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COVID-19 : l'utilisation hors AMM de l'hydroxychloroquine n'est plus autorisée à l'hôpital

Les dispositions réglementaires autorisant une utilisation hors AMM de l'hydroxychloroquine dans le traitement de formes graves de COVID-19, en milieu hospitalier, ont été annulées par décret du 26 mai 2020
 
Cette décision s'appuie notamment sur un nouvel avis du HCSP (Haut Conseil de la Santé publique) qui, prenant en compte les données actuelles d'efficacité et surtout de toxicité de l'hydroxychloroquine dans la stratégie thérapeutique de la COVID-19, recommande :
  • de ne pas utiliser l’hydroxychloroquine (seule ou associée à un macrolide) dans le traitement du COVID-19 ;
  • d’évaluer le bénéfice/risque de l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans les essais thérapeutiques ;
  • de renforcer la régulation nationale et internationale des différents essais évaluant l’hydroxychloroquine dans l'infection au SARS-CoV-2.

Suite à cet avis et tenant compte de la position du comité scientifique de l'essai international Solidarity, l'ANSM* a annoncé son intention de suspendre les inclusions de patients dans les essais cliniques menés en France

*Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
David Paitraud 27 mai 2020 Image d'une montre6 minutes icon 25 commentaires
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 Les données actuelles disponibles n’apportent pas la preuve d’un bénéfice sur l’évolution de la COVID-19 lié à l’utilisation de l’hydroxychloroquine isolément ou en association à un macrolide (illustration).

Les données actuelles disponibles n’apportent pas la preuve d’un bénéfice sur l’évolution de la COVID-19 lié à l’utilisation de l’hydroxychloroquine isolément ou en association à un macrolide (illustration).

 
Pressé par le Gouvernement, la communauté médicale et l'opinion publique, le HCSP (Haut Conseil de Santé publique) avait émis un premier avis, daté du 23 mars 2020, pour définir la place de l'hydroxychloroquine dans la prise en charge des patients atteints de COVID-19.
Dans ce premier avis, il recommandait :
  • une utilisation très restreinte de l'hydroxychloroquine, uniquement dans les formes graves chez des patients hospitalisés, sur décision collégiale des médecins et sous surveillance médicale stricte ;
  • de privilégier l'inclusion des patients sous hydroxychloroquine, chaque fois que possible, dans un essai clinique. 

En ville, la délivrance du médicament PLAQUENIL (hydroxychloroquine) a été restreinte dès le 26 mars 2020 (notre article du 26 mars 2020), pour éviter une utilisation hors AMM et non maîtrisée de cette substance : 
  • prescription initiale par les rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres ;
  • renouvellement par tout médecin.

Nouvelles recommandations au 24 mai : ne plus utiliser l'hydroxychloroquine dans le traitement COVID-19
Le 24 mai 2020, le HCSP a publié de nouvelles recommandations relative à l'utilisation de l'hydroxychloroquine, selon lesquelles : 
  • l'hydroxychloroquine (seule ou associée à un macrolide) ne doit plus être utilisée dans le traitement COVID-19 ;
  • le bénéfice/risque de l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans les essais thérapeutiques doit être réévalué ; 
  • la régulation nationale et internationale des différents essais évaluant l'hydroxychloroquine dans la COVID-19 mérite un renforcement.

Cette nouvelle position tient compte des connaissances et des ressources actuellement disponibles sur cette substance, à savoir la faible démonstration d'une efficacité éventuelle et, à l'inverse, et un profil de toxicité largement précisé. 

À ce stade des connaissances, pour le HCSP, le traitement dit « standard of care » (traitement symptomatique de support, adapté à l'état du patient) demeure le traitement de référence.


Une démonstration de l'efficacité peu convaincante
Depuis l'étude suggérant l'activité in vitro de l'hydroxychloroquine sur le virus SARS-CoV-2, plusieurs études cliniques in vivo ont été mises en œuvre, en France et à l'étranger, afin de confirmer l'efficacité de cette substance : 
  • seule ou en association avec l'azithromycine, 
  • en prophylaxie pré-exposition,
  • à différents stades de l'infection virale, pour évaluer son intérêt à éviter l'aggravation de la pathologie. 
Malgré ces études diverses, il n'existe pas à ce jour de données robustes en faveur d'une supériorité de l'hydroxychloroquine par rapport au traitement de support standard, et aucun résultat ne permet de conclure à l'intérêt de ce médicament chez les patients COVID-19. 

Un profil de toxicité clairement démontré
En revanche, cette utilisation élargie depuis plusieurs semaines à des patients autres que ceux ciblés par l'AMM de PLAQUENIL (polyarthrite rhumatoïde et lupus érythémateux principalement) a permis d'affiner le profil de sécurité de l'hydroxychloroquine (nos articles du 14 avril 2020 et du 15 mai 2020).

Scrutée par les centres de pharmacovigilance, l'hydroxychloroquine entre dans le cadre de deux études : 
  • l'étude confiée au centre de pharmacovigilance de Dijon, qui a pour but de recenser les effets indésirables rapportés avec les médicaments utilisés dans le traitement de la COVID-19 : près de 6 cas d'événements indésirables sur 10 sont rapportés avec un traitement par hydroxychloroquine (56 % : données aux 6 mai 2020), avec en majorité des événements cardiaques ; 
  • l'étude confiée au centre de pharmacovigilance de Nice, qui se focalise sur les événements indésirables cardiaques : sans surprise, l'hydroxychloroquine est la substance la plus souvent en cause (88 %), seule ou associée à l'azithromycine

À partir de ces éléments, les CRPV (centres régionaux de pharmacovigilance) considèrent que la balance bénéfice/risque de l'hydroxychloroquine est défavorable dans la prise en charge de l'infection COVID, en dehors des essais cliniques. 

Une étude publiée dans The Lancet enfonce le clou
Récemment, la position des CRPV s'est vue renforcée par les résultats d'une étude comparative observationnelle multinationale publiée dans la revue scientifique The Lancet (22 mai 2020). 
Les auteurs ont analysé les données de mortalité à l'hôpital et la survenue d'arythmie ventriculaire associées au traitement par hydroxychloroquine ou chloroquine, avec ou sans macrolide.

Au total, 96 032 patients ont été inclus, tous confirmés COVID-19 par un test virologique. Les résultats de l'étude n'apportent aucun argument en faveur d'un bénéfice sur l'évolution de l'infection avec un traitement par chloroquine ou hydroxychloroquine. En revanche, ils suggèrent une surmortalité intra-hospitalière et un sur-risque d'arythmie ventriculaire dans ces groupes de patients. 


Prescription et dispensation de l'hydroxychloroquine : adaptation du cadre réglementaire
Suite à ce nouvel avis du HCSP, les dispositions réglementant la prescription et la dispensation de l'hydroxychloroquine chez les patients COVID-19 en France ont été modifiées : 
  • pour les médecins hospitaliers : suppression de la dérogation autorisant la prescription et l'administration de l'hydroxychloroquine aux patients COVID-19 hospitalisés (notamment patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe). Cette disposition prévue à l'article 19 du décret du 11 mai 2020 est abrogée (décret du 26 mai 2020) ; 
  • pour les pharmaciens hospitaliers : suppression de la dérogation autorisant la dispensation de l'hydroxychloroquine pour une utilisation chez des patients COVID-19 hospitalisés, ou en rétrocession pour la poursuite de leur traitement à domicile. La prise en charge à 100 % de l'hydroxychloroquine dans cette situation est supprimée. Cette disposition prévue à l'article 19 du décret du 11 mai 2020 est abrogée (décret du 26 mai 2020) ; 
  • pour les médecins généralistes : maintien des restrictions de prescription de PLAQUENIL et autres préparations à base d'hydroxychloroquine (arrêté du 26 mai 2020). La prescription initiale est réservée aux rhumatologues, médecins de médecine interne, dermatologues, néphrologues, neurologues ou pédiatres. Le renouvellement de prescription peut être réalisé par tout médecin ; 
  • pour les pharmaciens de ville : maintien des restrictions pour la dispensation de PLAQUENIL et les préparations à base d'hydroxychloroquine afin de réserver ce médicaments aux indications de son AMM (arrêté du 26 mai 2020). Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, la dispensation de PLAQUENIL reste conditionnée à une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie. Le renouvellement de cette prescription initiale peut être réalisé par tout médecin. 

En résumé, ce nouveau cadre réglementaire interdit désormais l'utilisation hors AMM de l'hydroxychloroquine chez les patients COVID-19, même à l'hôpital chez des patients présentant un caractère de gravité. 

Hydroxychloroquine et essais cliniques : suspension des nouvelles inlusions
Le 23 mai 2020, le comité scientifique de l'essai international Solidarity en lien avec l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) a décidé de suspendre les inclusions de nouveaux patients dans le bras hydroxychloroquine, dans l'attente d'une réévaluation globale du bénéfice/risque de cette molécule dans les essais cliniques.

Suite à cette décision et par mesure de précaution, l'ANSM a lancé auprès des promoteurs évaluant l'hydroxychloroquine une procédure de suspension des inclusions de patients dans les essais cliniques menés en France (16 essais autorisés). Cette procédure prendra effet après un délai de contradictoire de 24h, à partir du 26 mai 2020.

Les patients en cours de traitement avec de l'hydroxychloroquine dans le cadre de ces essais cliniques pourront le poursuivre jusqu'à la fin du protocole.

Pour aller plus loin
COVID-19 : l'ANSM souhaite suspendre par précaution les essais cliniques évaluant l'hydroxychloroquine dans la prise en charge des patients - Point d'Information (ANSM, 26 mai 2020)
Communiqué - Covid-19 : utilisation de l'hydroxychloroquine (HCSP, 26 mai 2020)
Avis relatif à l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans le COVID-19 (HCSP, 24 mai 2020)

Décret n° 2020-630 du 26 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire (Journal officiel du 27 mai 2020 - texte 10)
Arrêté du 26 mai 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire (Journal officiel du 27 mai 2020 - texte 29)


Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19: a multinational registry analysis. Mehra Mandeep R, Desai Sapan S, Ruschitzka Frank, Patel Amit N (Lancet, mai 2020)
 

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charline34 - Il y a 3 ans 0 commentaire associé
Cette décision est plus politique que médical encore une histoire d'intérêts financiers qui passent avant le bien-être des gens !!!!
Berni Il y a 3 ans 1 commentaire associé
Le seul défaut du Plaquenil, c'est qu'il soit bon marché. Il vaudrait 100 fois plus cher, on lui trouverait des bienfaits inestimables.
BPriolet Il y a 3 ans 1 commentaire associé
La pensée unique est en marche suivie de prés par la mauvaise foi. Lymlphomane qui connait le code de déontologie par coeur ignore la liberté de prescrire du médecin pourtant inscrite dans le même code. Les articles du Pr Raoult sont ce qu'ils sont : observationnels. Les chantres de l'evidence based medicine s'en gaussent mais ils ne cessent de produire des articles observationnels de moins bonne qualité pour décréter l'inefficacité d'un traitement, sa dangerosité et arrêter les essais randomisés avant leur terme (il y a pourtant des procédures pour le faire sans que cela passe par des décisions politiques). Les grandes revues se discréditent en publiant ces papiers indignes. Comment croire au sérieux d'une étude sur 96000 patients produite en un mois ? Quelle contrôle sur la qualité des données ? Quels moyens financiers pour y parvenir ? Quels conflits d'intérêts ?
out Il y a 2 ans 0 commentaire associé

La liberté de prescrire ... les mdéicaments autorisés.
Le premier article de Raoult est ue fraude scientifique : sur 26 patients du groupe traité , il en a perdu 6, dont 3 transféré en réa (donc hors IHU, sans qu'on sache si ils ont guéri ou pas) et un décédé.
Et la conclusion (et les communications ultérieures de Raoult) est que le traitement "marche"

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