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Cataracte congénitale : piste thérapeutique prometteuse fondée sur la régénération spontanée du cristallin

Une étude publiée le 17 mars 2016 dans la revue Nature présente un nouveau traitement chirurgical de la cataracte congénitale.

Ce protocole associe une technique d’ablation du cristallin opaque moins traumatique et mise sur la capacité des cellules souches épithéliales présentes dans la capsule à régénérer un cristallin fonctionnel en quelques mois.

Cette opération a été testée sur 12 enfants chinois de moins de 2 ans. Les résultats ont été comparés à ceux obtenus avec la technique chirurgicale conventielle sur 25 enfants.

Les résultats de cette étude randomisée sont très encourgeants, à la fois en termes d'efficacité (restauration de la vision) et de tolérance (beaucoup moins de complications).

D'autres études, plus vastes, sont cependant nécessaires pour confirmer ces résultats et pour tester cette technique chez les adultes, beaucoup plus fréquemment concernés par cette pathologie.  
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La régénération spontanée du cristallin pourrait permettre de traiter certaines cataractes (illustration).

La régénération spontanée du cristallin pourrait permettre de traiter certaines cataractes (illustration).


La régénération spontanée du cristallin, une vieille histoire réactivée par cette étude chinoise publiée dans Nature
Depuis le XVIIIe siècle et les travaux de Charles Bonnet, on sait que, chez les amphibiens et en particulier le triton, le cristallin est spontanément capable de régénération multiple à partir de cellules souches situées sur les parois internes de sa capsule (Surv Ophthalmol. 2006).

Cette forme de régénération est dite wolffienne, depuis les travaux de Gustav Wolff (biologiste allemand) à la fin du XIXe siècle.

Chez les mammifères, cette capacité régénérative n'avait pas été exploitée jusqu'à ce que cette étude randomisée chinoise, publiée en mars 2016 dans Nature, la mette en évidence comme un traitement potentiel de la cataracte congénitale des nourrissons (bébés nés avec un cristalin opacifié). 
 
Une étude menée par paliers, de la boite de Pétri à l'homme, pour confirmer le rôle générateur des cellules souches de la capsule du cristallin
Avant d'envisager la régénération spontanée du cristallin comme traitement de la cataracte congénitale, Haotian Lin et ses collaborateurs ont d'abord exploré la capacité des cellules souches de la capsule du cristallin humain à former un nouveau tissu cristallin in vitro.

Ces cellules souches et progénitrices (LEC, Lens Epithelial stem Cells) ont été cultivées et leurs propriétés régénératrices ont pu ainsi être confirmées, mettant en évidence le rôle central des protéines produites par les gènes Pax6 et Bmi1 au cœur des LEC.

Mise au point d'une technique d'ablation du cristallin n'abîmant pas ces cellules souches
Les techniques chirurgicales usuelles d'ablation du cristallin pratiquent une ouverture d'environ 6 mm de diamètre dans des zones centrales de la capsule riches en LEC, ce qui peut compromettre la régénération spontanée du cristallin.

Les chercheurs chinois ont donc travaillé sur des lapins et macaques rhésus pour identifier une technique de résection du cristallin opaque qui respecte les parois frontale et dorsale de la capsule où se trouve la majorité des LEC (et où elles assurent le renouvellement du cristallin tout au long de la vie).  
 
Ils ont fini par mettre au point une technique de résection où les débris de cristallin sont évacués par une ouverture d'un diamètre de 1 à 1,5 mm, située en périphérie de la capsule.

Ainsi, ils sont parvenus à préserver ses faces frontales et dorsales, optimisant ainsi la probabilité d'une régénération homogène du cristallin.

Une régénération fonctionnelle vérifiée chez le singe, ouvrant la voie à un essai clinique chez l'homme
Chez le macaque rhésus, ils ont observé la régénération spontanée de cristallins fonctionnels, ouvrant la voie à l'application de ce traitement chirurgical aux humains.

Pour cela, ils ont choisi de mettre en place un essai randomisé chez des nourrissons (moins de deux ans) atteints de cataracte congénitale, un choix motivé par la présence de LEC plus nombreuses et plus actives que chez l'adulte.
 
Une nouvelle technique efficace chez tous les enfants traités
Pour explorer l'efficacité de la régénération spontanée comme traitement de la cataracte congénitale, l'équipe chinoise a donc mené une étude randomisée comparant cette nouvelle technique (12 enfants, 24 yeux opérés) à la technique classique d'ablation du cristallin (avec pose d'implant, 25 enfants, 50 yeux opérés).

Six mois après la chirurgie, tous les nourrissons opérés avec la nouvelle technique avaient régénéré un nouveaux cristallin dans chacun de leurs yeux et leurs capsules avaient cicatrisé.

Ils ont donc tous retrouvé une vision normale à 6 mois (comme dans le groupe témoin, mais après d'autres interventions liées aux complications, cf. infra).

Beaucoup moins de complications avec la nouvelle technique
Le taux de complication était de 17 % dans le groupe expérimental contre 92 % dans le groupe contrôle.

Une opacification partielle du cristallin a été observé sur un seul des 24 yeux du groupe expérimental, contre 42 des 50 yeux opérés selon la méthode classique (groupe témoin).

21 des 25 enfants traités par la méthode classique ont dû être ré-opérés (chirurgie au laser pour désopacifier le cristallin), contre aucun du groupe expérimental. 
 
Une efficacité prometteuse, à confirmer par des études plus vastes et avec un suivi prolongé
Cette nouvelle technique chirurgicale, qui respecte l'intégrité des LEC et utilise leur potentiel régénératif,  est donc prometteuse, y compris pour d'autres domaines thérapeutiques  (utilisation des propres cellules souches d'un patient pour régénérer un organe).

Mais elle doit être confirmée par d'autres études, plus vastes et avec un long suivi (quel devenir pour ce critallin régénéré ? Maitien de la vision ? Absence d'opacification ? etc.).

Et chez l'adulte ? 
La question se pose de l'intérêt de cette technique dans le traitement de la cataracte liée à l'âge. En effet, les cataractes congénitales sont rares, à l'inverse des cataractes de l'adulte.

Mais, avec l'âge, les LEC perdent de leur potentiel progéniteur :  passé 60 ans, le temps nécessaire à la régénération spontanée du cristallin risque donc d'être trop long pour que cette technique soit acceptable pour les patients en terme de qualité de vie, comparée à la pose d'un implant.

Néanmoins, la technique opératoire mise au point par cette équipe pourrait bénéficier à la prise en charge chirurgicale de la cataracte liée à l'âge, en permettant de réduire significativement le taux de complications après la pose d'un implant.
 
Pour aller plus loin
 
L'étude chinoise présentée dans Nature
Lin H et al. « Lens regeneration using endogenous stem cells with gain of visual function. » Nature. 2016 Mar 17;531(7594):323-8.
 
Une revue des connaissances sur la régénération du cristallin chez les mammifères
Gwon A « Lens Regeneration in Mammals: A Review », Survey of Ophthalmology, 2006, Vol. 51 (1): 51–62.
 
Sources

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