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Risque cardiovasculaire et oméga-3 : résultats d'une méta-analyse Cochrane et de l'étude VITAL

La Collaboration Cochrane a réalisé une vaste méta-analyse de 79 études randomisées regroupant plus de 112 000 patients et analysant l'éventuel impact cardiovasculaire d'une supplémentation en acides gras oméga-3 .

Les auteurs ont constaté que la prise de ces suppléments issus d'huiles de poisson (oméga-3 DHA et EPA) ne réduisait ni le risque, ni la mortalité cardiovasculaire.

Ces conclusions rejoignent celles de l’étude VITAL (effets de la supplémentation en vitamine D3 ou en oméga-3 à chaîne longue sur le risque et la mortalité cardiovasculaire ou liés au cancer), également publiée en novembre 2018.
 
La seule réduction du risque cardiovasculaire observée dans la méta-analyse Cochrane est liée à l’enrichissement de l’alimentation en acide alpha-linolénique (acides gras oméga-3 issus des huiles végétales ALA). Cette réduction, modeste mais significative, porte uniquement sur le risque d’événement cardiovasculaire et d’arythmie cardiaque.
 
Parallèlement, létude VITAL montre une absence d’effet des oméga-3 ou de la vitamine D3 sur le risque ou la mortalité liés au cancer.
Stéphane Korsia-Meffre 13 Décembre 2018 Image d'une montre5 minutes icon 12 commentaires
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Les acides gras oméga-3 issus d'huiles de poisson sont sans effet sur le risque cardiovasculaire (illustration).

Les acides gras oméga-3 issus d'huiles de poisson sont sans effet sur le risque cardiovasculaire (illustration).


Acides gras oméga-3 et réduction du risque cardiovasculaire
Depuis plusieurs années, les acides gras polyinsaturés dits "oméga-3" ont été proposés pour réduire le risque cardiovasculaire.

Parmi ces acides gras oméga-3, ceux issus des huiles de poisson (acide eicosapentaénoïque EPA et acide docosahexaénoïque DHA, regroupés sous l'acronyme LCn3) et l'acide alpha-linolénique (ALA) issu de certaines huiles végétales (en particulier les huiles de lin, de pérille, de cameline, de chanvre, de graines de citrouille ou de noix). Les margarines enrichies en oméga-3 contiennent également ce type d'acide gras.

Cependant, diverses études cliniques randomisées ont récemment remis en question cette allégation.

Afin de tenter d'établir l'éventuel intérêt de cette supplémentation, la Collaboration Cochrane vient de publier une vaste méta-analyse d'essais cliniques randomisés portant sur une supplémentation en oméga-3 pendant plus de 12 mois.
 
Une méta-analyse portant sur plus de 112 000 patients
Le travail de la Collaboration Cochrane porte sur 79 essais cliniques randomisés, dont 25 ont été estimés à "faible risque de biais", et portant sur 112 059 patients avec un suivi allant de 12 à 72 mois.

Ces essais avaient recours soit à une supplémentation contre placebo (allant de 0,5 g/j à 5 g/j d'oméga-3, EPA/DHA ou ALA), soit à un enrichissement du régime en aliments contenant des acides gras oméga-3, soit à des conseils diététiques allant dans ce sens.

Les résultats de la méta-analyse ont été publiés sous forme d'un rapport de 745 pages détaillant chacune des études prises en compte.
 
Oméga-3 issus des huiles de poisson (LCn3) : aucun effet sur la santé cardiovasculaire
La méta-analyse de la Collaboration Cochrane n'a identifié aucune réduction du risque cardiovasculaire associée à la supplémentation en DHA/EPA.

Les critères étudiés étaient la mortalité toutes causes confondues, la mortalité cardiovasculaire, la mortalité par accident coronarien, les accidents cardiovasculaires, les accidents coronariens, les AVC et les arythmies.

 
Effets de la supplémentation en oméga-3 EPA/DHA (LCn3) sur le risque cardiovasculaire dans la méta-analyse de la Collaboration Cochrane
  RR IC 95 Nombre de participants Nombre de décès/
événements
Mortalité toute cause 0,98 0,90 – 1,03 92 653 8 189
Mortalité cardiovasculaire 0,95 0,87 – 1,03 67 772 4 544
Accidents cardiovasculaires 0,99 0,94 – 1,04 90 378 14 737
Mortalité par accident coronarien 0,93 0,79 – 1,09 73 491 1 596
AVC 1,06 0,96 – 1,16 89 358 1 822
Arythmies 0,97 0,90 – 1,05 53 796 3 788
Accidents coronariens 0,93 0,88 – 0,97 84 301 5 469
  
Seul effet clairement observé et reproductible d'une étude à l'autre, la supplémentation en LCn3 réduit significativement le taux sanguin de triglycérides (d'environ 15 %), avec un effet dose-dépendant.

Acide alpha-linolénique (ALA) : réduction modeste du risque d'accidents cardiovasculaires et d'arythmies
La méta-analyse de la 
Collaboration Cochrane pointe vers un effet modeste mais significatif de la supplémentation en ALA sur le risque d'accidents cardiovasculaires, ainsi qu'un effet plus net sur le risque d'arythmies. 
 
Effets de la supplémentation en ALA sur le risque cardiovasculaire dans la méta-analyse de la Cochrane Collaboration
  RR IC 95 Nombre de participants) Nombre de décès/
événements
Mortalité toute cause 1,01 0,84 – 1,20 19 327 459
Mortalité cardiovasculaire 0,96 0,74 – 1,25 18 619 219
Mortalité par accident coronarien 0,95 0,72 – 1,26 18 353 193
Accidents coronariens 1,00 0,80 – 1,22 19 061 397
Accidents cardiovasculaires* 0,95 0,83 – 1,07 19 327 884
Arythmies* 0,79 0,57 – 1,10 4 837 141
AVC Effets non mesurables du fait la mauvaise qualité des études concernées
(*) Critères pour lesquels une réduction significative du risque a été observée avec la supplémentation en ALA.
 
De plus, ces effets positifs étaient davantage significatifs dans les études à faible risque de biais.

Des résultats qui rejoignent ceux de l'étude VITAL
Récemment, le New England Journal of Medicine a publié les résultats de l'étude VITAL, une étude randomisée contre placebo évaluant les effets des LCn3 et de la vitamine D3 (séparément) sur la santé cardiovasculaire et le risque de cancer.

Dans cette étude, 25 871 participants américains âgés de plus de 50 ans (hommes) ou plus de 55 ans (femmes) ont reçu soit de la vitamine D (2000 UI par jour), soit des LCn3 (1 gramme par jour), soit un placebo, pendant 5,3 ans en moyenne (entre 3,8 et 6,1 années).

Dans la publication du NEJM concernant les effets des LCn3, aucune réduction du risque cardiovasculaire n'a été observée sur les critères mesurés (mortalité toutes causes confondues, mortalité cardiovasculaire, accidents cardiovasculaires, infarctus, AVC, voir tableau ci-dessous pour les RR et l'IC95). Une similaire absence de réduction du risque a été observée avec la supplémentation en vitamine D3 (396 événements ou décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou AVC sous vitamine D contre 409 sous placebo).

 
Effets de la supplémentation en EPA/DHA (LCn3) ou en vitamine D3 versus placebo sur le risque cardiovasculaire dans l'étude VITAL
  RR IC 95
LCn3
Accidents cardiovasculaires 0,92 0,80 – 1,06
Infarctus du myocarde 0,72 0,59 – 0,90
AVC 1,04 0,83 – 1,31
Mortalité cardiovasculaire 0,96 0,76 – 1,21
Mortalité toute cause 1,02 0,90 – 1,15
Vitamine D3
Accidents cardiovasculaires 0,96 0,88 – 1,06
Infarctus du myocarde 0,96 0,79 – 1,19
AVC 0,95 0,76 – 1,20
Mortalité cardiovasculaire 1,11 0,88 – 1,40
Mortalité toute cause 0,99 0,87 – 1,12
  
Pas d'effet positif des LCn3 ou de la vitamine D3 sur le risque de cancer
Ce que montre également l'étude VITAL, dans un article associé portant sur le risque de cancer, c'est que la supplémentation en LCn3 et la supplémentation en vitamine D3 ne sont pas associées à une diminution du risque de cancer (en général, mais aussi de manière spécifique sur le cancer du sein, le cancer de la prostate ou le cancer colorectal).

L'administration quotidienne de LCn3 n'a eu en effet aucun effet sur le nombre de cancers (386 sous LCn3 contre 419 sous placebo, RR 1,03, IC95 0,93 – 1,13), ni celle de vitamine D3 (793 sous vitamine D3 contre 824 sous placebo, RR 0,97, IC95 0,85 – 1,12).

 
Effets de la supplémentation en EPA/DHA (LCn3) ou en vitamine D3 sur le risque de cancer dans l'étude VITAL
  RR IC 95
LCn3
Nombre de cancers invasifs 1,03 0,93 – 1,13
Mortalité par cancer 0,97 0,79 – 1,20
Vitamine D3
Nombre de cancers invasifs 0,97 0,85 – 1,12
Mortalité par cancer 0,83 0,67 – 1,02
 
Selon la conclusion des auteurs de la méta-analyse de la Cochrane Collaboration, "l'évidence montre que la supplémentation en oméga-3 issus des huiles de poisson, ou la consommation de poisson, ne réduit pas le risque de maladie cardiaque, d'AVC ou de décès. (…) Cependant, augmenter la consommation de végétaux ou d'huiles riches en acide alpha-linolénique peut modérément protéger contre les accidents cardiovasculaires ou les arythmies".

 
Pour aller plus loin
 
La méta-analyse de la Cochrane Collaboration sur les effets cardiovasculaires de la supplémentation en acides gras oméga-3
Abdelhamid AS, Brown TJ, Brainard JS et al. « Omega-3 fatty acids for the primary and secondary prevention of cardiovascular disease. » Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 11.
 
Les résultats de l'étude VITAL sur les effets des acides gras oméga-3 des huiles de poisson sur le risque cardiovasculaire
Manson JE, Cook NR, Lee IM et al. « Marine n-3 Fatty Acids and Prevention of Cardiovascular Disease and Cancer ». N Engl J Med. 2018 Nov 10.
 
Les résultats de l'étude VITAL sur les effets de la vitamine D3 sur le risque cardiovasculaire et de cancer
Manson JE, Cook NR, Lee IM et al. « Vitamin D Supplements and Prevention of Cancer and Cardiovascular Disease. » N Engl J Med. 2018 Nov 10.

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jmcoco Il y a 5 ans 1 commentaire associé
Quelles sont les limites de la méta-analyse Cochrane ? Cette "collaboration" a tendance à affirmer des certitudes "evidence based" mais omet, la plupart du temps, de tempérer ses affirmations en montrant les biais qui entourent ses méta-analyses. Ainsi, il y a peu, une ré-analyse indépendante de Cochrane des essais cliniques de l'oseltamivir dans la grippe a obtenu des résultats à l'opposé de ceux de Cochrane Voir Lancet. 2015 May 2;385(9979):1729-1737. doi: 10.1016/S0140-6736(14)62449-1. Epub 2015 Jan 30. Oseltamivir treatment for influenza in adults: a meta-analysis of randomised controlled trials. Dobson J, Whitley RJ, Pocock S, Monto AS
Modérateur Médecine générale Il y a 5 ans 0 commentaire associé
Bonsoir, La Collaboration Cochrane, comme tout travail de ce type, comporte des limites; les auteurs mentionnent des biais notables méthodologiques pour 3 des études analysées, et soulignent les biais inhérents à cette technique de méta-analyse d'études de taille et méthodologies différentes. Plus généralement, les méta-analyses Cochrane vont être d'autant plus scrutées suite au renvoi de Peter Gøtzsche : docteurdu16.blogspot.com www.nogracias.eu C'est d'ailleurs pour cela que nous avons couplé le résumé de cette méta-analyse à un résumé de l'étude VITAL. Mais si des contestations scientifiques étayées de ces résultats ou de nouvelles études viennent contredire ces conclusions, nous nous en ferons bien sûr l'écho. Bien à vous
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