#Recherche

Médicaments antipsychotiques : l'efficacité et la tolérance diffèrent en fonction du genre

Des chercheurs allemands ont noté une influence du genre sur le rapport bénéfices – risques des antipsychotiques, notamment en raison des différences morphologiques et des niveaux d’estrogènes.


Bettina Lange et coll., dans une revue de la littérature sur ce sujet publiée en 2017, font donc un point détaillé sur les différences constatées en fonction du genre, du mode de vie, de l’âge et des antipsychotiques utilisés.

En synthèse, ces médicaments paraissent globalement plus efficaces chez les femmes (biodisponibilité meilleure, possible influence des estrogènes), mais ces dernières présentent aussi davantage d'effets secondaires et des ajustements sont donc nécessaires. 
 
les auteurs conseillent en particulier des ajustements chez les femmes devant prendre ces médicaments : surveillance cardiovasculaire, de la densité osseuse, ajustement éventuel des doses en fonction du cycle (augmentation avant les règles), évitement des antipsychotiques de première génération chez les femmes ménopausées.

Les auteurs préconisent aussi de 
renforcer les études, insuffisantes, sur ce sujet, en particulier chez les femmes enceintes et allaitantes.
Claire Lewandowski 12 septembre 2017 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
Les femmes répondent, en général, mieux aux antipsychotiques mais sont également plus sujettes aux possibles effets secondaires (illustration).

Les femmes répondent, en général, mieux aux antipsychotiques mais sont également plus sujettes aux possibles effets secondaires (illustration).

 
Les auteurs allemands (Institut de santé mentale de Mannheim) de la revue publiée dans Expert Opinion on Pharmacotherapy se sont intéressés aux différences entre les sexes dans le traitement de la psychose d'après les essais randomisés contrôlés et les méta-analyses disponibles dans la littérature depuis 1976.
 
Une pharmacocinétique considérablement influencée par le genre
D'après les résultats de cette revue systématique allemande, l'efficacité, les posologies et les profils d'effets secondaires des médicaments antipsychotiques diffèrent considérablement entre les sexes.
 
Du fait de leurs différences morphologiques, les femmes ont tendance à avoir une biodisponibilité plus élevée et une élimination plus lente des médicaments, augmentant ainsi les concentrations dans le sang.
 
De même, un temps plus long est nécessaire pour atteindre la concentration minimale efficace avec des doses plus faibles du fait de l'importance du tissu graisseux chez les femmes par rapport aux hommes (en général...). 
 
La réponse aux antipsychotiques s'avère, en vie réelle, supérieure chez les femmes par rapport aux hommes, ces derniers nécessitant donc l'administration de doses d'entretien plus élevées.
 
Cette meilleure biodisponibité chez les femmes est modulée par les facteurs individuels, dont le mode de vie
Les auteurs soulignent que ces différences s'accentuent ou s'atténuent en fonction de la taille, du poids, du volume sanguin et respiratoire, de la fonction cardiaque, de la taille des organes et de l'importance de la masse graisseuse (son augmentation élève le volume de distribution et diminue la concentration plasmatique, rapprochant la dose efficace de celle des hommes).

Le tabagisme, selon plusieurs études, semble aussi réduire le taux plasmatique des antipsychotiques (donc leur efficacité potentielle).
 
Davantage d'effets secondaires chez les femmes
En parallèle de cette efficacité accrue, les femmes, du fait de l'augmentation du taux plasmatique précédemment décrite, souffrent plus souvent d'effets secondaires moteurs (syndrome de Parkinson, acathisie et dystonie tardive), hématologiques (agranulocytose et éosinophilie, en particulier avec la clozapine), d'hyperprolactinémie (pouvant provoquer une galactorrhée, une aménorrhée, un dysfonctionnement sexuel, une ostéoporose ou encore des maladies cardiovasculaires), de syndrome métabolique, de prise de poids importante et de maladies cardiovasculaires.
 
Des difficultés de tolérance accrues par l'éventuelle polymédication
L'incidence et la gravité des effets secondaires liés aux antipsychotiques sont fortement corrélées à la concentration plasmatique du médicament, mais aussi à la polymédication chez les femmes.
 
Ce risque implique de réaliser des examens complémentaires particuliers lors du suivi des femmes traitées par un ou plusieurs antipsychotiques : mammographies, électrocardiogrammes et évaluation de la densité osseuse, recherche d'un diabète et de maladies cardiovasculaires.
 
Rechercher la plus faible dose possible efficace chez les femmes
Dans la mesure du possible, les auteurs recommandent de préférer les nouveaux antipsychotiques et de les titrer prudemment (augmentation progressive des doses jusqu'à obtention de l'efficacité : dose minimale efficace).
 
Une influence possible des estrogènes sur la pathogénèse de la schizophrénie et la réponse aux traitements de cette pathologie
Les auteurs ont constaté que des études ont démontré l'influence des estrogènes sur différentes régions cérébrales responsables de l'humeur, de la cognition et du comportement (Cell Mol Neurobiol 1996).
 
Ces hormones pourraient avoir un rôle neuromodulateur dans la pathogenèse de troubles psychiatriques comme la schizophrénie, ce qui pourrait expliquer que les femmes déclarent, en moyenne, les premiers symptômes schizophréniques à un âge plus élevé que les hommes
 
De plus, les auteurs relèvent deux études montrant que les femmes semblent globalement mieux répondre aux traitements antipsychotiques que les hommes (Compr Psychiatry 1983; Schizophr. Res. 2012).
 
En conséquence de ces observations, et sous réserve d'études concluantes allant en ce sens, les estrogènes pourraient donc s'avérer utiles comme traitement adjuvant aux antipsychotiques.  
 
Anticiper les chutes d'estrogènes chez la femme
Les symptômes psychotiques ont donc tendance à s'améliorer lorsque les niveaux d'estrogènes endogènes sont élevés.
 
Par contre, en période prémenstruelle, les femmes connaissent une chute du niveau d'estrogènes, ce qui pourrait diminuer l'efficacité de ces médicaments. Un journal menstruel pourrait donc être utile aux médecins pour effectuer les ajustements de dose des antipsychotiques au cours du cycle menstruel, avec une augmentation éventuelle en période prémenstruelle.
 
A l'inverse, la réponse au traitement antipsychotique serait nettement meilleure chez les femmes ménopausées prenant des estrogènes substitutifs.
 
Aménorrhée ne signifie pas infertilité
L'aménorrhée sans infertilité possiblement associée aux antipsychotiques devrait être prise en compte avec soin (information répétée de la patiente sur sa signification) pour éviter les grossesses non désirées (J Ment Health. 2011)
 
Attention, pour les femmes ménopausées, aux antipsychotiques pouvant allonger le QT
Les femmes ménopausées ayant un intervalle QT allongé (voir notre article sur le dernier consensus d'experts sur le QT long) seraient davantage à risque d'accidents cardiovasculaires, en particulier de syncopes récidivantes (Circulation 2011).
 
Les auteurs estiment donc chez les les femmes ménopausées, il faut éviter de prescrire es antipsychotiques connus pour augmenter le risque d'allongement de l'intervalle QT (ziprasidone, halopéridol, clozapine ou quétiapine par exemple) et pour augmenter le risque d'élévation du taux de prolactine dans le sang (amisulpride, sulpiride et rispéridone).
 
Un besoin d'études plus précises pour améliorer la compréhension des variations pharmacothérapeutiques chez les femmes
La plupart des études évaluant les effets des antipsychotiques chez les animaux et les humains montrent une répartition inégale entre les sexes, limitant l'interprétation des résultats.
 
Pour améliorer les données dans ce domaine, l'Institut national de la santé American (le NIH) encourage la participation des femmes aux essais cliniques de phase III pour mieux comprendre et améliorer l'approche pharmacothérapeutique du traitement de la psychose chez les femmes aux différents moments de la vie, de l'adolescence, a la ménopause, en passant par la grossesse, le post-partum ou l'allaitement.

En attendant ces résultats, les auteurs préconisent que les différences significatives entre les sexes énumérées ci-dessus soient prises en compte dans le traitement de la psychose, que ce soit pour la réponse au traitement, la posologie efficace ou les effets secondaires.
 
En savoir plus
 
La revue systématique objet de cet article
Lange B, Mueller JK, Leweke FM, Bumb JM “How gender affects the pharmacotherapeutic approach to treating psychosis - a systematic review” Expert Opin Pharmacother. 2017 Mar;18 (4):351-362
 
L'étude sur l'influence des estrogènes sur l'humeur, la mémoire et le comportement
 
Fink, G., B.E. Sumner, R. Rosie, et al. "Estrogen control of central neurotransmission: effect on mood, mental state, and memory” Cell Mol Neurobiol 1996;16:325-44.
 
Deux études montrant une réponse supérieure des antipsychotiques chez les femmes (par rapport aux hommes)
 
Seeman, M.V. "Interaction of sex, age, and neuroleptic dose". Compr Psychiatry 1983;24:125-8.
 
Begemann, M.J.H., C.F. Dekker, M. van Lunenburg, et al. "Estrogen augmentation in schizophrenia: a quantitative review of current evidence". Schizophr. Res. 2012;141 179–184.
 
Aménorrhée et antipsychotiques
Seeman, M.V. "Antipsychotic-induced amenorrhea". J Ment Health. 2011;20:484-91.
 
Risque cardiovasculaire en cas de ménopause et QT long
Buber J et al., "Risk of Recurrent Cardiac Events After Onset of Menopause in Women With Congenital Long-QT Syndrome Types 1 and 2", Circulation. 2011;123:2784-2791

Les commentaires sont momentanément désactivés

La publication de commentaires est momentanément indisponible.

Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Presse - CGU - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster