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MERS-CoV : toujours plus de cas et une mobilisation insuffisante

01 février 2015 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Médecine des voyages

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Le 24 septembre 2012, nous rendions compte sur ce site de l'émergence d'un nouveau virus reconnu responsable de deux cas d'une infection respiratoire mortelle, survenus l'un au Qatar, l'autre en Arabie saoudite. Un troisième cas avait alors été identifié a posteriori chez un jeune jordanien décédé en avril de la même année sans que la cause de son infection soit identifiée. Le virus en cause, un coronavirus apparenté à certains virus du rhume mais surtout à celui du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) identifié en 2002, a été baptisé coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV). Bien que ne présentant aucun lien épidémiologique entre eux, les trois cas initiaux marquaient le début d'une épidémie qui n'a cessé depuis de s'étendre, tout en restant limitée à ce jour à la péninsule arabique : le 23 janvier 2015, l'OMS comptait 956 cas confirmés d'infection, dont 351 mortels (soit une létalité, ou proportion de décès parmi les cas, de 37 %). C'est entre mars et mai 2014 que les cas ont été les plus nombreux (504 cas, figure 1), mais depuis le 1er août 2014, 102 nouveaux cas ont encore été recensés, dont 97 en Arabie saoudite et deux au Qatar. Seuls 24 cas ont été exportés vers des pays hors de la péninsule arabique, où on n'a observé que rarement une transmission locale : un cas secondaire en France en 2013, deux en Tunisie et deux au Royaume-Uni.

L'article paru dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 6 janvier 2015 fait le point sur ce que l'on sait aujourd'hui du MERS-CoV, de son épidémiologie et de la maladie qu'il provoque. Ces connaissances sont encore incomplètes, particulièrement concernant l'origine du virus et ses voies de transmission. Le MERS-CoV, ou sa trace sérologique, ont été retrouvés dans de grandes populations de dromadaires, dans la péninsule arabique (72 à 100 % de prévalence), mais aussi dans des pays où aucun cas humain autochtone n'a encore été observé (Egypte, Tunisie, Ethiopie, Nigeria, Iles Canaries). Les camélidés pourraient constituer le principal sinon l'unique réservoir du virus, et se trouver à l'origine de la plupart des cas humains, survenus chez des sujets ayant un contact avec ces animaux. La transmission de l'animal à l'homme se ferait sans doute par voie aérienne. On pense qu'elle pourrait également se faire par la consommation de lait cru ou de viande, mais cette hypothèse n'est pas confirmée. La transmission interhumaine est surtout observée dans un contexte familial ou hospitalier ; elle semble également nécessiter des contacts rapprochés et fréquents et elle reste limitée. Selon les études, le taux de reproduction du virus (R0) est mesuré entre 0,5 et 0,69, indiquant un faible potentiel épidémique. On a également observé chez l'homme des infections sporadiques, dont l'origine n'a pu être déterminée. Elles pourraient être la conséquence de l'existence de cas asymptomatiques et d'une circulation silencieuse du virus chez l'homme, dont l'existence est établie : dans une étude menée sur un petit effectif, 91 % des sujets infectés par le virus (positifs en PCR ou sérologie) n'ont présenté aucun signe de leur infection. Les analyses génétiques des virus isolés ont montré d'autre part que plusieurs souches circulaient, et que les foyers d'infection sont probablement multiples.

Chez l'homme infecté, la durée de l'incubation est de 2 à 14 jours. Les signes sont ensuite ceux d'une infection respiratoire aiguë de gravité variable, pouvant se limiter aux voies hautes, ou évoluant en pneumopathie interstitielle avec détresse respiratoire et défaillance multi-viscérale. On observe en général de la fièvre, une toux, une dyspnée, des myalgies, parfois des signes digestifs (vomissements, diarrhée, douleurs abdominales). Les patients symptomatiques transmettent le virus par voie aérienne. Il semble que les formes graves ou mortelles s'observent surtout chez des patients présentant des maladies associées ou immunodéprimés. En l'absence de vaccin et de traitement spécifique, le traitement est actuellement symptomatique.

La menace que représente l'infection par le MERS-CoV justifie une surveillance épidémiologique mise en place dans tous les pays et coordonnée par l'OMS. Tous les cas confirmés doivent être déclarés à l'OMS et décrits, soit dans les publications de l'OMS, soit dans celles du service de santé de l'Arabie saoudite, pays qui déclare le plus de cas. En France, la surveillance mise en place dès octobre 2012 est coordonnée par l'Institut de veille sanitaire (InVS). Les cas suspects sont déclarés aux Agences régionales de santé (ARS) par les cliniciens et font éventuellement l'objet d'investigations biologiques et épidémiologiques. D'octobre 2012 à novembre 2014, 861 cas ont été déclarés ; 265 ont été classés en « cas possible », justifiant l'envoi d'un échantillon à un laboratoire habilité pour diagnostic biologique. En 2013 comme en 2014, un pic de signalements a été observé en octobre, au moment du retour du pèlerinage de La Mecque, mais seuls deux cas ont été confirmés, en mai 2013.

Nul ne sait aujourd'hui comment va évoluer l'épidémie de MERS-CoV. Depuis le 23 janvier 2015 et le dernier rapport de l'OMS, 6 autres cas ont été diagnostiqués en Arabie saoudite. En 2003, l'épidémie de SRAS s'était rapidement étendue à de nombreux pays, mais elle s'était arrêtée spontanément au bout de quelques mois et les seuls cas de SRAS rapportés depuis l'ont été chez des employés de laboratoire qui étudiaient le virus. De 1976 à 2013, le virus Ebola n'a été responsable que d'épidémies de faible ampleur, que des mesures d'hygiène ont suffi à contenir. En 2014, l'épidémie qui a commencé en Afrique de l'Ouest a pris de court l'OMS et la communauté internationale, qui n'avaient pas prévu un tel développement et n'avaient jamais sérieusement envisagé de mettre au point un vaccin ou un traitement. Il n'existe pas non plus de vaccin ou de traitement pour le MERS-CoV. Souhaitons qu'ils ne deviennent pas nécessaires dans les prochains mois, car on ne perçoit pas les signes d'une grande mobilisation contre cette menace ou celles que représentent aussi aujourd'hui plusieurs autres infections négligées.

Figure 1 : répartition des cas d'infection par le MERS-CoV diagnostiqués depuis le début de l'épidémie (source : CDC).

Situation épidémiologique d'ebola en guinée

Références

  1. A Sanna, F Aït-Belghiti, S Ioos, C Campese, E Fougère, V Gauthier, D Lévy-Bruhl, M Herida. Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus (MERS-CoV) : point épidémiologique international et national deux ans après l'identification de cet agent pathogène émergent. BEH, 2015, 1-2, p 7-13.
  2. ProMED, 31 janvier 2015.

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