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Chimiothérapie par fluoropyrimidines : l'uracilémie est le test le plus fiable pour dépister un déficit en DPD

Les chimiothérapies à base de fluoropyrimidines exposent les patients à des effets indésirables sévères, survenant dans un cas sur 5.

Cette toxicité est en partie causée par un déficit en dihydropyromidine déshydrogénase (DPD) qu'il convient donc de rechercher systématiquement chez les patients traités par fluoropyrimidines. 

Pour guider les prescripteurs, la HAS et l’INCa ont publié des recommandations sur l’examen à réaliser et sur la conduite thérapeutique à tenir en fonction des résultats du patient. 
David Paitraud 20 décembre 2018 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Pour être actif, le fluorouracile doit être métabolisé dans la cellule en subissant les mêmes réactions enzymatiques que les nucléotides normaux (illustration).

Pour être actif, le fluorouracile doit être métabolisé dans la cellule en subissant les mêmes réactions enzymatiques que les nucléotides normaux (illustration).


Déficit en DPD : une cause de toxicité des fluoropyrimidines
Les fluoropyrimidines (Cf. Encadré 1) peuvent entraîner des toxicités sévères chez 1 patient sur 5, voire des décès (entre 1 patient sur 100 et 1 patient sur 1000). 
Le déficit d'activité de la dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), principale enzyme permettant l'élimination des médicaments à base de fluoropyrimidine, a été identifié comme une des cause de cette toxicité. 
Le déficit est considéré :
  • partiel (3 à 5 % des patients) ;
  • total (entre 0,01 % et 0,5 % des patients).

Encadré 1 -  Quelques rappels sur les fluoropyrimidines
Les fluoropyrimidines constituent une classe pharmacologique utilisée en chimiothérapie, dans le traitement des cancers digestifs, du sein ou ORL. 
En France, près de 80 000 malades reçoivent chaque année ce type de traitement.
Les médicaments commercialisés sont le 5-fluorouracile sous forme injectable (5-FU, disponible à l'hôpital) et la capécitabine en comprimé pelliculé (XELODA et génériques, disponible à l'hôpital et en ville). 

Recherche systématique d'un déficit en DPD : doser l'uracilémie
Afin de minimiser le risque de toxicité des chimiothérapies par fluoropyrimidines, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recommande la recherche systématique d'un déficit en DPD. 

Les récentes recommandations de l'Institut national du cancer (INCa) et la Haute Autorité de Santé (HAS) précisent les modalités de recherche de ce déficit, dans le cadre de chimiothérapies comportant des fluoropyrimidines. 
Elles avaient pour pré-requis :
  • d'identifier en priorité tous les patients déficitaires complets en DPD afin de prévenir, a minima et autant que possible, les toxicités les plus graves, en particulier celles pouvant entraîner un décès ; 
  • éviter un diagnostic erroné de déficit complet en DPD, avec pour conséquence de priver le patient d'un traitement par fluoropyrimidines.

Les recommandations portent sur la mesure de l'uracilémie (concentration plasmatique de l'uracile). L'uracile étant présent dans l'organisme et naturellement dégradé par la DPD, un excès d'uracile peut être corrélé à un déficit en DPD.

La mesure de la concentration d'uracile dans le sang est aujourd'hui la technique la plus fiable pour déterminer si le patient a un déficit complet en enzyme DPD. Cet examen permet également d'identifier les déficits partiels en DPD.

Cet examen doit être réalisé avant l'initiation du traitement par fluoropyrimidines. 

Mesure de l'uracilémie en pratique
En pratique, la HAS et l'INCa préconisent :
  • des conditions strictes de circuit du prélèvement sanguin, impératives pour la fiabilité des résultats ;
  • des valeurs seuils pour l'interprétation de ces résultats ;
  • un délai de rendu de résultats, de la prescription du test à la réception du résultat par le clinicien, idéalement de 7 jours, au maximum de 10 jours. Au-delà, le retard d'initiation du traitement pourrait être préjudiciable pour le patient.
La HAS est également favorable au remboursement de la mesure de l'uracilémie par l'Assurance maladie. 

Décision thérapeutique en fonction des résultats d'uracilémie
Un taux élevé d'uracilémie traduit un déficit en DPD, et par conséquent une augmentation du risque de toxicité sévère des médicaments de fluoropyrimidines. 

La décision thérapeutique et le choix de la posologie initiale de la fluoropyrimidine dépend donc du niveau d'uracilémie : 
  • uracilémie supérieure ou égale à 150 ng/mL : ce taux évoque un déficit complet en DPD. D'un point de vue thérapeutique, le  traitement par fluoropyrimidines est contre-indiqué, compte tenu du risque de toxicité très sévère. En cas d'absence d'alternative thérapeutique, le recours aux fluoropyrimidines ne peut être envisagé qu'à dose extrêmement réduite et sous surveillance très étroite. Dans ce cas, un suivi thérapeutique pharmacologique (dosage sanguin du médicament) est fortement recommandé ;
  • uracilémie comprise entre 16 ng/mL et 150 ng/mL : ce taux évoque un déficit partiel en DPD. D'un point de vue thérapeutique, le traitement par fluoropyrimidines peut être envisagé, mais avec une adaptation de la posologie initiale. Cette adaptation est réalisée sur la base d'un dialogue entre le laboratoire et l'équipe médicale, en tenant compte du niveau d'uracilémie mesuré, en plus des autres facteurs de risque de toxicité déjà pris en compte (protocole de traitement, âge, état général du patient, etc.). Un réajustement thérapeutique doit être envisagé dès le deuxième cycle de chimiothérapie en fonction de la tolérance au traitement et/ou du suivi thérapeutique pharmacologique s'il est disponible.

Pour aller plus loin
Des recommandations pour prévenir certaines toxicités sévères des chimiothérapies par fluoropyrimidines (HAS/INCa, 19 décembre 2018)
Méthodes de recherche d'un déficit en dihydropyrimidine deshydrogénase visant à prévenir certaines toxicités sévères associées aux traitements incluant une fluoropyrimidine (5-fluorouracile ou capécitabine) (HAS, novembre 2018)
Traitement par fluoropyrimidines (5-fluorouracile et capécitabine) et déficit en dihydropyrimidine deshydrogénase (DPD) : l'ANSM invite les professionnels de santé à appliquer les nouvelles recommandations émises par l'INCa et la HAS - Point d'Information (ANSM, 18 décembre 2018)
Prévention des effets indésirables graves liés à un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) lors de traitement par fluoropyrimidines (5-fluorouracile et capécitabine) - Point d'Information (ANSM, 8 février 2018)

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