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Recommandation temporaire d’utilisation (RTU) : un amendement élargit son périmètre

La RTU a été instaurée début 2014 pour permettre l’utilisation d’un médicament hors AMM (en dehors de son indication officielle), en l’absence d’alternative thérapeutique et en attendant une mise à jour de l’AMM (voir l'exemple du baclofène).

Ce cadre ne permet par contre pas aujourd'hui d’attribuer une RTU s’il existe déjà un traitement de référence, et ce même si l’alternative thérapeutique permettrait de faire des économies majeures, comme c’est le cas dans la prise en charge de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge).

Le député socialiste Gérard Bapt 
a donc élaboré un amendement au PLFRSS 2014 (Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale) afin d’élargir les conditions d’attribution d’une RTU.
03 juillet 2014 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Gérard Bapt lors de la présentation du PLFRSS, séance du 30 juin 2014 (capture d'écran, © videos.assemblee-nationale.fr)

Gérard Bapt lors de la présentation du PLFRSS, séance du 30 juin 2014 (capture d'écran, © videos.assemblee-nationale.fr)


Une décision européenne à l'origine de l'évolution de la situation
La prise en charge de la DMLA par le LUCENTIS (ranibizumab) permet une amélioration majeure de l'état visuel des patients concernés, mais a également un coût important (428,6 millions d'euros remboursés en 2013, premier poste de dépenses "soins de ville" en France malgré plusieurs baisses de prix).

Depuis plusieurs mois, l'Etat français cherchait une solution pour pouvoir autoriser l'AVASTIN (bévacizumab), beaucoup moins cher, dans la même indication, mais se heurtait à un obstacle juridique majeur : comment autoriser de manière exceptionnelle (RTU) un médicament qui n'a pas fait de demande d'AMM (autorisation de mise sur le marché) dans cette indication, alors qu'il existe une alternative thérapeutique très efficace (LUCENTIS, et également, depuis fin 2013, EYLEA [aflibercept]) ?

Afin de contourner cette difficulté, Gérard Bapt s'est appuyé sur une décision de la Cour de justice européenne, qui a établi le 11 avril 2013 une jurisprudence sur la prescription d'un médicament en dehors de son AMM "même dans le cas où une alternative thérapeutique existe, dès lors que cette alternative n'a pas la même substance active, ni le même dosage, ni la même forme pharmaceutique".

Cette décision a donc ouvert la possibilité d'attribuer une RTU même en présence d'une alternative thérapeutique, pour des raisons économiques par exemple.

PLFRSS 2014 : un amendement qui modifie deux articles de loi pour élargir le champ de la RTU
L'amendement rédigé par Gérard Bapt et déposé par le gouvernement modifie l'article L5121-12-1 du code de la santé publique et l'article L162-17-2-1 du code de la sécurité sociale en se calant précisément sur cette jurisprudence.

Cet amendement devra être entériné d'ici fin juillet (date d'adoption prévue du PLFSS) et pourra ensuite permettre d'accorder des RTU à des médicaments différents du traitement de référence, notamment pour des raisons d'économies budgétaires.

Les principaux points de l'amendement :
Un médicament différent du traitement de référence peut être prescrit hors AMM…  "Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son AMM en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage, de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées".
à condition qu'une RTU ait été accordée par l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) : "sous réserve qu'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient".
Le médecin prescripteur devra mentionner sur son ordonnance "Prescription hors AMM" ou "Prescription sous RTU".
Par ailleurs, le prix d'une spécialité, si elle doit être modifiée pour une telle RTU, pourra désormais être différent du prix accordé par les autorités pour son utilisation dans l'AMM : "lorsque la spécialité a fait l'objet d'une préparation, d'une division ou d'un changement de conditionnement ou d'un changement de présentation en vue de sa délivrance au détail, le prix est fixé par décision des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en tenant compte du prix ou du tarif de responsabilité en vigueur pour l'indication ou les indications remboursées, du coût lié à cette opération et de la posologie indiquée dans la RTU".

Novartis et Roche rejettent fortement ces nouvelles dispositions législatives
Cet amendement, en élargissant les conditions d'obtention d'une RTU, ouvre la voie à l'utilisation hors AMM d'AVASTIN à la place du LUCENTIS dans la DMLA. Une possibilité "fortement rejetée" par Novartis (qui fabrique LUCENTIS), qui explique que cela mettrait les patients en danger, "AVASTIN n'étant pas formulé pour être injecté dans l'œil".

Idem du côté de Roche, qui fabrique AVASTIN et détient des parts dans l'exploitation du LUCENTIS : "les considérations financières des autorités sanitaires nationales ne devraient pas compromettre la santé des patients et la loi européenne" (réactions recueillies par Reuters).

Au-delà de ces réactions centrées sur la sécurité, une telle RTU permettra-t-elle les économies espérées ? Par exemple, un ophtalmologue préfèrera-t-il injecter dans l'œil de ses patients un médicament disposant d'une AMM avec études dédiées ou celui disposant d'une RTU, même s'il est 30 fois moins cher ? L'évolution des prescriptions dans les prochains mois le dira...

En savoir plus :
PLFRSS POUR 2014 - (N° 2044) : amendement N°219 présenté par le Gouvernement, 30 juin 2014
Arrêt de la Cour de justice européenne (quatrième chambre), 11 avril 2013
Article L5121-12-1, code de la santé publique
Article L162-17-2-1, code de la sécurité sociale
France to back Roche cancer drug as cheaper eye treatment, Reuters.com, 2 juillet 2014
Sources

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