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Réforme des retraites : plusieurs mesures annoncées par le gouvernement hérissent les syndicats médicaux

Après avoir rencontré les syndicats et organisations patronales, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a rendu le 27 août ses arbitrages sur les retraites : les cotisations salariales et de l’entreprise augmenteront progressivement à partir de 2014, tandis qu’un "compte pénibilité" sera débuté à partir du 1er janvier 2015. 

Alors que ce texte, envoyé au Conseil d’Etat le 6 septembre, sera discuté à l’Assemblée à partir du 7 octobre, plusieurs syndicats médicaux libéraux et hospitaliers contestent certaines dispositions annoncées.
11 septembre 2013 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Plusieurs syndicats et regroupements de syndicats médicaux proposent des modifications la réforme des retraites.

Plusieurs syndicats et regroupements de syndicats médicaux proposent des modifications la réforme des retraites.


La FMF et le CSMF s'inquiètent d'une "mise sous tutelle gouvernementale" de la Caisse autonome de retraite des médecins français
Le projet de loi comporte un article, l'article 31, prévoyant la nomination par l'Etat, par décret, du directeur de la CNAVPL (Caisse nationale de l'Assurance Vieillesse des Professions Libérales).

Selon la FMF (Fédération des Médecins de France), il s'agit de la fin de l'autonomie des caisses des professions libérales, dont la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins français). Cela "supprimerait le pouvoir des représentants élus par les confrères et tous les libéraux" et menacerait la bonne gestion des réserves, s'inquiète le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.

La CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) dénonce également "cette étatisation des régimes de retraite des médecins sans concertation" et appelle à "une refonte urgente de sa gouvernance pour plus de transparence et pour l'harmoniser avec les autres caisses, pour la rendre irréprochable".

Une indignation partagée par toutes les caisses de retraite libérales, qui ont adressé à tous les parlementaires un courrier commun demandant "le retrait immédiat de cet article du projet de loi et l'ouverture d'une véritable discussion avec les pouvoirs publics".

MG France appelle à la prise en compte de la situation des médecins libéraux ayant cotisé avant 2004
En 2003, la réforme des retraites menée par François Fillon a permis une harmonisation du régime de base de retraite des médecins libéraux. Cette réforme a permis aussi aux médecins libéraux à temps partiel, comme à tout salarié libéral, de cotiser sur une assiette à temps plein (montants des cotisations équivalant à celui payé en exerçant à plein temps). Cette mesure, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, a donc permis la prise en compte des trimestres travaillés à temps partiel dans le calcul du montant de la retraite.

Mais MG France rappelle, dans un communiqué du 29 août 2013, que les trimestres travaillés à temps partiel et cotisés avant 2004 ne sont pas du tout comptabilisés, et ce même si les médecins concernés "ont travaillé plus de 200 heures par trimestre pour des montants supérieurs au SMIC". Cette situation, affecte en particulier les femmes médecins libérales (temps partiel lié à une ou plusieurs grossesse(s) et à l'éducation de leurs enfants).

Selon MG France, cette demande a été relayée à l'Assemblée en juillet par une quinzaine de députés (cf. la question de Mr Stéphane Demilly, UDI et celle de Mr Laurent Marcangeli, UMP, sur le site de l'Assemblée).

Afin de réparer cette "injustice", il faudrait que ces médecins puissent valider tous les trimestres travaillés et cotisés, et donc inclure cette modification dans la réforme des retraites, modification "indispensable pour restaurer une équité que les médecins sont en droit de réclamer", conclut le syndicat.

Dix facteurs de pénibilité bientôt reconnus et indemnisés
Depuis plusieurs années, les syndicats militent, indépendamment des professions, pour une prise en compte a priori de la pénibilité, de manière systématique, sans attendre le constat d'un handicap, d'une pathologie liée au travail survenant des années après et donc difficile à évaluer, puis à compenser.

Ces revendications ont apparemment été entendues par le gouvernement actuel qui promet, dans la présentation du projet de loi mise en ligne sur le site du gouvernement, une prise en compte prochaine des 10 facteurs de pénibilité définis par les partenaires sociaux en 2008 :
- les manutentions manuelles de charges lourdes ;
- les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
- les vibrations mécaniques ;
- les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées ;
- les activités exercées en milieu hyperbare ;
- les températures extrêmes ;
- le bruit ;
- le travail de nuit ;
- le travail en équipes successives alternantes ;
- le travail répétitif.

Mais une prise en compte de la pénibilité réservée aux salariés du secteur privé
Un compte personnel de prévention de la pénibilité, "financé par une cotisation des employeurs",  sera créé dès 2015, a annoncé Jean-Marc Ayrault le 28 août.   "Il sera ouvert pour tout salarié du secteur privé exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. Il permettra de cumuler des points, donnant droit à des formations, à un temps partiel en fin de carrière ou au bénéfice de trimestres de retraite".

Une annonce mal perçue par certains syndicats médicaux qui revendiquent depuis des années la prise en compte de la pénibilité des professions médicales et paramédicales : le travail des médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, aides-soignants ou encore brancardiers comporte souvent du travail de nuit, le port de charges lourdes, la manipulation de produits chimiques, la répétition, etc.

Les libéraux et les hospitaliers demandent aussi un compte pénibilité
Depuis les  annonces de Mr Ayrault, plusieurs syndicats se sont manifestés :
- Le SNPHAR-E (Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateurs Elargi) affirme, dans un communiqué du 29 août,  que l'exclusion des salariés du service public de la prise en compte de la pénibilité "est inacceptable". En conséquence, le SNPHAR-E demande, via un communiqué le 2 septembre, "une mesure de protection octroyant la possibilité, non opposable, de pouvoir arrêter le travail de nuit à partir de 60 ans pour les praticiens concernés et facilitant l'accès à un exercice à temps réduit". Ce syndicat hospitalier demande aussi  "une mesure de réparation pour ceux qui ont assumé plus de 1000 gardes et astreintes déplacées sur une carrière afin qu'ils puissent partir en retraite à 60 ans sans décotes".
- La CSMF demande également la création d'un compte pénibilité pour les médecins, en particulier en raison du travail de nuit, des stations debout prolongées dans certaines spécialités, du stress et de l'insécurité. La CSMF rappelle que "les médecins libéraux sont parmi les professionnels les plus touchés par le burn-out".
Du côté des infirmiers, l'inquiétude est également de mise, alors qu'"une infirmière sur quatre et une aide-soignante sur trois part à la retraite avec un taux d'invalidité", selon Philippe Crepel ( CGT Santé Action Sociale), interrogé par le site infirmier actusoins.com.

En conclusion
La remise en cause de la gouvernance de la caisse autonome de retraite des médecins, la non-prise en compte de la pénibilité des conditions de l'exercice médical et paramédical, ainsi que l'absence de validation a posteriori de trimestres cotisés et travaillés avant 2004 suscitent l'ire des représentants des médecins.

Seront-ils entendus lors des prochains débats parlementaires autour de ce texte ? A suivre…

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- "Projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites", texte préliminaire à l'examen par le Conseil d'Etat puis par les parlementaires, mis en ligne par plusieurs sites, dont celui du  journal Les Echos
- "Touchez pas au grisbi", Jean-Paul Hamon, FMF, 8 septembre 2013
- "Mise sous tutelle de l'Etat des régimes de retraite", CSMF, 6 septembre 2013
- "L'Etat veut prendre la main sur les caisses des libéraux - Les présidents des 10 caisses de retraite libérales saisissent les parlementaires", CNAVPL, communiqué de presse, 6 septembre 2013
- "LOI n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites - Chapitre II : Dispositions relatives à l'assurance vieillesse des professions libérales et des avocats", legifrance.gouv.fr, 2003
- "Retraite des médecins libéraux : MG France réclame l'équité", MG France, 29 août 2013
- "Question de Mr Laurent MArcangeli, député UMP", et "Question de Mr  Stéphane Demilly, député UDI", Journal Officiel via assembleenationale.fr, juillet 2013
- "Réforme des retraites : garantir notre système, corriger les injustices", Gouvernement.fr, 27 août 2013
- "Pénibilité du travail de nuit des médecins hospitaliers : le SNPHAR-E dit STOP au mépris !", SNPHAR-E, 29 août 2013
- "Pénibilité du travail de nuit des médecins hospitaliers : le SNPHAR-E propose" , SNPHAR-E, 2 septembre 2013
- "Réforme des retraites : la CSMF demande un compte pénibilité pour les médecins", CSMF, 28 août 2013
- "Pénibilité des infirmières : la réforme ne toucherait que le privé", actusoins.com, 2 septembre 2013

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