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Virus du sida : vers un gel microbicide contenant du venin d’abeille ?

Depuis des années, les scientifiques du monde entier tentent de trouver un autre moyen que le préservatif pour prévenir la transmission du virus du sida. Un pas significatif a peut-être été franchi par des chercheurs américains. Ils ont mis au point des nanoparticules transportant une toxine provenant du venin d’abeille qui détruit, in vitro, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Mais attention, s’il s’agit d’une piste prometteuse, ce n’est encore pour le moment qu’une piste…
13 mars 2013 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Nanoparticules (violet) portant la mélittine (vert) qui fusionne avec les VIH (cercles bleus avec pointes extérieures)

Nanoparticules (violet) portant la mélittine (vert) qui fusionne avec les VIH (cercles bleus avec pointes extérieures)


La mélittine, une toxine du venin d'abeille déjà connue pour ses propriétés anti-microbiennes
La mélittine est le principal composant actif du venin d'abeille. Constituée de 26 acides aminés (représentation 3D ci-contre), elle est capable de détruire la membrane cellulaire.  Cette propriété explique pourquoi elle aurait aussi une puissante activité anti-microbienne.

Cet oligopeptide a ainsi montré une efficacité in vitro contre la bactérie responsable de la maladie de Lyme (Borrelia burgdorferi). Des plasmides artificiels contenant le gène de la mélittine et contenus dans un gel vaginal ont également permis de lutter efficacement, chez la souris, contre des infections à Chlamydia trachomatis et à Mycoplasma hominis.

Par contre, même si de nombreux travaux scientifiques internationaux sont réalisés actuellement avec la mélittine, aucune étude n'a encore montré une efficacité anti-infectieuse chez l'homme.

De la mélittine transportée par des nanoparticules détruit, in vitro, le VIH
Le Dr Samuel Wickline et son équipe, de la faculté de médecine Washington de Saint-Louis (Missouri), avaient déjà noté que la mélittine transportée par des nanoparticules était capable de détruire, chez la souris, des cellules tumorales.

Samuel Wickline, Joshua Hood et d'autres scientifiques de la même université ont ensuite cherché à savoir si ces nanoparticules chargées pouvaient aussi détruire l'enveloppe protectrice du virus du sida.  

Pour cela, ils ont incubé des virus VIH-1 avec de la mélittine "libre" ou transportée par des nanoparticules. Ils ont constaté que cela inhibait le pouvoir infectieux du virus en détruisant son enveloppe protectrice : "la mélittine des nanoparticules fusionne avec l'enveloppe virale", explique le Dr Joshua Hood, co-auteur de l'étude. "La mélittine forme des petits ‘complexes d'attaque' (...) qui déchirent et enlèvent l'enveloppe du virus".

Les nanoparticules n'endommagent pas les cellules saines
Les chercheurs de St Louis ont ensuite fait incuber de la mélittine "libre" ou "nanotransportée" avec des cellules épithéliales vaginales, afin de tester la viabilité des cellules normales face à cette substance. Résultat, les cellules saines étaient endommagées par la mélittine libre, mais pas par les nanoparticules chargées, et ce à n'importe quelle dose.

Cette protection est liée au rajout de sortes de "pare-chocs" moléculaires situés à la surface des nanoparticules (petits ovales rouges sur le dessin du Dr Hood ci-contre et en tête de cet article). Lorsque les cellules normales, qui sont de plus grande taille que les virus, sont en contact avec les nanoparticules, elles rebondissent sur leurs "pare-chocs", sans être endommagées. 

Tandis que le VIH, bien plus petit, se loge entre les pare-chocs et se trouve donc en contact avec la nanoparticule porteuse de mélittine (cf. dessin).

Vers un gel vaginal microbicide préventif ? Prudence….
Le fait que ces nanoparticules chargées tuent les VIH et n'endommagent pas les cellules saines ouvre donc des perspectives intéressantes : elles pourraient être incluses dans un gel à usage vaginal, afin de détruire les éventuels virus sans pour autant attaquer l'épithélium vaginal, ni les spermatozoïdes (intéressant dans le cas des couples avec un partenaire séropositif souhaitant concevoir un enfant).

Néanmoins il ne s'agit que de recherches très préliminaires : de multiples pistes, vaccinales notamment, ont donné beaucoup d'espoir mais se sont finalement avérées inefficaces.

Cependant, le fait que cette toxine détruise un élément fondamental du virus est prometteur : "nous nous attaquons à une propriété physique inhérente du VIH", précise le Dr Hood. "Théoriquement, il n'y a pas d'autre moyen pour le virus de s'adapter à [cette destruction]. Le virus doit avoir un revêtement protecteur, une membrane à double couche qui le recouvre".

Un espoir également pour le traitement du sida ?
Au-delà de la prévention sous la forme d'un gel vaginal, le Dr Hood voit même un espoir de traitement pour les infections à VIH existantes, en particulier celles qui sont résistantes aux antirétroviraux. Les nanoparticules pourraient alors être injectées par voie intraveineuse et, en théorie bien sûr, être capables de supprimer le virus de la circulation sanguine (tandis que les antirétroviraux l'empêchent seulement de se répliquer).

Mais tout ceci, nous nous répétons, demande confirmation, chez l'animal puis chez l'homme. A suivre !

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- "Cytolytic nanoparticles attenuate HIV-1 infectivity", Joshua L Hood, Andrew P Jallouk, Nancy Campbell, Lee Ratner, Samuel A Wickline, Antiviral Therapy 2013; 18:95-103 doi: 10.3851/IMP2346
- "Nanoparticles loaded with bee venom kill HIV", Julia Evangelou Strait, 7 mars 2013, site de l'université Washington de Saint-Louis (Missouri)
- Mélitine, fiche Wikipedia, d'où est issue également la représentation 3D de la molécule, uploadée en 2006 par "Iridos", étudiant en chimie allemand
- "The Antimicrobial Agent Melittin Exhibits Powerful In Vitro Inhibitory Effectson the Lyme Disease Spirochete", Lori L. Lubke and Claude F. Garon, Clin Infect Dis. (1997) 25 (Supplement 1): S48-S51. doi: 10.1086/516165
- "Effect of induced expression of an antimicrobial peptide melittin on Chlamydia trachomatis and Mycoplasma hominis infections in vivo", V.N. Lazarev et coll., Biochemical and Biophysical Research Communications, Volume 338, Issue 2, 16 December 2005, Pages 946–950
- "Molecularly targeted nanocarriers deliver the cytolytic peptide melittin specifically to tumor cells in mice, reducing tumor growth", Neelesh R. Soman et coll., J Clin Invest. 2009;119(9):2830–2842. doi:10.1172/JCI38842.
- 2195 publications effectuées avec la mélittine recensées sur PubMed.

Dessin illustrant cet article : © Joshua L. Hood, MD, PHD

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