle essentiel dans le fonctionnement cellulaire, notamment pour les cellules cardiaques. Une kaliémie mal régulée peut entraîner des complications graves, telles que des arythmies cardiaques potentiellement mortelles. Les reins, étant les principaux organes responsables de l'élimination du potassium, voient leur capacité de régulation diminuer avec la progression de l'insuffisance rénale chronique (IRC). Par conséquent, une surveillance attentive et une gestion rigoureuse de la kaliémie sont indispensables pour prévenir les déséquilibres électrolytiques et assurer la stabilité cardiaque et globale des patients.

 

Régulation de la kaliémie :

La concentration sérique de potassium est rigoureusement régulée afin d'assurer un fonctionnement cellulaire optimal, notamment celui des cellules responsables du rythme cardiaque. En plus de son absorption et de sa libération liées au métabolisme des fluides digestifs, la kaliémie est régulée par les reins, la peau et les échanges intra/extracellulaires.

Différentes hormones interviennent, telles que l'aldostérone, les corticostéroïdes, les catécholamines, l'insuline et l'IGF-1. De nombreux médicaments modifient les niveaux de kaliémie, notamment les diurétiques, les inhibiteurs du système RAA (rénine-angiotensine-aldostérone), les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (MRA) stéroïdiens et non stéroïdiens, les inhibiteurs des SGLT2, les chélateurs digestifs du potassium et les substances modifiant l'équilibre acido-basique tels que le bicarbonate de sodium, le citrate de sodium et les héparines (Tableau 1).

Tableau 1 : Facteurs pouvant être associés à une hyperkaliémie (7)

• Médicaments : inhibiteurs du système rénine-angiotensine, antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, diurétiques antagonistes de l’aldostérone stéroïdiens, ou non stéroïdiens, diurétiques épargneurs du potassium, anti-inflammatoires non stéroïdiens, bétabloquants non sélectifs, inhibiteurs de la calcineurine.

• Carence en insuline.

• Lyse cellulaire aigüe (hémolyse-rhabdomyolyse) ou subaigüe (chimiothérapie).

• Constipation.

• Acidose métabolique (réserve alcaline < 23 mmol/l) dont acidocétose diabétique et traitements par héparines

• Consommation en excès d’aliments contenant beaucoup de potassium (bananes, jus de fruit et sodas, fruits secs et en saison : fraises, cerises, tomates).

• Sels de régime contenant du potassium.

 

Apport alimentaire en potassium :

L'apport alimentaire en potassium provient de diverses sources et varie généralement entre 1 et 4 grammes par jour. Cet apport est augmenté dans les régimes riches en fruits et légumes, comme le régime PLADO (plant-dominant low protein) et le régime méditerranéen, et généralement réduit dans les régimes de type occidental. Récemment, plusieurs études ont montré une relation modeste, voire inexistante, entre l'apport alimentaire en potassium et la kaliémie. Cette observation s'explique par la différence entre un apport en potassium sous forme d'un composé chimique isolé (chlorure ou phosphate de potassium), rapidement absorbé dans le sang, et le potassium alimentaire, qui est associé à des fibres (légumineuses) et des glucides (fruits) présentant une charge acide rénale potentielle (Indice PRAL) faible, propre aux régimes végétariens, ce qui neutralise l'augmentation du potassium sérique (1).

Chez les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique avancée (MRC), une relation peut toutefois persister entre une consommation saisonnière excessive de potassium et la kaliémie, ou en cas d’erreurs diététiques manifestes telles qu'une consommation excessive de pommes de terre, de viande, de lait ou d'additifs riches en potassium. Dans ce contexte, une évaluation par un diététicien est recommandée. En revanche, il n’y a pas de données montrant qu'une réduction de l'apport alimentaire en potassium améliore l'hyperkaliémie (2). En effet, une publication récente a indiqué qu'un régime alimentaire sain, incluant fruits, légumes et céréales complètes, était associé à une kaliémie plus basse (2).

 

Objectifs et contrôle de la kaliémie :

Objectifs kaliémiques chez les patients atteints de MRC

L'objectif kaliémique chez les patients atteints de MRC est de maintenir le niveau sérique entre 3,5 et 5,5 mmol/L (3,4). Dans cette plage, les manœuvres correctrices ne sont alors pas recommandées. Un suivi plus fréquent de la kaliémie peut être conseillé lorsque le niveau de la kaliémie varie entre 4,9 et 5,5 mmol/L. En effet, l’électrophysiologie montre que le potassium plasmatique associé à un signal ECG normal est proche de 5,0 mmol/L. Au-dessus et en dessous de cette valeur, il peut se produire des modifications de l’ECG qui s’aggravent lorsque les valeurs s’éloignent de ce seuil, augmentant le risque de complications cardiaques.

Fait intéressant, les données de l’étude européenne Quality (EQUAL), menée quarante ans plus tard auprès de 1700 patients en MRC avancée (stades 4-5) non dialysés, confirment la même observation, qu’une valeur de 4,9 mmol/L est associée à la mortalité la plus basse (5).

Importance de la précision des mesures

En présence d’une hyperkaliémie, il est important d’écarter la possibilité de « pseudohyperkaliémie » ou d'hyperkaliémie factice. Plusieurs facteurs peuvent entraîner une augmentation artificielle des niveaux de potassium, notamment une ponction veineuse difficile, un délai avant la mesure réelle, une température élevée lors du prélèvement sanguin à domicile et son transport vers le laboratoire, et l'hémolyse dans le tube de prélèvement (Tableau 2).

De plus, il existe une différence importante entre la concentration de potassium plasmatique ou sérique, le potassium sérique étant supérieur au potassium plasmatique d’environ 0,35 mmol/L. Cette information importante pour l'interprétation des résultats a été reprise dans la recommandation KDIGO publiée en 2024 (3). La plage normale pour la mesure du potassium sérique dans les laboratoires de biologie est comprise entre 3,5 et 5,5 mmol/L.

Par conséquent, il ne faut pas prendre de décision pour démarrer/modifier un traitement à partir d’une seule mesure du potassium. Une vérification est souvent nécessaire. Dans notre expérience, la pseudohyperkaliémie représente environ 20-30 % des cas d’hyperkaliémie et est normale après une seconde mesure. Lorsqu'une véritable hyperkaliémie est présente, une intervention thérapeutique est nécessaire, en se basant sur la physiopathologie mentionnée ci-dessus (Tableaux 3 et 4).

Tableau 2 : Facteurs induisant une pseudo-hyperkaliémie par anomalie de dosage de la kaliémie

• Garrot trop serré, point serré, ponction veineuse difficile, échantillon dosé tardivement ou mal conservé, hémolyse.

=> Vérifier si le dosage est plasmatique ou sérique (K+ sérique > 0,35 mmol/l par rapport au plasma).

Tableau 3 : Facteurs associés à un contrôle de la kaliémie (7)

• Médicaments augmentant l’élimination urinaire du potassium

• Traitement la constipation : augmenter les fibres alimentaires et les laxatifs.

• Contrôle de l’acidose métabolique avec du bicarbonate de sodium.

• Chélation digestive du potassium et réduction du potassium alimentaire.

Tableau 4 : Principes de traitement de l’hyperkaliémie, selon la kaliémie
Sévérité Intervention Mécanismes d’action Commentaires

Kaliémie comprise entre 5,0-5,5 mmol/L

Eviter les excès diététiques en potassium

Réduction de l'apport excessif en potassium

Éviter les substituts de sel riches en potassium

Hyperkaliémie modérée (5,5-6,5 mmol/L)

Résines échangeuses de potassium

Augmentent l’élimination digestive du potassium

Utilisés si fonction rénale altérée ou hyperkaliémie persistante

 

Augmentation de l’élimination rénale (diurétiques de l’anse)

Augmente l’excrétion urinaire du potassium

Surtout en présence d’hypervolémie

Hyperkaliémie sévère (> 6,5 mmol/L ou avec signes ECG)

Gluconate de calcium IV

Stabilise la membrane cellulaire cardiaque

Ne réduit pas la kaliémie mais prévient les arythmies

 

Insuline + glucose IV

Favorise l'entrée du potassium dans les cellules

Surveillance de la glycémie nécessaire

 

Bêta-2 agonistes ( en nébulisation)

Stimule l’entrée du potassium dans les cellules

Moins efficace chez les insuffisants rénaux ou diabétiques

 

Bicarbonate de sodium IV

Corrige l’acidose ; favorise l'entrée du potassium dans les cellules

Plus efficace en cas d’acidose associée

 

Séance d’hémodialyse

Élimination rapide du potassium

Indiquée en cas d'insuffisance rénale sévère ou d'échec des autres traitements

 

Situations induisant l'hyperkaliémie :

Facteurs à corriger en priorité

Un certain nombre de situations peuvent induire une hyperkaliémie et doivent être corrigées en priorité. En effet, une glycémie anormale due à un manque d’insuline ou à une résistance à l’insuline pendant un épisode septique augmentera la kaliémie. De même, les épisodes d’acidose avec une réserve alcaline inférieure à 23 mmol/L, comme chez les patients diabétiques ou atteints de MRC avancée, peuvent également provoquer une hyperkaliémie.

Impact des laxatifs chroniques

Plus récemment, il a été mis en évidence que la constipation, qui entraine une réabsorption colique persistante du potassium, est associée à une augmentation de la kaliémie. Les patients utilisant des laxatifs chroniques présentent moins d’épisodes hyperkaliémiques et ont une meilleure survie (6).

 

Ajustement des traitements en fonction de la kaliémie

Recommandations KDIGO pour les patients atteints de MRC

Les récentes recommandations KDIGO pour les patients atteints de MRC suggèrent différentes interventions pour atteindre une valeur optimale de la kaliémie (3).

Les chélateurs de potassium, comprenant des médicaments utilisés depuis des décennies comme les résines échangeuses de cations synthétiques ainsi que des agents plus récents, sont efficaces en cas d’épisodes confirmés d’hyperkaliémie. Les agents plus récents ont une AMM pour une administration chronique et ont démontré qu’ils permettent de réduire les récidives d'hyperkaliémie. Cependant, aucune preuve ne démontre qu’une administration préventive de chélateurs apporterait un bénéfice aux patients.

Le seuil à partir duquel il est recommandé en dernier recours de réduire ou d’arrêter un traitement par minéralocorticoïdes, inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA2) est de 5,5 mmol/L. En dessous de cette valeur, aucune modification du traitement n’est nécessaire. Il faut en revanche réaliser des mesures plus fréquentes de la kaliémie afin de maintenir les traitements cardioprotecteurs. Il ne faut pas d’emblée imposer de restrictions alimentaires inutiles qui altèrent la qualité de vie des patients. 

 

Références :

  1. St-Jules DE, Fouque D. Etiology-based dietary approach for managing hyperkalemia in people with chronic kidney disease. Nutr Rev 2022;80:2198-2205
  2. MacLaughlin HL, McAuley E, Fry J et al. Re-Thinking Hyperkalaemia Management in Chronic Kidney Disease-Beyond Food Tables and Nutrition Myths: An Evidence-Based Practice Review. Nutrients 2023 Dec 19;16:3.
  3. KDIGO 2024 Clinical Practice Guideline for the Evaluation and Management of Chronic Kidney Disease. Kidney Disease: Improving Global Outcomes (KDIGO) CKD Work Group. Kidney Int 2024;105(4S):S117-S314.
  4. Barker L, Burton J, Zieve P eds. Principles of Ambulatory Medicine. Williams & Wilkins, 1982 ; ISBN, 0683004352, 9780683004359.
  5. De Rooij ENM, de Fijter JW, Le Cessie S et al. Serum Potassium and Risk of Death or Kidney Replacement Therapy in Older People With CKD Stages 4-5: Eight-Year Follow-up. Am J Kidney Dis 202;82:257-266.
  6. Sumida K, Dashputre AA, Potukuchi PK, et al. Laxative Use and Risk of Dyskalemia in Patients with Advanced CKD Transitioning to Dialysis. J Am Soc Nephrol 2021;32:950-959.
  7. Gabai P, Fouque D. SGLT2 inhibitors: new kids on the block to control hyperkalemia. Nephrol Dial Transplant 2023;38:1345-1348

 

FR-23071 - 09/2025