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Médicaments biologiques biosimilaires : comment éviter les erreurs commises lors du déploiement des génériques ?

Comment éviter une défiance, un manque de confiance envers les médicaments biosimilaires, copies non tout à fait conformes des médicaments biologiques ? En optimisant d'emblée la sécurisation de leurs caractéristiques et délivrance, comme l’ont souligné, le 29 janvier, les participants à une table ronde organisée par l’Office parlementaire d’Evaluation des Choix scientifiques et technologiques (OPESCT).

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014, adoptée fin 2013, a certes posé les bases de l’encadrement des médicaments biosimilaires, via son article 47. Mais les modalités d’application de cet article ne sont pas encore figées, les décrets n’étant pas encore parus.
 
Quatre points essentiels semblent cependant acquis aux participants réunis par l'OPESCT : 
- la sécurité sanitaire des biosimilaires prime sur tout autre engagement économico-financier ou industrielle ;
- cette sécurité implique une traçabilité qui passerait par l’obligation d’ouvrir un dossier pharmaceutique à la prescription/substitution, dossier accessible au prescripteur ;
- le choix initial d’un médicament biosimilaire devra obligatoirement être pérenne pour une meilleure continuité du traitement (pas de substitution par un autre biosimilaire en cours de traitement).
- une décote de 20 à 30 % du prix est envisagée par rapport au bio-princeps et serait atteinte progressivement.
Sophie Dumery 02 février 2015 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Catherine Lemorton, Marisol Touraine et Jean-Yves Le Déaut (capture d'écran, © Assemblée Nationale).

Catherine Lemorton, Marisol Touraine et Jean-Yves Le Déaut (capture d'écran, © Assemblée Nationale).

 
Les médicaments biologiques, ou biothérapies, sont de plus en plus coûteux
La première table ronde animée par Jean-Louis Touraine, député, et organisée par l'OPESCT à l‘Assemblée Nationale s'intitulait "Jusqu'où l'analogie des médicaments biosimilaires avec les médicaments génériques ?" (Vidéo disponible sur le site de l'Assemblée jusqu'au 16 décembre 2015, navigation par le menu de droite en cliquant sur le nom des intervenants).
 
Les intervenants ont commencé par rappeler les aspects scientifiques de dossier, soulignant tout d'abord que 7 des 10 médicaments les plus chers à l'hôpital sont des médicaments biologiques, issus des biotechnologies (produits issus de la synthèse biologique, par des organismes vivants, des cellules).
 
Aujourd'hui, plus de 200 médicaments de ce type sont autorisés sur le marché français : insuline, érythropoïétine, somatropine, filgrastim, interférons, anticorps monoclonaux et protéines de fusion..
 
Résultat, leur coût explose, justifiant l'intérêt des autorités de santé porté aux médicaments biosimilaires.
 
Les biosimilaires sont des reproductions des médicaments biologiques, mais "ils ne seront jamais des génériques"
Les médicaments biologiques biosimilaires sont des médicaments obtenus par une synthèse biologique, comme les produits qu'ils imitent. Cette production "biosimilaire" est possible à l'expiration des brevets d'exploitation des princeps.
 
Les médicaments biosimilaires sont donc développés sur le même schéma que les génériques pour les médicaments chimiques. Mais ces biosimilaires ne seront jamais vraiment des "génériques", puisque la production biologique n'est jamais totalement contrôlable et dépend intimement du procédé de fabrication.
 
Les effets thérapeutiques, toxiques et immuns (les médicaments biologiques sont des protéines, pour tout ou partie) n'en sont donc pas complètement maîtrisés, contrairement aux génériques chimiques dont la structure moléculaire du principe actif est strictement identique au princeps (synthèse industrielle contrôlable et reproductible).
 
Des évaluations spécifiques pour "ne pas reproduire les erreurs du déploiement des génériques"
Cette situation particulière (copie non strictement identique du principe actif) appelle des évaluations spécifiques, que l'expérience acquise avec les médicaments génériques ne permet pas d'établir de manière simple. D'autant que les bio-médicaments sont prescrits contre des pathologies chroniques, pour des durées parfois extrêmement longues.
 
Il faut également tirer les leçons de l'échec de déploiement des génériques pour faire mouche "du premier coup", ont souhaité Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale et Jean-Yves Le Déaut, président de l'OPECST. Ce défi sanitaire et économique est repris par Marisol Touraine, ministre de la Santé et des Affaires sociales, qui plaide pour la responsabilité partagée de tous les acteurs et l'obligation de sécurité sanitaire, à laquelle sont asservis tous les autres engagements nécessaires au déploiement réussi des biosimilaires, y compris financiers et économiques.
 
Une liste de références plus renseignée que celle des génériques
La clarification de l'usage des biosimilaires passe par une des mesures inscrites à l'article 47 de la LFSS 2014 : la création d'une "liste de référence des groupes biologiques similaires", établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur le modèle du répertoire des génériques. Mais cette liste de référence doit  comporter davantage d'informations, en mentionnant, en sus du nom de marque, de la molécule et de son dosage, la posologie recommandée et les indications spécifiques du produit. Ces indications ne découleront pas automatiquement des indications du bio-princeps : elles sont demandées par le fabricant et peuvent s'en écarter pour des raisons de bioéquivalence.
 
Une substitution qui devrait être bridée par les fluctuations de bioéquivalence
L'article 47 de la LFSS 2014 créé un droit de substitution du bio-princeps par un biosimilaire, au choix du dispensateur final (pharmacien d'officine ou hospitalier). Mais, là encore, cette substitution ne peut se faire de la même manière qu'avec un générique et un médicament chimique, en raison de la fluctuation de la bioéquivalence. Ces différences sont observées sur les études de bioéquivalence (comparatives et thérapeutiques, centrées sur l'efficacité, l'immunogénicité et la toxicité).  
 
Cette bioéquivalence étant donc, de facto, à géométrie variable, peut-on substituer un bio-princeps en cours de traitement, après une primo-prescription du médicament biologique original ? Pour Marisol Touraine (et pour le Code de la Santé Publique), c'est non : le biomédicament ne doit pas changer après primo-prescription afin de réduire l'incertitude thérapeutique, base de la sécurité sanitaire chez des patients chroniques.
 
Optimiser les évaluations et suivis
Reste que l'interchangeabilité des bio-princeps et de leurs biosimilaires repose sur l'évaluation correcte de leur bioéquivalence, évaluation encore loin d'être optimale (il faudrait doubler les unités de production par des unités de caractérisation), même si l'OPECST affirme sa confiance dans l'amélioration prochaine des procédés de fabrication et de leur qualité.
 
L'Agence européenne des médicaments (EMA) se montre pour sa part rassurante par la voix de Camille Vleminckx, responsable du secrétariat scientifique du groupe de travail sur les médicaments biosimilaires, qui souligne que la procédure européenne de validation par étapes est "bonne et sûre".
 
Renforcer la vigilance et la traçabilité en s'appuyant sur le dossier pharmaceutique
Le prescripteur devra s'engager à bien informer le dispensateur (pharmacien hospitalier ou d'officine) en respectant les mentions obligatoires dans l'ordonnance : DCI et nom de marque pour la continuité et la traçabilité, restrictions à la substitution en fonction de chaque patient. Il peut, comme avec un médicament chimique, interdire toute substitution en mentionnant "non substituable" (cf. cet article du Code de la Santé publique, créé par la LFSS 2014).
 
Pour garantir une parfaite traçabilité des produits, le dossier pharmaceutique (DP) du patient actuellement non obligatoire, le deviendrait automatiquement lors de la prescription/substitution de médicaments biologiques. Le dispensateur devra prévenir le prescripteur de l'éventuelle substitution en renseignant le DP qui sera donc également obligatoirement ouvert au prescripteur.
 
Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, souligne que si ce DP est bien déployé en ville, il l'est moins à l'hôpital (utilisé dans 6 % des pharmacies hospitalières seulement, avec de grandes différences régionales). Ce faible déploiement risque d'entraver le retour d'information, puisque les primo-prescripteurs de biomédicaments sont presque tous hospitaliers, et donc d'entraver aussi cette possible substitution par des biosimilaires. De plus, Mme Adenot souligne que les pharmaciens hospitaliers n'ont pas, pour le moment, obligation de remplir le DP.
 
Actuellement ouvert pour 3 mois, le DP devra être prolongé au moins 6 mois, puis au-delà, pour couvrir la durée de prescription/substitution chez les patients chroniques. Le patient gardera le droit de le refuser (17 % des Français le refusent aujourd'hui, précise Mme Adenot).
 
Une nécessaire confiance pour une substitution économique... et utile
L'information sur les biosimilaires par la liste de référence et, les logiciels d'aide à la prescription mis à jour font partie des mesures prévues par décret, au même titre que les circulaires officielles. Elles doivent promouvoir la substitution en confiance, car les besoins sont là : les oncologues, gros prescripteurs de biomédicaments, attendent beaucoup de la réduction des coûts de traitements par la réduction de tarif envisagée. Ce que confirme Dominique Giorgi, du CEPS (Comité économique des Produits de santé) : les prix des médicaments biosimilaires pourraient être de 20 à 30 % moins chers, après réduction progressive sur plusieurs années.
 
Par ailleurs, les oncologues attendent de la mise sur le marché des biosimilaires une parade aux ruptures de stocks intempestives, toujours dramatiques pour leurs patients.
 
L'épineuse question de l'immunisation indésirable
Jean-Luc Harousseau, président de la HAS (Haute Autorité de Santé), a rappelé le poids des biomolécules, mille fois supérieur aux molécules chimiques, et leur nature protéique immunisante, susceptible de générer des anticorps bloquants annihilant toute efficacité thérapeutique, jusqu'à présent en nombre restreint chez des patients à profil génétique particulier.
 
Seules la pharmacovigiance et les notifications de tous bords seront à même d'en connaître l'étendue, puisqu'il n'est pas statistiquement possible de les dépister par des études cliniques en population restreinte. De tels anticorps bloquants interdisent évidemment tout recours aux biosimilaires comme aux bio-princeps.
 
Pour aller plus loin :
La vidéo du débat public à l'OPESCT (Assemblée Nationale, 29 janvier 2015). Navigation par le menu de droite en cliquant sur le nom des intervenants.
L'article 47 de la LFSS 2014 modifiant l'article L5121-1 du Code de la Santé Publique (décembre 2013)
La modification du Code de la Santé Publique concernant la substitution biosimilaire par le pharmacien (Article L5125-23-3, décembre 2013)
La modification du Code de la Santé publique concernant la substitution initiale (Article L5125-23-2, décembre 2013)
Le rapport Biosimilaires de l'ANSM (septembre 2013)

Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco 
Traitement par Biomédicaments immunomodulateurs 

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