#Santé publique #COVID-19

Biais MacGyver et effet IKEA : vous connaissez ?

La problématique que pose l'utilisation de médicaments hors validation par des essais cliniques de qualité est aussi celle du recours à des dispositifs médicaux non encore testés, en particulier ceux qui ont été fabriqués avec les "moyens du bord", en l'absence d'approvisionnement habituel. Cette situation, mise en lumière par l'épidémie COVID-19, a soulevé bien des interrogations, tout autant pratiques qu'éthiques. En situation d'urgence, le recours à des matériels faits maison a bien des atouts, mais également quelques faiblesses. 
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Quand le matériel médical est fait maison (illustration).

Quand le matériel médical est fait maison (illustration).


Dans les années 1980-1990, une série de télévision avait comme personnage principal un agent secret aventurier : Angus MacGyver. Ce "chasseur de crimes" avait une particularité : il alliait ses connaissances scientifiques à l'utilisation de toutes sortes d'objets qu'il trouvait à proximité (chewing-gum, chocolat, trombone, etc.) afin de se sortir de situations parfois très épineuses.
 
Un héros de fiction au service des professionnels de santé
La popularité de ce héros a été telle qu'un nouveau verbe a été introduit dans le respectable Oxford English Dictionary : MacGyver, qui signifie réaliser ou réparer un objet de façon improvisée ou inventive en recourant à n'importe quoi qui se trouve à portée de main.
MacGyver, c'est bien ce qu'ont fait beaucoup de personnes, notamment des professionnels de santé qui ont été confrontés, pendant la pandémie COVID-19, à l'absence de matériel de protection adéquat, de respirateurs et d'autres outils nécessaires pour mener à bien leur travail de soignant.
 
Des biais cognitifs à prendre en compte
Les fruits de cette ingéniosité, mis à disposition en un temps record, ont été fort utiles, aussi bien pour la population générale que pour les professionnels de santé et les patients. Il y a cependant un revers à la médaille : le biais MacGyver et l'effet IKEA.
 
Comme l'ont rapporté LV Duggan et al., en 2019, en employant leurs créations, les cliniciens ont tendance à surestimer les bénéfices de leurs dispositifs et à mal percevoir leurs effets délétères éventuels. C'est que lorsqu'on met au point ou qu'on utilise un objet " fait maison ", qu'il soit à visée médicale ou chirurgicale, l'inventeur développe un lien émotionnel avec sa production. En raison de la similitude avec les aptitudes du fameux héros de télévision, ce biais cognitif a dénommé biais MacGyver.
Le même phénomène se produit au cours de l'effet IKEA, décrit il y a une dizaine d'année, au cours duquel le fait de monter des meubles en kit augmente leur valeur.

Un autre écueil est aussi celui de l'absence de validation de ces créations, un processus qui est normalement nécessaire avant l'utilisation de dispositifs médicaux en pratique clinique. En marge du flou concernant l'efficacité et la sûreté des dispositifs fabriqués de façon " artisanale ", ce shunt soulève des problèmes éthiques.
 
Le « macgyverisme », une pratique pas si rare
Face à ces craintes et ces critiques, il est néanmoins intéressant de rappeler que bon nombre d'inventions, notamment en chirurgie et en anesthésie, sont nées du détournement de certains objets de la vie courante : de la cuillère aux carburateurs, en passant par du matériel de bureautique, etc.  
 
De plus, comme l'ont souligné certains professionnels de santé, le temps nécessaire à l'étude et au contrôle rigoureux de ces créations mises en point avec les " moyens du bord " est à mettre en balance avec l'urgence de certaines situations, comme c'est le cas en période d'épidémie… Ce qui pose d'autres problèmes éthiques, quand il n'y a guère d'autres solutions à proposer, faute de matériel disponible.
 
Comment résoudre ce dilemme ?
 En cas de nécessité, pourrait-on trouver une solution intermédiaire ? Oui, selon D Power et al. qui proposent de recourir aux outils de simulation employés pour la formation des étudiants, ce qui permettrait de tester rapidement des dispositifs nouvellement créés en attendant que les processus de validation habituels aient rendu leur verdict.
 
Pour conclure, il faut bien sûr citer les initiatives locales qui ont pu fournir masques et blouses au cours de l'épidémie COVID-19. Une autre source d'approvisionnement en matériel médical a aussi émané des FabLab (pour Fabrication Laboratory). Ces nouvelles structures, nées il y a quelques années, reposent sur les compétences de "brillants bidouilleurs", qui unissent leurs connaissances des technologies (notamment de l'impression 3D) à leurs aptitudes inventives.
Les FabLab ont beaucoup contribué à la mise au point et à la réparation de matériels médicaux pendant la pandémie COVID-19. Ils ont pu fournir divers dispositifs aux EHPAD, à des cabinets médicaux ou à des CHU.  
En marge des circuits traditionnels, ils ont aussi révélé un autre atout : la mise en place et la faisabilité d'une production locale de matériel, s'émancipant des carences d'approvisionnement liées à la mondialisation.
 
©vidal.fr

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Sources

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