#Recherche

Dépendance aux opiacés sur ordonnance : évaluation des stratégies de prise en charge

L’addiction aux opiacés médicamenteux est un problème de santé publique croissant, avec une augmentation inquiétante de la mortalité par overdose aux Etats-Unis et au Canada.
 
Chez les patients dépendants à ces médicaments et qui souhaitent être traités, un traitement substitutif (TSO) est recommandé pour diminuer progressivement et confortablement les doses à long terme.
 
Cependant, il n’est pas toujours facile de choisir entre les différents agonistes aux opiacés disponibles, la méthadone et la buprénorphine, ou entre un accompagnement psychologique isolé et un "sevrage sec" (c’est-à-dire sans l’utilisation d’un TSO).
 
Afin d’aider les professionnels de santé pour ce choix, Suzanne Nielsen et ses collaborateurs ont comparé les résultats de 6 études cliniques randomisés sur ce sujet. Cette analyse, publiée dans le JAMA en mars 2017, confirme l’intérêt du TSO, indépendamment de la molécule utilisée.
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
L'addiction aux opiacés médicamenteux nécessite une prise en charge équivalente à l'addiction aux opiacés illégaux (illustration).

L'addiction aux opiacés médicamenteux nécessite une prise en charge équivalente à l'addiction aux opiacés illégaux (illustration).

En cas de dépendance importante aux opiacés, le traitement substitutif est recommandé (cf. VIDAL Reco "dépendance aux opiacés").

Voici le résumé d'une analyse comparant les effets des deux traitements disponibles en fonction des résultats de la littérature. 


Même impact de la méthadone et de la buprénorphine
En ce qui concerne la comparaison entre les deux TSO disponibles, la méthadone et la buprénorphine, les trois études analysées par les auteurs n'ont montré aucune différence pour le nombre moyen de jours de consommation d'opiacés au cours des 30 premiers jours de traitement (1,51 jours [SD 4,97 jours] pour la méthadone contre 2,92 jours [SD 6,38 jours] pour la buprénorphine, avec une différence moyenne de -1,41, IC 95 % [-3,37 à 0,55], p = 0,16).
 
Ces résultats ont été confirmés par le dépistage urinaire et la consommation auto-déclarée.
 

De même, aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes pour l'adhésion au traitement.
 
TSO vs sevrage "sec" ou accompagnement psychologique seul
Pour comparer l'utilisation du TSO avec le sevrage sec ou l‘accompagnement psychologique seul, les auteurs ont analysé trois études.
 
Ces trois études de comparaison avec la buprénorphine n'ont montré aucune différence significative entre les groupes pour le nombre moyen de jours de consommation d'opiacés au cours des 7 ou des 30 premiers jours (différence de moyenne normalisée -0,31, IC 95% [-0,66 à 0,04], p = 0,08).
 
En revanche, l'utilisation de la buprénorphine est associée à une diminution de la consommation d'opiacés au dépistage urinaire et à la consommation auto-déclarée ainsi qu'à une plus grande adhésion au traitement.
 
Ainsi, aucune différence n'a été observée entre la méthadone et la buprénorphine, mais l'utilisation d'un TSO s'est révélée meilleure pour la réduction de la consommation d'opiacés par rapport au sevrage sec ou à l'accompagnement psychologique seul.

Des résultats qui vont dans le sens des recommandations internationales et françaises
Les recommandations de prise en charge actuelles de la dépendances aux opiacés, Françaises ou Américaines (2,3,4,5), vont dans ce sens et incitent les professionnels de sante à prescrire un TSO à long terme, sans distinction d'efficacité entre la méthadone ou la buprénorphine, plutôt qu'un sevrage sec ou un accompagnement psychologique seul.

D'autres recherches permettront d'affiner ces résultats, en particulier dans l'évaluation de la douleur chronique en cas de TSO, d'accompagnement psychologique seul ou de sevrage sec.
 
Chez les patients dépendants aux opiacés sur prescription médicale, le maintien à long terme d'un TSO (méthadone ou buprénorphine) est associé à une diminution de la consommation et à une meilleure adhésion au traitement et à l'accompagnement psychologique par rapport au sevrage sec ou à l'accompagnement psychologique seul.

Aucune différence d'efficacité n'ayant été mise en évidence, le choix de la méthadone ou de la buprénorphine reste à l'appréciation du praticien et de son patient
 
Optimiser la prescription d'un TSO en cas de dépendance aux opiacés
Pour optimiser les modalités de prescription d'opiacés en cas de douleur chronique, le JAMA propose un complément d'information (6) sur les bonnes pratiques :
  • Une évaluation systématique des bénéfices et des risques doit être faite avant de commencer un traitement antalgique par opiacés, puis régulièrement lors du suivi.
  • Les praticiens doivent établir des objectifs de traitement réalistes avec leur patient pour la douleur et discuter de l'arrêt de l'opiacé si les bénéfices attendus ne sont pas atteints. Les opiacés ne doivent être poursuivis qu'en cas d'amélioration clinique significative de la douleur.
  • Les prises en charge non pharmacologiques et les autres antalgiques non- opiacés doivent être privilégiés.
  • La prescription d'opiacés doit démarrer avec la posologie efficace la plus basse et un titrage progressif.
  • Une évaluation des bénéfices et des risques est préférable dès le premier mois puis tous les 3 mois ou plus fréquemment si nécessaire.
  • En cas de douleur aiguë, la posologie efficace la plus faible d'opiacés à libération immédiate doit être prescrite pour une durée de 3 jours seulement, une semaine au maximum.
  • La prescription simultanément d'autres opiacés et de benzodiazépines doit être évitée dans la mesure du possible. Des tests de dépistage urinaires peuvent être utiles pour rechercher un mésusage d'autres substances et informer le patient sur les risques encourus.
 
En savoir plus :
  1. Nielsen S, Larance B, Lintzeris N. “Opioid Agonist Treatment for Patients With Dependence on Prescription Opioids.” JAMA. 2017 Mar 7; 317(9):967-968. (étude objet de cet article)
  1. US Center for Substance Abuse Treatment. Clinical Guidelines for the Use of Buprenorphine in the Treatment of Opioid Addiction : Treatment Improvement Protocol (TIP) Series 40. Rockville, MD: Substance Abuse and Mental Health Services Administration ; 2004.
  1. Wood E, Ahamad K, Djurfors C, et al. A “Guideline for the Clinical Management of Opioid Addiction.“. Accessed June 28, 2016.
  1. Kampman K, Jarvis M. “American Society of Addiction Medicine (ASAM) National Practice Guideline for the use of medications in the treatment of addiction involving opioid use.” J Addict Med. 2015;9(5):358-367
  1. Conférence de consensus de l'HAS "Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés :  place des traitements de substitution"  - Juin 2004
  1. Dowell D, Haegerich TM, Chou R “CDC Guideline for Prescribing Opioids for Chronic Pain--United States, 2016.” JAMA. 2016 Apr 19;315(15):1624-45. 
 
 Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "dépendance aux opiacés"

Dépendance aux opiacés : étude de l'intérêt de la buprénorphine délivrée par un implant sous-cutané (septembre 2016)
Traitement d'urgence des surdosages aux opioïdes : mise à disposition de NALSCUE spray nasal (naloxone) (juillet 2016)
Substitution aux opiacés : l'Académie de médecine dénonce un mésusage et des détournements, la Fédération Addiction s'insurge (juillet 2015)
Etude (USA) : la coprescription d'opiacés et de cannabis augmente-t-elle la consommation de substances psychoactives ? (juin 2015)
Sources

Commentaires

Ajouter un commentaire
En cliquant sur "Ajouter un commentaire", vous confirmez être âgé(e) d'au moins 16 ans et avoir lu et accepté les règles et conditions d'utilisation de l'espace participatif "Commentaires" . Nous vous invitons à signaler tout effet indésirable susceptible d'être dû à un médicament en le déclarant en ligne.
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Presse - CGU - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster