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Séquelles d'AVC : résultats préliminaires mais encourageants d'injections cérébrales de cellules souches

Les séquelles d'AVC sont un problème de santé publique majeur. En France, au moins 500 000 personnes en sont affectées, sans solution thérapeutique déterminante. 

L'utilisation de cellules souches qui pourraient restaurer, au moins partiellement, une activité des zones cérébrales lésées fait partie des espoirs thérapeutiques pour un proche avenir. 

Afin d'en savoir plus sur une éventuelle utilité de cette approche, une équipe américaine vient de publier une étude ouverte de phase 1-2a qui avait pour objet d’évaluer la sécurité et l’efficacité clinique de la transplantation de cellules souches mésenchymateuses modifiées en périphérie de lésions d’AVC affectant les zones motrices du cerveau.

Un an après la greffe, les patients ont des scores fonctionnels moteurs significativement et étonnamment meilleurs qu’au moment de l’intervention (un patient en fauteuil roulant a même pu remarcher), mais sans que les mécanismes de cette amélioration puissent être identifiés.

En terme de sécurité, la quasi-totalité des effets indésirables observés sont dus à l’intervention chirurgicale. Seuls deux événements indésirables pourraient être associés aux effets à long terme de la greffe, mais la récupération des patients a été complète.

Ces données sont donc encourageantes au vu de l'absence actuelle de solution curative des séquelles d'AVC, mais demandent absolument confirmation à plus grande échelle et avec un suivi prolongé, avant une éventuelle place dans la stratégie médicale post-AVC non hémorragique. 
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Sonia Olea Coontz a participé à cette étude et témoigne :

Sonia Olea Coontz a participé à cette étude et témoigne : "après mon opération, mes membres se sont réveillés" (© Mark Rightmire pour Stanford University).


La greffe de cellules souches comme traitement potentiel des séquelles d'AVC : une étude précédée par d'autres travaux scientifiques prometteurs
 L'étude présentée par l'équipe de Gary K. Steinberg de l'Université Stanford, publiée en juin 2016 dans la revue Stroke, n'est pas la première à chercher à évaluer l'effet de greffes de cellules souches dans le traitement des séquelles d'AVC.

D'autres essais préliminaires ont été menés chez le rat et chez l'homme, avec injections intracrâniennes, intraveineuses, intra-artérielles ou intracérébroventriculaires de cellules issues de tératocarcinomes, de tube neural, hématopoïétiques, mononuclées ou mésenchymateuses (voir cette revue publiée dans Stem Cells Cloning, 2014).

Par exemple, l'étude PISCES de phase 1, qui utilise des cellules souches modifiées issues de tube neural humain, a montré des bénéfices cliniques suffisants pour qu'une étude PISCES de phase 2 soit mise en place.
 
Une étude sur une population homogène de patients 
Dans ce cadre prometteur (possible intérêt de ces greffes, mais nécessitant confirmation par des études effectuées chez l'homme et avec davantage de patients), Gary Steinberg et ses collaborateurs ont donc monté un essai clinique réalisé auprès de 18 patients (mais seuls 16 ont été suivis sur 12 mois) strictement sélectionnés (moins de 5 % des patients pressentis).

En effet, il fallait qu'ils aient eu, au moins 6 mois auparavant, un AVC non hémorragique avec séquelles motrices stables et qu'ils acceptent de ne pas recevoir de rééducation pendant l'étude.

Pour rappel, l'essentiel de la récupération des AVC se fait dans les 30 jours suivant l'accident et atteint un plateau au bout de 6 mois, quelle que soit la sévérité de l'AVC, d'où la volonté de recruter des patients ayant passé le cap des 6 mois post-AVC.

Une étude effectuée avec des cellules souches mésenchymateuses SB623
Les cellules souches employées par Gary Steinberg et coll. étaient des cellules mésenchymateuses isolées de la moelle osseuse. Un gène codant pour le Notch-1 humain a été introduit  (par transfert de gènes sans virus porteur, ou "transfection") dans ces cellules.

Cette transfection permet à ces cellules de la moelle osseuse de se différencier en astrocytes, cellules qui assurent un apport nutritionnel aux neurones, contrôlent l'équilibre ionique du milieu extracellulaire et jouent un rôle dans la réparation du tissu nerveux en se transformant éventuellement en neurones. Ces cellules mésenchymateuses transfectées en "astrocytes souches" sont appelées SB623. 

Chez le rat, les cellules SB623 avaient auparavant montré des capacités à favoriser l'angiogenèse locale et à synthétiser des protéines de la matrice extracellulaire, ainsi que des propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives et neurotrophiques. De plus, toujours chez le rat, elles semblent favoriser la migration de cellules souches neuronales.

Point important, la durée de vie des cellules SB623 après greffe est au mieux d'un mois.

Une injection chirurgicale intra-cérébrale de 5 dépôts de cellules souches SB623 par patient
Les patients ont subi 
une intervention chirurgicale stéréotaxique (intervention intra-cérébrale) au cours de laquelle cinq dépôts de cellules souches SB623 étaient injectés tous les 5 à 6 mm en périphérie des lésions dues à l'AVC.

L'étude était ouverte, en augmentation de dose, conformément à son statut de phase 1. Cette étude est prévue pour durer deux ans. Les résultats publiés dans Stroke en juin 2016 sont ceux de l'analyse intermédiaire à 12 mois.

Résultats : des effets indésirables liés le plus souvent à l'intervention neurochirurgicale
Les effets indésirables observés, qui constituaient le premier critère d'évaluation de cette étude (phase I), ont eu lieu essentiellement durant la période post-chirurgicale et la totalité des patients en ont au moins éprouvé un : maux de tête, nausées, vomissements, dépression, fatigue, hyperglycémie, crise épileptiforme, etc.

Seuls deux patients ont présenté des effets indésirables à distance de l'intervention et qui pouvaient être rattachés à la greffe : un cas de spasticité musculaire et un cas de démarche ébrieuse.

Tous les effets indésirables significatifs ont été transitoires avec récupération complète.

Des bénéfices cliniques observés sur presque tous les critères d'évaluation
Gary Steinberg et son équipe ont donc évalué les effets cliniques de cette greffe de cellules SB623 tout au long de la première année post-greffe. Les échelles d'évaluation utilisées ont été la European Stroke Scale (ESS), la National Institutes of Health Stroke Scale (NIHSS), l'échelle Fugl-Meyer Totale (F-MT) et Motrice (F-MM), ainsi que l'échelle de Rankin modifiée (mRS) (voir, pour rappel, les recommandations de la HAS sur l'évaluation des séquelles d'un AVC).

Un an après la greffe, à l'exception de la mRS, toutes les échelles montraient une amélioration statistiquement significative de leur score (voir figure ci-dessous). Par exemple, les scores F-MT et F-MM montraient une amélioration supérieure à 10, considérée comme cliniquement significative, chez 7 patients sur 16. Seul le score mRS est resté inchangé, cette échelle étant plutôt adaptée à la mesure de la récupération dans la phase aiguë de l'AVC.

Les bénéfices cliniques observés ne semblent pas proportionnels à la dose de cellules souches injectée, ni à l'âge des patients, ni au degré de sévérité de l'AVC.
 


"Après l'intervention, mon bras droit et ma jambe droite se sont révéillés"
Ces résultats positifs montrant une récupération partielle au moins 6 mois après la survenue d'un AVC (alors qu'après un tel délai les espoirs de récupéraiton sont très minces...) sont très préliminaires, l'étude étant petite, ouverte et comportant plusieurs biais (cf. infra). Ils sont néanmoins surprenants et encourageants. 

Sonia Olea Coontz, de Long Beach, en Californie, est l'un des patients de cette étude. Sonia a subi un AVC en 2011. Son témoignage a été recueilli par l'université de Stanford : "mon bras droit ne fonctionnait pas du tout. J'avais l'impression qu'il était presque mort. Ma jambe droite fonctionnait, mais pas bien. J'ai souvent utilisé un fauteuil roulant. Après mon opération, mes membres se sont réveillés". 

Des changements à l'IRM dont l'intensité semble corrélée aux bénéfices cliniques
L'équipe de Gary K. Steinberg a tenté de prédire les effets cliniques de la greffe de cellules SB623 en soumettant les patients à des examens de résonance magnétique (FLAIR, Fluid Attenuated Inversion Recovery, séquence de type T2 avec suppression du signal du LCR qui apparaît en hyposignal).

Ces examens ont permis de montrer des changements de signal dans le mois suivant la greffe, changements qui ont progressivement disparu ensuite. L'intensité de ces changements de signal semble corrélée aux bénéfices cliniques observés par la suite. Ainsi, 75 % des sujets n'ayant pas présenté de changements de signal FLAIR n'ont pas présenté d'amélioration clinique.
 
Une étude qui comporte plusieurs limites notables
Les auteurs insistent tout d'abord sur les limites de leur étude en terme de taille de l'effectif, de sélection drastique des patients et dans leur définition de la stabilité des séquelles (deux tests à 3 semaines d'intervalle quand d'autres études choisissent deux tests à 6 semaines d'intervalle).

Cette étude présente également d'autres limites. Par exemple, aucun contrôle ne permet d'affirmer que les changements cliniques observés sont liés à la greffe de cellules SB623 ou, simplement, au traumatisme local provoqué par l'intervention chirurgicale (qui pourrait mettre en branle des mécanismes de cicatrisation bénéficiant aux lésions d'AVC voisines).

Pour éliminer ces limites, des études de phase 2 en simple ou double aveugle seront donc absolument nécessaires avant de conclure à un éventuel intérêt thérapeutique de ces cellules, sur un effectif plus important et moins homogène.

En conclusion ; une restauration surprenante de circuits cérébraux considérés auparavant comme "morts", mais une confirmation à plus grande échelle est indispensable
Cette récupération plusieurs mois, voire années, de séquelles d'AVC, y compris chez des patients de plus de 70 ans, ouvre de nouvelles perspectives, même s'il faut, une fois de plus, rappeler que tout ceci est très préliminaire.

Cela enthousiame en tout cas le principal auteur de l'étude, le neurochirurgien Gary Steinberg : "jusqu'ici, nous avions la notion qu'une fois que le cerveau est blessé, il ne récupère pas - vous êtes coincé avec cette blessure. Mais si nous pouvons comprendre comment faire démarrer ces circuits cérébraux endommagés, nous pouvons tout changer. De plus, cela pourrait révolutionner notre conception de ce qui se passe non seulement après un AVC, mais aussi après une lésion cérébrale traumatique et même des troubles neurodégénératifs".

Par contre, les auteurs de cette étude n'émettent guère d'hypothèses sur les mécanismes d'action de la greffe de cellules SB623. Ils estiment cependant probable que l'effet de ces cellules souches soit indirect, et non direct : "parce que les cellules humaines SB623 transplantées survivent au mieux un mois dans les modèles, la récupération neurologique durable (observée) pourrait être le résultat de la sécrétion de substances trophiques plutôt que de l'intégration des cellules souches transplantées"

Afin d'en savoir plus sur la reproduction éventuelle de cette amélioration, sa tolérance, sa pérennité et ses mécanismes, Gary Steinberg et ses collaborateurs ont d'ores et déjà entamé le recrutement de patients afin d'entamer une étude plus vaste (phase 2B). Leur objectif est de recruter 156 patients présentant des séquelles chroniques d'un AVC non hémorragique. 
 
Pour aller plus loin
 
L'étude de Gary K. Steinberg publiée dans Stroke
Steinberg GK et al.: « Clinical Outcomes of Transplanted Modified Bone Marrow-Derived Mesenchymal Stem Cells in Stroke: A Phase 1/2a Study. » Stroke. 2016 Jun 2.

Le communiqué de l'université de Stanford sur cette étude, avec les réactions de Sonia Olea Coontz et Gary Steinberg
Stem cells shown safe, beneficial for chronic stroke patients, med.stanford.edu, juin 2016

Une revue sur les greffes de cellules souches dans le traitement des AVC
Dheeraj Kalladka and Keith W. Muir: « Brain repair: cell therapy in stroke » Stem Cells Cloning. 2014; 7: 31–44.
 
Les premiers résultats de l'étude PISCES I
Kalladka D et al. « Pilot Investigation of Stem Cells in Stroke (PISCES). A phase 1 trial of CTX0E03 human neural stem cells. » Cerebrovasc Dis. 2013;35(suppl 3):551.
 
Le design de l'étude PISCES II
 
Évaluation fonctionnelle de l'AVC, HAS, janvier 2006.

Prévalence des accidents vasculaires cérébraux et de leurs séquelles et impact sur les activités de la vie quotidienne : apports des enquêtes déclaratives Handicap?santé?ménages et Handicap?santé?institution, 2008-2009, BEH, septembre 2012

 
Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "AVC"
Médecine régénérative : autorisation en France de la recherche sur les cellules souches embryonnaires (avril 2013)
Cellules souches dites "STAP" : la revue Nature retire deux publications, mea culpa des auteurs (juillet 2014)

 
Sources

Commentaires

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Fan74000 Il y a 7 ans 1 commentaire associé
Bonsoir , l' AVC ce problème de santé publique chez nous comme ailleur , touche de plus en plus des sujets jeunes actif dans la majorité des cas , je pense que cette étude représente une révolution dans la thérapeutique des lésions cérébrales en général ( ramollissement , démyélinisation ..). La question que je me pose , cette technique est ce quelle dépend de l'age du patient , de la taille de la lésion ( vaste ischémie ou lacune ). Dr. M. OULED KOUIDER Neurologue .Oran (Algérie)
Modérateur Médecine générale Il y a 7 ans 0 commentaire associé
Bonjour, Merci de votre commentaire. Il est beaucoup trop tôt pour connaître les indications précises de cette thérapie, effectivement très prometteuse... Et nous n'en savons pas plus sur la recherche en cours. Par contre, d'autres essais cliniques du même type, mais pour le coeur (réparation des zones ischémiées après un infarctus), sont en cours, notamment en France : www.ladepeche.fr A suivre donc, la tolérance à moyen terme sera également extrêmement importante....
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