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Journée mondiale du diabète : le BEH publie 4 études riches d'enseignements pour améliorer la prise en charge

Depuis 1991, la Journée mondiale du diabète mobilise professionnels de santé, associations et médias pour mener diverses actions de sensibilisation et d’information sur cette pathologie qui toucherait environ 370 millions d’adultes dans le monde, dont 3 millions en France (soit 6 % des Français).

A l’occasion de cette Journée, le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) publie quatre études épidémiologiques sur le risque de complications et le financement de la prise en charge du diabète.

Selon le Pr André Grimaldi (CHU Pitié-Salpétrière, Paris), ces quatre études montrent les limites actuelles de la prise en charge des patients diabétiques. Ces limites nécessitent une évolution des pratiques pour "faire mieux sans dépenser plus".
14 novembre 2013 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Le logo de la Journée mondiale du diabète, décliné ci-dessous en 36 langues, est un cercle bleu.

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"Est-il possible de faire mieux sans dépenser plus ?"
Dans un éditorial introduisant ce numéro thématique, le Pr Grimaldi remarque que 20 % des patients diabétiques déclarent renoncer à des soins pour des raisons financière (cf. résumé de l'étude ci-dessous), "malgré une prise en charge à 100 % au titre des affections de longue durée (ALD)". Par ailleurs, les trois autres études montrent que l'équilibre glycémique reste insuffisant et les complications "toujours aussi fréquentes", même si la mortalité cardiovasculaire liée au diabète de type 2 diminue (Ford ES et coll., NEJM, 2012). Le Pr Grimaldi se réjouit également de la diminution considérable de l'incidence de l'insuffisance rénale chez les diabétiques de type 1 (Lecaire TJ et coll., Diabetes Care, 2011).

Afin d'améliorer la prise en charge des patients diabétiques "sans dépenser plus", le Pr Grimaldi préconise une révision du "panier de soins" pris en charge à 100 % : "juste soin au juste coût", adaptation du paiement à l'acte et de la tarification hospitalière à l'acte (T2A), lutte contre les hospitalisations inutiles et mise en place d'une éducation thérapeutique "adaptée aux besoins réels des patients".

Etude : environ 1 diabétique sur 3 hospitalisé au moins une fois dans l'année
Le BEH  publie une étude des facteurs associés à l'hospitalisation des diabétiques de type 1 et 2. Ces données (nombre de consultations, hospitalisations, prescriptions, réponses à des questionnaires) proviennent de l'étude Entred 2007, qui a concerné 8926 adultes diabétiques français suivis pendant 3 ans.

Les résultats montrent que 31 % des diabétiques ont eu au moins un séjour hospitalier dans l'année. Par rapport à la population diabétique de l'étude Entred, il y avait, parmi les personnes hospitalisées, davantage de diabétiques de type 1 (45 % vs 31 %), la présence d'un diabète depuis plus de 10 ans (54 % des cas), un âge médian plus élevé (69 ans vs 65), davantage d'ALD pour le diabète (91 %) et davantage de difficultés financières (59 %).  Le recours à l'insuline était également plus fréquent (29 %).

Frank Assogba et ses collègues en concluent qu'il est "indispensable de renforcer les mesures de prévention secondaire"(détection précoce des complications) chez les diabétiques âgés, fragiles et/ou défavorisés.

Entred 2007 : malgré la prise en charge à 100 % en cas d'ALD, un reste à charge trop élevé qui entraîne des renoncements aux soins
Les patients diabétiques ont un "reste à charge" plus ou moins conséquent, comme le montre une enquête également réalisée dans le cadre de l'étude Entred 2007. Près de 3500 diabétiques de type 2 et 263 diabétiques de type 1 ont rempli un questionnaire sur le coût total de leur traitement.

L'analyse de leurs réponses montre que le reste à charge (RAC) annuel s'élève en moyenne à 660 € par patient. Chez les patients en ALD, ce montant s'élève à 608 €, malgré la prise en charge à 100 % des soins remboursables.  Chez les patients diabétiques de type 2, cette somme augmente avec l'âge : 493 € en moyenne entre 25 et 44 ans, 789 € après 85 ans. Que les patients diabétiques bénéficient, ou non, de la CMU complémentaire, le montant du RAC n'est pas différent.

93 % du RAC annuel est imputable aux soins de ville en cas de diabète de type 2 (86 % chez ceux de type 1) : médicaments incomplètement remboursés (même si ALD), dispositifs médicaux, soins dentaires, consultation de spécialistes, etc. Les consultations du podologue, essentielles pour éviter les complications plantaires (maux perforants), représentaient également un surcoût en 2007 pour de nombreux diabétiques. Cependant, depuis mai 2013, ces séances peuvent être prescrites par le médecin (et remboursées).

Ce reste à charge explique que 23 % des diabétiques de type 1 et 17 % des diabétiques de type 2 aient déclaré avoir renoncé à au moins un service de santé à cause de son prix. Le plus souvent, ces renoncements pour raisons financières concernaient des soins de pédicure, podologie ou dentaires et des consultations diététiques.

Bruno Detournay et ses collègues en concluent que la couverture maladie des patients diabétiques, bien qu'apparemment très complète, reste imparfaite en France. Une inégalité financière d'accès aux soins qu'il faudrait réussir à corriger...

Deux autres études montrent qu'il faut renforcer la prévention des complications
Une étude a évalué le risque vasculaire des diabétiques de type 1, ainsi que la fréquence de leurs complications à partir des données d'Entred 2001 et Entred 2007. Résultat, "le risque vasculaire reste élevé", avec en particulier un tabagisme fréquent, une obésité en augmentation et un contrôle glycémique insuffisant.  Pour en savoir plus, cliquez ici.

Une autre étude, basée sur les données "enfants" de l'étude Entred 2007, a montré qu'environ un tiers de ces enfants diabétiques de type 1 ont été hospitalisés dans l'année pour suivi, et 13 % l'ont été pour complications aiguës. Pour en savoir plus, cliquez ici.

En conclusion
Ces données publiées dans le BEH à l'occasion de la Journée mondiale du diabète 2013 montrent que la prévention des complications ainsi que la prise en charge financière actuelle des soins sont encore insuffisantes et sources d'inégalités en France.

La stratégie nationale de santé prévoit de renforcer l'information, l'éducation thérapeutique, le rôle des patients-experts, l'éducation à la santé et la prévention et la diminution du reste à charge via une généralisation du tiers payant, comme le rappelle un communiqué de Marisol Touraine publié le 14 novembre. Est-ce que cela suffira à améliorer la situation, en particulier le renoncement aux soins pour raisons financières ? Ou faut-il par exemple, comme le souhaite Mr Grimaldi, réviser le panier de soins actuellement pris en charge par la sécurité sociale ?

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- Le site de la Journée mondiale du diabète, International Diabetes Federation
- "Journée mondiale du diabète, 14 novembre 2013" (fichier PDF), bulletin thématique du BEH, 12 novembre 2013
- "Éditorial. Diabète : est-il possible de faire mieux sans dépenser plus ?", Grimaldi A., Bull Epidémiol Hebd. 2013 ;(37-38):452-3.
- "Explaining the decrease in U.S. deaths from coronary disease, 1980-2000", Ford ES, Ajani UA, Croft JB, Critchley JA, Labarthe DR, Kottke TE, et al., N Engl J Med. 2007;356(23):2388-98
- "Risk for end-stage renal disease over 25 years in the population-based WESDR cohort", Lecaire TJ, Klein BE, Howard KP, Lee KE, Klein R., Diabetes Care. 2013 Sep 11.
- "Facteurs associés à l'hospitalisation des personnes diabétiques adultes en France. Entred 2007", Assogba FAG, Penfornis F, Detournay B, Lecomte P, Bourdel-Marchasson I, Druet C, et al., Bull Epidémiol Hebd. 2103;(37-38):454-63.
- "Le reste à charge des patients diabétiques en France en 2007", Detournay B, Robert J, Gadenne S., Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):472-6
- "Diabète de type 1 en France métropolitaine : caractéristiques, risque vasculaire, fréquence des complications et qualité des soins. Entred 2001 et Entred 2007", Dossou Y, Roudier C, Penfornis A, Fagot-Campagna A, Druet C., Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):477-84.
- "Hospitalisation des enfants diabétiques en France en 2007-2008. Étude Entred-Enfant 2007", Mandereau-Bruno L, Beltrand J, Milovanovic I, Chantry M, Lévy-Marchal C, Druet C., Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):464-470
- "Journée mondiale du diabète le 14 novembre : Une maladie chronique au cœur de la stratégie nationale de santé", ministère de la santé, 14 novembre 2013

La photo du Pr Grimaldi provient du site de l'AFD, excellente ressource sur le diabète pour le grand public. 

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