#Santé publique

Déserts médicaux : le Sénat avance 16 mesures "volontaristes", la profession s'indigne

Pour lutter plus efficacement contre les déserts médicaux, le Sénat prône de compléter les mesures incitatives avec des mesures restrictives. Les premières réactions des représentants des médecins libéraux sont négatives.
Il y a de plus en plus de zones urbaines et rurales sous-médicalisées en France, créant des difficultés d’accès aux soins de qualité pour une partie de la population française. Afin de trouver de meilleures réponses que celles actuellement déployées,  16 sénateurs ont travaillé pendant 7 mois pour élaborer un rapport d’information, rendu public le 7 février. Le point sur leurs propositions et les premières réactions.
08 février 2013 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les déserts médicaux progressent en France

Les déserts médicaux progressent en France

Une inégalité de l'accès aux soins inquiétante et difficile à endiguer
Les déserts médicaux s'étendent à la campagne, en banlieue,  en "arrière-pays", comme le note chaque année le Conseil de l'Ordre des médecins dans son Atlas annuel de la démographie médicale en France. En 2012, l'Ordre s'inquiétait, pour la médecine générale, de "54 bassins de vie potentiellement en danger, sans aucun apport de nouvelles générations" (voir carte ci-dessus).

Cette "désertification" qui allonge les temps d'attente, en particulier pour consulter un spécialiste, ou pousse au renoncement aux soins, est en constante progression. Cette désaffection relative va de pair, à la campagne en tout cas, avec la disparition progressive des bureaux de poste, boulangeries, écoles, transports et commerces de proximité, rendant encore plus difficile les nouvelles installations libérales.

Depuis plusieurs années, diverses solutions ont été mises en place pour y remédier, plus ou moins bien accueillies par les professionnels : incitations financières, maisons de santé, aides à l'installation par exemple.

Jusqu'à présent, l'incitation a été privilégiée par les pouvoirs publics
Jusqu'à présent, les pouvoirs publics privilégiaient seulement les mesures incitatives, sans réussir à vraiment enrayer ces difficultés. Pour le groupe de travail du Sénat, présidé par le sénateur socialiste Jean-Luc Fichet et dont le rapporteur est le sénateur centriste Hervé Maurey (UDI), "il faut désormais faire montre de volonté, de persévérance et de courage pour agir sans tabou ni a priori dans le seul souci de l'intérêt général".

Ce volontarisme qualifié d'"indispensable" par les auteurs prend la forme de 16 propositions comportant une "régulation" en complément de  l'incitation.

Ouvrir et décentraliser les études de médecine
Les auteurs du rapport sénatorial déplorent une formation médicale trop centrée sur l'hôpital, avec une sélection initiale intensive renforçant "la part prépondérante des étudiants issus des catégories socioprofessionnelles supérieures" et vivant en ville.

Or, les étudiants s'installent à 80 % à proximité de leur lieu de formation. Le rapport propose donc d'"élargir les origines sociales et géographiques des étudiants", de diversifier l'enseignement en l'adaptant régionalement aux besoins  et de "rendre effective l'obligation des stages d'initiation en médecine générale", qui pourraient se situer hors des centres-villes.

Les sénateurs souhaiteraient également mettre en place, pour les médecins généralistes, une année supplémentaire "professionnalisante" en fin d'études, "prioritairement dans les territoires identifiés comme sous-denses".

Renforcer la politique locale d'accès aux soins
Les sénateurs préconisent la création "à l'échelle du département, d'une commission de la démographie médicale", qui organiserait localement l'offre, par exemple en validant les projets de maisons de santé. Cette nouvelle commission associerait des représentants du préfet, de l'Agence Régionale de Santé (ARS), du conseil départemental de l'Ordre des médecins et de l'assurance maladie, comme cela existe déjà dans le Lot-et-Garonne (la Coddem, présentation sur le site du Conseil général).


Ils souhaitent également que dans les déserts médicaux, les infirmiers, les pharmaciens et les orthoptistes puissent suppléer aux carences démographiques (transferts de compétences).

Les maisons et pôles de santé pluriprofessionnels devraient également être encouragés et pérennisés, toujours selon ce rapport.

Favoriser la télémédecine, rémunérer différemment les médecins et les faire travailler plus longtemps
Les sénateurs rappellent que la télémédecine (télé-consultation, télé-expertise, télé-surveillance et télé-assistance) ne peut toujours pas être rémunérée (pas de cotation des actes), alors qu'elle "peut constituer une solution partielle à la raréfaction des praticiens libéraux dans certains territoires". Il faudrait donc établir ces cotations et "déployer la télémédecine à grande échelle", en surmontant la fracture numérique dans certains déserts médicaux ruraux.

Par ailleurs, afin d'"éviter la course à l'acte", des "rémunérations forfaitaires" pourraient être préférées au paiement de chaque consultation dans les zones sous-denses : les médecins se verraient confier de véritables "mandats de santé publique (…) pour valoriser leurs actions de santé publique  et suivi des maladies chroniques". Par ailleurs, les centres de santé pourraient salarier leurs médecins.

Pour enrayer cette raréfaction, les sénateurs souhaitent aussi créer un "véritable statut du médecin retraité actif (…) dans les zones sous-médicalisées", avec un allègement de ses charges sociales.

"Mieux réguler" l'installation et instaurer une "obligation de service" pour les spécialistes
Selon les sénateurs, il faudrait s'inspirer du modèle allemand pour dissuader l'installation dans les zones comportant beaucoup de médecins : ceux  qui s'installent dans une région sur-dense ne devraient plus être conventionnés (donc leurs patients ne pourraient plus être remboursés), "sauf en cas de reprise d'activité". Tout comme en Allemagne, "les dispositifs incitatifs continueraient de leur être proposés dans les zones sous dotées".

Les déserts médicaux concernant surtout les spécialistes, ces derniers seraient obligés d'exercer à la fin de leurs études dans des hôpitaux situés en zones sous-denses. "Un bref service public", selon les sénateurs, qui pourrait être étendu aux médecins généralistes si la situation n'évolue pas positivement d'ici 2017.
Retrouvez ci-dessous le résumé des 16 propositions des sénateurs (pour accéder au rapport complet, cliquez ici) :

   Sénat 16 propositions contre les déserts médicaux

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Des  restrictions pour améliorer le système… ou majorer le découragement ?
Le syndicat MG France salue dans un communiqué certaines propositions incitatives contenues dans ce rapport, mais déplore celles mentionnant de nouvelles obligations, qualifiées d'"inacceptables".

"La vraie réponse aux déserts médicaux est pourtant inscrite dans certaines des propositions du Sénat : elle consiste notamment à favoriser le travail en équipe et la coopération entre professionnels de santé, à encourager des nouvelles formes d'exercice, en un mot à investir massivement sur les structures de soins primaires de proximité", suggère le syndicat.

Du côté de la Fédération des médecins de France, son président, le Dr Jean-Paul Hamon, a déploré sur Europe 1 des propositions "coercitives" et "inadaptées" aux enjeux actuels. Pour tout communiqué, la Fédération a publié un dessin sur son site qui résume leurs inquiétudes.

Alors qu'aujourd'hui seul un médecin sur dix s'installe en libéral, l'obligation de s'installer en zones sous-denses et peu attrayantes ne risque-t-elle pas d'accentuer la désaffection pour ce mode d'exercice ?

Jean-Philippe Rivière
 
Sources :
- "Atlas de la démographie médicale française 2012 : Les jeunes générations font naître une lueur d'espoir pour la relève libérale", Conseil national de l'Ordre des médecins, 18 octobre 2012. Communiqué, Atlas partie 1, Atlas partie 2, synthèse
- "Avec un médecin de campagne", reportage de i> TELE, 7 février 2013
- "Un rapport du Sénat formule des recommandations pour mettre fin aux déserts médicaux", senat.fr, 8 février 2013
- "Déserts médicaux : Agir vraiment", Rapport d'information de M. Hervé MAUREY, fait au nom de la commission du développement durable n° 335 (2012-2013), 5 février 2013
- "La Coddem", présentation sur le site du conseil général du Lot et Garonne
- "Rapport sénatorial sur les déserts médicaux : un constat partagé, mais de mauvaises réponses", communiqué de MG France, 7 février 2013
- "Déserts médicaux : les remèdes du Sénat",  Europe1.fr, 7 février 2013
- "Contre le désert des idées politiques, supprimons le Sénat", communiqué sous forme de dessin de la Fédération des médecins de France, 7 février 2013
Sources

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