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Sur le chemin de l’élimination de l’hépatite C en France

Une publication récente du BEH fait le point sur les prescriptions d’antiviraux d'action directe contre l’hépatite C de 2014 à 2017.

Fin 2017, en France métropolitaine, environ 59 000 personnes avaient reçu un traitement de ce type. Comparé à l’objectif fixé par le Programme national de santé publique « Priorité Prévention 2018-2022 », soit 120 000 personnes traitées fin 2022, la moitié du chemin était donc franchie il y a presque deux ans.

L'élargissement progressif des indications de ces antiviraux, ainsi que leur mise à disposition des médecins de ville, ont contribué à augmenter le nombre de prescriptions en 2017.
Les auteurs proposent également des pistes pour parvenir à l’élimination de cette infection en France d’ici 2025, en dépit de l'existence de dizaines de milliers de personnes dans l'ignorance de leur infection par le virus de l'hépatite C (VHC).
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Entre 2014 et 2017, environ 53 000 personnes ont guéri de l'hépatite C en France (illustration).

Entre 2014 et 2017, environ 53 000 personnes ont guéri de l'hépatite C en France (illustration).


Un traitement plus simple à prescrire et dont l'indication a été étendue à tous les patients
Fin 2013, de nouvelles substances antivirales spécifiquement dirigées contre le virus de l'hépatite C (VHC), les antiviraux d'action directe (AAD), ont été commercialisées. Depuis cette date, d'autres AAD ont rejoint le marché, en particulier deux AAD dits « pangénotypiques », efficaces quel que soit le génotype du virus (EPCLUSA et MAVIRET).
En 2014, des restrictions à la prescription existaient et les AAD étaient réservés aux patients atteints de fibrose hépatique avancée, de lymphome, de cryoglobulinémie symptomatique ou co-infectés par le VIH. Ces restrictions ont progressivement été levées, d'abord pour les usagers de drogue en 2016 puis, depuis août 2017, pour l'ensemble des personnes infectées par le VHC (avec une réduction significative du prix du traitement).
Depuis mai 2019, les deux AAD pangénotypiques peuvent être prescrits par tout médecin généraliste.

 
Presque 59 000 patients traités en 4 ans
C'est dans ce contexte d'ouverture croissante que des chercheurs de la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie), de la DGS (Direction générale de la santé) et de Santé Publique France ont étudié les prescriptions d'AAD entre 2014 et 2017. Publiés dans le BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire), les résultats de leurs travaux sont prometteurs.

Entre janvier 2014 et décembre 2017, 58 943 personnes ont reçu des AAD en France métropolitaine. La progression du nombre de prescriptions annuelles reflète l'ouverture progressive des conditions de prescription : 11 500 en 2014, 13 904 en 2015, 14 291 en 2016 et 19 248 en 2017 (soit une augmentation de 35 % entre 2016 et 2017, reflétant l'extension des indications et l'arrivée de deux AAD au printemps 2017, dont le premier traitement pangénotypique).

Le coût total de ces prescriptions est d'environ 3,5 milliards d'euros.
Sur l'hypothèse d'un taux de guérison après traitement de 90 % (taux conservateur comparé à celui des études observationnelles), ce sont donc environ 53 000 personnes qui ont guéries de leur hépatite C entre 2014 et 2017.

 
Une évolution du profil des patients traités
Selon l'étude du BEH, le profil des patients traités par AAD a évolué entre 2014 et 2017.
Au début essentiellement masculin (65 % des patients en 2014), le genre des patients s'est progressivement équilibré (57 % de patients masculins en 2017). Pour expliquer cette évolution, les auteurs de l'étude évoquent le fait que, chez les patientes, la fibrose hépatique est plus tardive (moins d'alcoolodépendance et de syndrome métabolique, et action antifibrosante des estrogènes) et le risque d'hépatocarcinome moins élevé.
Au cours des années étudiées, l'âge moyen des patients traités a diminué, passant de 58 à 55 ans chez les hommes et de 56 à 54 ans chez les femmes.
En terme de répartition géographique, le nombre de prescriptions pour 100 000 habitants était le plus élevé en Île-de-France et en région PACA (désormais, région Sud), suivies par l'Occitanie et la Nouvelle Aquitaine.

 
Focus sur les usagers de drogue et les personnes co-infectées par le VIH
Dans leur étude, les auteurs se sont concentrés sur deux sous-populations de patients ayant reçu des AAD :
  • les personnes pour lesquelles un traitement substitutif des opiacés (TSO) avait été prescrit entre 2008 et 2017 (donc seulement une fraction des usagers de drogue) ;
  • les personnes co-infectées par le VIH.

Ces personnes représentaient, respectivement, 8 714 (15 % des traitements) et 7 848 patients (13 %). Les hommes représentaient 81 % des patients TSO et 75 % des patients VIH.
Du fait de l'extension des indications et de l'arrivée de nouveaux AAD, le nombre de patients TSO a fortement augmenté en 2017 (+ 113 % par rapport à 2016 avec 3 063 traitements). À l'inverse, le nombre de patients VIH traités, après une forte progression en 2015 (+ 89 %), a stagné en 2016 (- 4 %) et diminué en 2017 (- 47 %), montrant ainsi que les personnes co-infectées ont été massivement traitées dès 2014-2015.

 
Des résultats en ligne avec les objectifs de santé publique
Dans le Programme national de santé publique « Priorité Prévention 2018-2022 », les objectifs pour une élimination de l'hépatite C dès 2025 en France sont de 120 000 personnes traitées fin 2022, l'élimination étant définie par une réduction de l'incidence de 90 % et de la mortalité de 65 %.
Les résultats de l'étude du BEH sont en ligne avec ces objectifs, pour peu que les prescriptions continuent au rythme moyen de 12 000 prescriptions par an jusqu'en 2022.
Ces résultats sont à mettre en regard de l'évolution du nombre de personnes ayant appris leur infection par le VHC entre 2013 et 2016 (enquête LABOHEP). Durant cette période, le nombre annuel de tests positifs pour le VHC a diminué de 7 %, notamment chez les hommes âgés de 20 à 49 ans : - 30 à 40 %. Parallèlement, le nombre de patients en ALD pour une hépatite C chronique a diminué de 12,5 % entre 2013 et 2016.

 
La question des personnes qui ignorent leur infection par le VHC
Néanmoins, pour relativiser ces bons résultats, reste la question des personnes infectées par le VHC sans le savoir, dont le nombre est difficile à estimer.
Habituellement, les chercheurs évoquaient environ 75 000 personnes dans ce cas (pour un total de 193 000 personnes infectées par le VHC, chiffres datant de 2011), mais un autre article récent du BEH, rapportant les résultats de l'étude BAROTEST 2016, montre la difficulté à estimer ce nombre : cette enquête épidémiologique, menée en 2016, aboutit à un nombre moyen de 26 000 personnes porteuses du VHC sans en avoir connaissance, mais avec un écart-type considérable (entre 14 200 et 30 711 !). Selon cette étude, environ 146 000 personnes étaient infectées par le VHC en 2016 en France métropolitaine.

 
Des efforts restent à faire, en particulier vers les populations à risque
Les auteurs de l'étude du BEH insistent sur l'importance, pour parvenir à l'élimination de l'hépatite C, de cibler les populations à risque afin de dépister les infections méconnues.
Pour eux, "cela n'est réalisable que par le maintien de la mobilisation des acteurs de première ligne, qui devrait se renforcer par la mise en place de dispositifs innovants de parcours Test and treat [consistant à proposer de façon simultanée un dépistage, un bilan pré-thérapeutique et un traitement si nécessaire], en particulier chez les UD*, l'ouverture de la prescription de deux AAD pangénotypiques aux médecins généralistes depuis mai 2019 et le renforcement de l'incitation au dépistage à partir des recommandations à venir de la Haute autorité de santé, et grâce à la mise en œuvre de campagnes régionales".

* usagers de drogue

Pour aller plus loin

L'étude du BEH sur les prescriptions d'AAD entre 2014 et 2017
Dessauce C, Semenzato L, et al. « Les antiviraux à action directe dans le traitement de l'hépatite C chronique : retour sur quatre ans de prise en charge par l'Assurance maladie (janvier 2014-décembre 2017). » Bull Epidémiol Hebd. 2019;(24-25):502-9.

L'étude du BEH sur l'épidémiologie du VHC en France en 2016 (étude BAROTEST)
Saboni L, Brouard C, et al. « Prévalence des hépatites chroniques C et B, et antécédents de dépistage en population générale en 2016 : contribution à une nouvelle stratégie de dépistage, Baromètre de Santé publique France-BaroTest. » Bull Epidémiol Hebd. 2019;(24-25): 469 -77.

Les résultats de l'étude LABOHEP sur les tests positifs au VHC
« Hépatites B et C : dernières données épidémiologiques », Santé Publique France, 2018

Le Programme national de santé publique « Priorité Prévention 2018-2022 » (point 15)
« Priorité Prévention : Rester en bonne santé toute sa vie », Comité interministériel pour la santé, 2018


Sur VIDAL.fr
Prise en charge simplifiée de l'hépatite C chronique : EPCLUSA et MAVIRET prescriptibles par tout médecin (23 mai 2019)
EPCLUSA, SOVALDI, HARVONI : désormais disponibles en ville dans la prise en charge de l'hépatite C chronique (5 avril 2018)
Dépistage, parcours, traitements... : recommandations de l'AFEF pour une élimination rapide de l'hépatite C (21 mars 2018)
Hépatite C chronique : MAVIRET, première association d'antiviraux d'action directe disponible en ville (14 mars 2018)
EPCLUSA (sofosbuvir, velpatasvir) : nouvelle association d'AAD pangénotypiques dans l'hépatite C chronique (19 avril 2017)
Sources

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