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ARICEPT, EBIXA, EXELON et REMINYL : Agnès Buzyn annonce leur déremboursement, premières réactions

Les 4 médicaments dits "anti-Alzheimer" vont être prochainement déremboursés, conformément aux préconisations de la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2016, a annoncé Agnès Buzyn, ministre de la santé, sur RTL le 29 mai 2018 (1).

[édit 1/6/18] Un arrêté est paru ce jour au Journal Officiel (1 bis) 
. Il fixe l'entrée en vigueur de ce déremboursement le 1er août 2018 [/édit]. 
 
Cette annonce fait suite à la parution du guide Parcours de soins de la HAS pour les patients ayant  une maladie d’Alzheimer ou apparentée. Ce guide et 19 fiches pratiques rappellent le service médical rendu malheureusement insuffisant de ces molécules (efficacité symptomatique au mieux très faible, risques d’effets indésirables sérieux, voire graves). Ce guide définit par contre un parcours de soins listant les différentes aides possibles pour ces patients, du diagnostic précoce au suivi, à l’accompagnement, l’aide au quotidien, la prévention des complications et la gestion des formes sévères (voir notre article).
 
Cette décision, déjà saluée par le Collège de la médecine générale (2), était également demandée depuis longtemps par la revue Prescrire, qui estime (3) que ces médicaments "ont une efficacité minime et transitoire. Ils sont peu maniables en raison d'effets indésirables disproportionnés et exposent à de nombreuses interactions".
 
A l’inverse, dans un communiqué envoyé à l’AFP et donc relayé par de nombreux médias(4), cinq sociétés savantes de neurologues et gériatres s’insurgent, s, appelant "à un nouvel examen des résultats scientifiques réels des grandes études internationales avant de prendre une décision définitive qui isolerait la France et, surtout, serait délétère pour les patients français et leur entourage".
 
Du côté de l’association France Alzheimer (5), on prend acte de cette décision mais en la jugeant "infondée, inadaptée et allant à l’encontre d’une optimisation de la prise en soin des familles".  L’association estime par ailleurs que "la prescription des médicaments participait aussi grandement à maintenir un lien thérapeutique entre le médecin et le patient", lien qui peut cependant être établi autrement, sans médicaments, explique le guide HAS.
31 mai 2018 01 juin 2018 Image d'une montre8 minutes icon 11 commentaires
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Agnès Buzyn sur RTL (11 septembre 2017, illustration).

Agnès Buzyn sur RTL (11 septembre 2017, illustration).

 
18 mois après l'avis de la HAS, Agnès Buzyn annonce le déremboursement des médicaments dits "anti-Alzheimer" (édit : fixé le 1er août 2018 /édit)
Sur RTL le 28 mai 2018, Agnès Buzyn a annoncé (1) qu'elle devrait "dans les jours qui viennent, annoncer, effectivement, le fait que nous suivons les recommandations de la Haute Autorité de santé (…) La date n'est pas fixée, mais nous allons vers un déremboursement" des 4 médicaments dits "anti-Alzheimer" : ARICEPT (donépézil), EXELON (rivastigmine),  REMINYL (galantamine) et l'EBIXA (mémantine).

?[édit 1/6/18] Un arrêté est paru ce jour au Journal Officiel (1 bis) 
. Il fixe l'entrée en vigueur de ce déremboursement le 1er août 2018 [/édit]. 
 
Ces médicaments sont donc encore remboursés jusqu'au 1er août 2018, théoriquement à 15 % mais comme ces patients sont en ALD, ils sont de fait remboursés à 100 %
 
Pourquoi dérembourser ces médicaments ?
Depuis la mise sur le marché d'ARICEPT en 1997, ces médicaments ont été largement prescrits, remboursés à 65 % (SMR important) et réévalués, notamment par la revue Prescrire ou la Collaboration Cochrane, dès 2006 pour la mémantine (6).
 
En 2007, les études soulèvent des doutes sur l'efficacité réelle de ces médicaments, et donc de leur utilisé. La HAS maintient cependant leur SMR important (7), à condition que la prise en charge soit "globale".
 
En 2011, la commission de la transparence de la HAS a estimé (8) que si un "effet minime" et de courte durée sur les symptômes cognitifs uniquement a été relevé dans certaines études, son imputabilité n'est pas démontrée. De plus, cet effet minime n'est constaté que chez certains patients et surtout il s'avère de courte durée, n'influant pas sur le délai d'entrée en institution… Cette analyse s'appuie notamment   sur les résultats d'une revue systématique sur l'efficacité du donépézil, de la galantamine et de la rivastigmine sur les symptômes psychologiques et comportementaux chez des patients à un stade de sévérité léger à sévère (Clinical Interventions in Aging 2008 (9)).
 
Du côté de la tolérance, chez ces personnes âgées souvent polymédiquées , cette réévaluation de 2011 confirme les risques d'interactions médicamenteuse. De plus , en cas de prise d'anticholinestérasiques, un risque d'effets indésirables digestifs est constaté. Sous anticholinestérasiques (Rev Geriatr. 2007 (10)) comme sous galantamine (Ann Pharmacother 2008 (11)), un surrisque d'effets indésirables cardiovasculaires (bradycardie, syncope, hypotension, blocs auriculo-ventriculaires, arythmies, infarctus du myocarde) et neuropsychiatriques (vertiges, confusion, délire), est souligné.
 
Le SMR est donc abaissé à "faible" (remboursement à 15 %, même siu de fait ces patients sont remboursés à 100 % car ils sont en ALD).
 
En 2016, la nouvelle réévaluation de 2016 confirme les analyses de 2011 (12), rappelant en sus que la méthodologie des études montrant un faible effet positif et transitoire sur la cognition de certains patients est biaisée car les sujets inclus dans ces études sont plus jeunes que ceux traités en pratique réelle et ne présentent pas de comorbidités ni de risques d'interactions médicamenteuses.
 
La commission de la transparence de HAS (Haute Autorité de santé) a donc estimé que les médicaments actuellement indiqués dans la maladie d'Alzheimer présentent un intérêt médical insuffisant pour un remboursement.
               
Pourquoi avoir attendu plus de 18 mois pour le faire ?
Marisol Touraine (ancienne ministre de la santé), encore sur RTL et en octobre 2016 (13), a écarté un déremboursement "dans l'état actuel des choses". Avant de prendre une décision, elle souhaite qu'"un protocole de soins soit préalablement mis en oeuvre", ce qui, en pratique, excluait un déremboursement d'ici la fin de son mandat en mai 2017.
 
Marisol Touraine faisait allusion à un guide du parcours de soins pour la maladie d'Alzheimer afin d'accompagner la prise en charge des patients et de leur entourage, dont la HAS a annoncé l'élaboration en 2016.
 
Ce guide étant paru en mai 2018 (voir notre article résumant ce guide et avec 19 fiches pratiques en lien), Agnès Buzyn estime probablement qu'un tel cadre rend caduque l'absence de protocole de soins invoquée par Marisol Touraine et engage donc le déremboursement de ces 4 médicaments.
 
Première réactions positives…
Le Collège de la Médecine Générale  (CMG), dans un communiqué téléchargeable (2), "soutient la proposition de Mme la Ministre des solidarités et de la Santé de dérembourser enfin ces médicaments" (ce collège avait demandé le déremboursement et le retrait du marché de ces 4 médicaments en 2016). Le CMG affirme qu'il "sera extrêmement vigilant quant au déploiement des thérapeutiques non médicamenteuses, visant en particulier à mobiliser les capacités cognitives résiduelles du patient et à apporter du soutien aux  aidants".

Plusieurs médecins habituels lecteurs de la revue Prescrire ou formés à l'Evidence Based Medicine se sont réjouis sur Twitter de cette décision qu'ils réclamaient depuis longtemps.

Pour mémoire, le 
docteur Claude Leicher, ex-président du syndicat MG-France, s'insurgeait ces dernières années contre l'idée (également avancée en 2011 pour refuser le déreboursement) qu'une maladie cesse d'exister s'il n'y a plus de comprimés à donner, rappelle le journal La Croix (14) : "il est quand même étrange de considérer que le seul signifiant d'une consultation médicale est le médicament, disait-il à La Croix en avril 2017. Ce qui est bénéfique pour les patients, c'est d'abord de répondre à leur souhait de rester à domicile où ils ont tous leurs repères, avec un maintien de relations sociales et amicales. Certes, cela ne permet pas de guérir la maladie, mais cela ralentit l'évolution des troubles cognitifs".
 
Et premières réactions négatives
Comme en 2016, l'association France Alzheimer a immédiatement dénoncé cette décision ministérielle (5), et ce malgré la publication du guide Parcours de soins de la HAS.
 
"Cette décision, c'est aussi remettre en cause le travail des professionnels de santé, des neurologues, des médecins qui, depuis plusieurs années, prescrivaient ces médicaments à leurs patients, conscients des bienfaits sur ces derniers. Ils ne prescrivaient pas ces médicaments pour faire plaisir ou à titre compassionnel, voire pour éviter le désespoir du patient. Sachant que certains médicaments ont d'éventuels effets secondaires, jamais un médecin ne prendrait le risque de les prescrire sans être certains qu'il y a un bénéfice attendu, même modeste",  explique Joël Jaouen, président de France Alzheimer et maladies apparentées.
 
L'association avance également à nouveau l'argument dénoncé ci-dessus par Claude Leicher : "la prescription des médicaments participait aussi grandement à maintenir un lien thérapeutique entre le médecin et le patient".
 
Par ailleurs, 5 sociétés savantes (la Fédération des centres mémoire, la Fédération française de neurologie, la Société française de neurologie, la Société française de gériatrie et de gérontologie, et la Société Francophone de psychogériatrie et de psychiatrie de la personne âgée) protestent contre cette décision dans un communiqué de presse relayé par l'AFP et d'autres médias, comme Sciences et Avenir (6).
 
Ces sociétés savantes jugent que "selon plusieurs méta-analyses, les médicaments symptomatiques qui pourraient ne plus être remboursés demain ont prouvé leur efficacité sur la cognition dans la maladie d'Alzheimer, la maladie à corps de Lewy et la démence de la maladie de Parkinson. (...) Cet effet dont l'amplitude est modeste est démontré".

En conclusion : faute de mieux aujourd'hui, les mesures humaines, non médicamenteuses, sont à privilégier
Si seulement les médicaments avaient effectivement enrayé le déclin cognitif durablement, tout en étant bien tolérés…

Mais ce n'est pas le cas, il semble logique de dérembourser ces médicaments. De plus, malheureusement, les nouvelles molécules testées dans le monde par les grands laboratoires ont soulevé des espoirs, mais ne les confirment pas, du moins actuellement.
 
Vu l'absence de médicaments spécifiques utiles, il est donc plus que jamais prioritaire d'améliorer le parcours de soins de ces personnes gravement malades, de ne pas les déshumaniser, de favoriser leur maintien à domicile, de traiter, avec des médicaments si nécessaire (comme rappelé dans le guide Parcours de soins de la HAS), leurs symptômes non cognitifs, de soutenir et soigner leurs aidants, d'évaluer en permanence leur état de santé, de comprendre ce qui les gênent, les bloquent… Pour leur apporter, dans toute cette tristesse et cette fin de vie, un maximum d'humanité !


En savoir plus (par ordre de citation)
  1. Alzheimer : Agnès Buzyn confirme sur RTL le déremboursement prochain des médicaments , RTL, 28 mai 2018 ///// 1bis Arrêté du 29 mai 2018 portant radiation de spécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, Journal Officiel, 1er juin 2018 
  2. Le Collège de la Médecine Générale soutient le déremboursement des médicaments Anti-Alzheimer, 31 mai 2018
  3. Médicaments de la maladie d'Alzheimer, Prescrire, 1er novembre 2016
  4. Déremboursement des médicaments anti-Alzheimer : des médecins protestent,  Sciences et Avenir avec AFP, 28 mai 2018             
  5. Déremboursement des médicaments anti-Alzheimer, et après ?, France Alzheimer, 28 mai 2018
  6. Memantine for dementia, Rupert McShane et al., Collaboration Cochrane, avril 2006
  7. Les médicaments de la maladie d'Alzheimer à visée symptomatique en pratique quotidienne, fiche "bon usage du médicament", HAS, janvier 2009
  8. Réévaluation des médicaments indiqués dans le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer - Rapport d'évaluation de la Commission de la transparenceHAS, 19 octobre 2011
  9. Efficacy and safety of donepezil, galantamine, and rivastigmine for the treatment of Alzheimer's disease: A systematic review and meta-analysis, Richard A Hansen et coll., Clinical Interventions in Aging, juin 2008
  10. Evaluation de la tolérance des traitements médicamenteux de la maladie d'Alzheimer : analyse des notifications adressées aux centres régionaux de pharmacovigilance du Nord Ouest de la France; LA GASTINE, Blandine de ; MOSQUET, Brigitte ; COQUEREL, Antoine. La revue de gériatrie, octobre 2007
  11. Prolonged QT Interval, Syncope, and Delirium with Galantamine, Alexander A Fisher, Annals of Pharmacotherapy, février 2008
  12. Communiqué de presse - Médicaments de la maladie d'Alzheimer : un intérêt médical insuffisant pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale, HAS, 21 octobre 2016
  13. Alzheimer : Marisol Touraine s'oppose au déremboursement de quatre médicaments, RTL, 26 octobre 2016
  14. Les médicaments anti-Alzheimer vont être déremboursés, La Croix, 27 mai 2017
 
Sur VIDAL.fr

Alzheimer et maladies apparentées : parution du guide parcours de soins de la HAS (mai 2018)
Communiquer avec une personne atteinte d'Alzheimer : 10 conseils à suivre, 5 erreurs à éviter (novembre 2017)
Maladie d'Alzheimer : la HAS recommande le déremboursement de 4 médicaments, Marisol Touraine temporise (octobre 2016)
Le risque de démence associé à la prise de benzodiazépines retrouvé uniquement avec celles à longue durée d'action (décembre 2015)
Vieillissement, fragilité, dépendance, Alzheimer... : entretien avec le Dr Christophe Trivalle, gériatre (mai 2014)
ARICEPT, EBIXA, EXELON et REMINYL : baisse du taux de remboursement à 15 % (16 mars 2012)
 

Commentaires

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Intert Il y a 5 ans 1 commentaire associé
Aucun médicament qui peut même faiblement améliorer l'état de santé ou de souffrance d'un patient ne devraient ni être retiré du marché, ni déremboursé. Les patients n'ont pas tous la même situation financière. Renoncer à un traitement faute de moyen financier et bien la preuve d'une société où l'égalité des soins n'existe pas.
Modérateur Médecine générale Il y a 5 ans 0 commentaire associé
Bonjour, Cette décision a été prise après des années d'études, de réflexion, d'observation; Les scientifiques et experts ont pu constater, dès les premières années suivant la commercialisation du premier d'entre eux, que ces médicaments pouvaient entraîner des effets secondaires, éventuellement graves, pour ces personnes fragilisées. Les rares études montrant une stabilisation cognitive ont été réalisées chez des pesonnes en général plus jeunes, sans interactions médicamenteuses. De plus, les faibles améliorations constatées n'ont pas pu être directement imputées à l'effet des médicaments et ont été transitoires, ne retardant pas l'entrée en institution. C'est pourquoi, après de nombreuses années d'indécision, les autorités ont fini par se ranger aux avis de la Haute Autorité de Santé : rapport bénéfices - risques défavorable, donc à ne pas administrer. La baisse précédente du remboursement n'avait rien changé, puisque ces patients sont pris en charge à 100 %. Par contre, de nombreuses mesures d'accompagnement non médicamenteuses permettent de renforcer le maintien à domicile, de rendre la vie plus simple à ces personnes très fragilisées. Un bon accompagnement pluriprofessionnel, permet aussi de repérer des aggravations ou d'autres pathologies survenant en même temps, ce qui permet une meilleure prise en charge. Ces mesures sont résumées dans le guide de la HAS eurekasante.vidal.fr Malheureusement aujourd'hui il n'existe pas de traitement médicamenteux freinant ou stoppant la détérioration neurocognitive.. Mais la recherche fera peut-être un jour des progrès.. Bien à vous
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